A. Chiaramonti (Believe) : « La diffusion ouverte de musique est une piste à explorer »

Mobilité

Le cofondateur du distributeur de musique numérique, qui a initié
l’opération « musique sans DRM » sur Fnacmusic.com, veut poursuivre dans cette
voie.

(Interview réalisée le 7 novembre 2006)

En quelques mots, pourriez-vous nous présenter votre métier ?
Arnaud Chiaramonti: La société a été fondée il y a deux ans par Denis Ladegaillerie qui dirigeait les activités de musique en ligne d’Universal aux USA (MP3.com, Emusic, Get Music, Rollingstones.com?) et moi-même. Believe est aujourd’hui le leader français et un des leaders européens de la distribution numérique avec plus de 60 000 titres à son catalogue, des collaborateurs en Espagne et Italie et une équipe de 11 personnes. Nous proposons aux artistes et aux labels un solution intégrée avec une distribution numérique qui leur permet de rendre disponible leurs oeuvres sur la quasi-totalité des services de téléchargements légaux, en téléphonie et Internet de façon simple, sécurisée et rapide, ainsi qu’une activité de promotion des ventes et marketing en ligne qui permet aux labels et artistes de bénéficier de notre expertise et de maximiser leur exposition et leurs revenus. Believe est donc une sorte de guichet unique qui permet simplement d’être présent sur ce nouveau canal de distribution qui est également un média.

Quel regard portez-vous sur le marché de la musique numérique fin 2006 ?
Le marché légal progresse ! C’est déjà une très bonne nouvelle car il faut rappeler qu’il y a à peine plus de deux ans, il n’y avait presque pas d’alternative au piratage tant les services légaux étaient embryonnaires. Ceci dit, la France est encore en retard par rapport à ses voisins européens avec à peine 5% du volume global des revenus issus de ventes numériques, là où l’Angleterre est presque à 10%, l’Allemagne à 8% et les USA à presque à 18%. La marge de progression est donc importante d’autant plus que les dernières analyses tendent à prouver que le téléchargement illégal perd proportionnellement du terrain par rapport aux ventes légales. Fin 2006, il commence à y avoir un marché avec des acteurs qui se positionnent et des consommateurs qui ont pris des habitudes et auxquels il faut savoir s’adresser.

Comment s’est passé votre collaboration avec fnacmusic pour la vente de morceaux sans DRM ?
Fnacmusic, ainsi que d’autres services similaires, réfléchissaient depuis quelques temps à monter une opération de ce type qui reprenait une des conclusions du rapport de la loi DADVSI, à savoir l’interopérabilité des fichiers vendus sur les services numériques. En raison des DRM (sorte de serrure de sécurité empêchant la reproduction à l’infini des fichiers téléchargés mais également leur lecture et utilisation sur tout type de support), cette interopérabilité était impossible. Dans le même temps, Fnacmusic souhaitait que cette opération puisse se faire avec un partenaire connu, innovant et fiable et sur un artiste en développement entrant dans leur ligne éditoriale, le tout dans le respect des droits du producteur et de ceux de l’ensemble des ayants droit. Nous travaillons depuis longtemps avec Fnacmusic et avons réalisé avec eux des opérations d’envergure comme lors du dernier Printemps de Bourges avec la distribution de près de 10 000 cartes de téléchargements prépayées sur les artistes « Attention talent scène ». Fnacmusic nous a ainsi tout naturellement sollicité et nous leur avons suggéré de faire cette opération sur les deux titres du groupe Aaron qui étaient en pleine phase de développement numérique et dont les ayants droits nous avaient donné leur accord pour cette opération.

Aujourd’hui, quels enseignements tirer de cette expérience ?
J’en vois au moins deux. Le premier est d’avoir permis à un artiste en plein développement d’entrer dans le top 5 des singles les plus téléchargés sur une grande plate-forme payante. Le second est d’avoir eu le mérite de poser à nouveau la question de l’interopérabilité des fichiers auprès de l’ensemble des acteurs de la filière musicale. A mon sens, les grands gagnants de cette opération ont été les artistes et les consommateurs ce qui, au moins à petite échelle, puisqu’il n’y avait qu’un seul artiste et seulement deux titres de disponibles, constitue un encouragement à poursuivre dans ce sens.

Selon vous, quelles plates-formes de téléchargement de musique fournit le plus d’effort dans la distribution de fichiers sans DRM ?
Il y a des tentatives de part et d’autre. VirginMéga a emboîté le pas de fnacmusic en proposant eux aussi quelques titres sans DRM peu après notre opération. Maintenant, la question de l’interopérabilité ne peut se résoudre sans la participation et la volonté de l’ensemble des acteurs de la filière musicale : plates-formes de téléchargement certes, mais également, producteurs, artistes, société de gestion collective? L’industrie du disque est malmenée depuis plusieurs années et Internet a longtemps été considéré la source de tous les maux. Je suis d’avis qu’il faut avoir sur ce sujet une approche à la fois éducative et pragmatique. L’important me semble de donner des réponses claires aux inquiétudes des producteurs et artistes touchés de plein fouet par « la crise du disque ». Pour Aaron, le fait d’ôter les DRM et de rendre ainsi interopérables les fichiers s’est montré bénéfique pour le consommateur, pour l’artiste et pour son producteur. Nous souhaitons donc multiplier ce type d’opération pour valider ce premier retour sur expérience.

Believe souhaite-t-il étendre le concept de la distribution de fichiers sans DRM ?
Oui si les tests continuent d’être concluants. Nous venons de réitérer une opération similaire sur trois titres exclusifs de David Vendetta avec fnacmusic et les résultats sont là encore très encourageants (les titres et l’album sont désormais dans le top 30 des meilleures ventes sur le site). Maintenant, c’est une décision que nous prendrons avec l’ensemble de nos partenaires producteurs et services de distribution.

A votre avis, l’avenir de la musique en ligne passe par la diffusion « ouverte » ?
Au regard de nos premières expériences dans ce que vous appelez « la diffusion ouverte », il me semble que c’est une piste à explorer car elle a satisfait le consommateur et les artistes.
L’important est d’aller dans cette direction en validant les expériences et en y associant l’ensemble de nos partenaires producteurs, ayant-droits, distributeurs et consommateurs pour que cette ouverture des DRM soit synonyme d’un bel avenir pour chacun d’entre eux.