Administration électronique : l’e-mail pour saisir un juge

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Dans le vaste chantier de l’Administration en ligne, la place de l’e-mail est fondamentale. Le Forum des droits sur l’Internet rend compte d’un arrêt du Conseil d’Etat selon lequel un juge administratif peut être saisi par courrier électronique, même si une confirmation manuscrite reste ensuite nécessaire. Une étape significative sur un chemin pavé d’interrogations.

D’ici 2005, les services administratifs en ligne devraient être généralisés. C’est du moins l’ambition du gouvernement ainsi que l’a affirmé Michel Sapin, ministre de la Fonction publique, en novembre dernier (voir édition du 19 novembre 2001). Si une majorité de démarches seront effectuées par l’intermédiaire de formulaires, l’e-mail devrait également devenir un moyen de communication avec l’Administration au même titre que le courrier traditionnel. Dans une actualité datée du 5 février, le Forum des droits sur l’Internet rend compte d’un arrêt du Conseil d’Etat qui considère recevable une protestation visant à saisir un juge administratif adressée par courrier électronique. C’est une première qui, comme le souligne le Forum des droits sur l’Internet, transpose la jurisprudence relative aux télécopies. Pour Lionel Thoumyre, chargé de mission au Forum, « cela facilitera ce type de recours ». Surtout, souligne-t-il, « l’email permet de stopper rapidement le délai d’action ». La protestation par e-mail avait été envoyée par un administré qui contestait des opérations électorales, or dans ce cas le délai est de cinq jours. « Il l’a fait par courrier électronique parce que par la Poste, cela risquait sans doute de prendre trop de temps », estime Lionel Thoumyre. Une fois l’e-mail reçu, le délai légal ne court plus, mais « encore faut-il le confirmer par écrit ».

L’e-mail a été considéré comme une protestation recevable mais de nombreux points restent à préciser. Le juriste renvoie à la loi du 12 avril 2000« relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ». Celle-ci précise en effet que « toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai (…) peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d’un envoi postal, le cachet de la poste faisant foi, ou d’un procédé télématique ou informatique homologué permettant de certifier la date d’envoi ». Seul souci : les modalités d’application doivent être fixées par un décret qui n’est pas encore paru… Cette loi concerne l’Administration, « le juge ne réclame pas un procédé homologué, il réclame une confirmation », précise Lionel Thoumyre, mais la problématique est comparable. La question de la signature électronique se pose également.

Vers de véritables services publics

Ces sujets sont abordés dans le cadre d’une réflexion menée par un groupe de travail du Forum des droits sur l’Internet intitulé « Règlement des litiges et administration en ligne » dont Jean-Philippe Mochon est le rapporteur. Le maître des requêtes au Conseil d’Etat insiste sur le fait qu’il s’agit d’un « travail de fond, pour l’instant côté experts, avant une ouverture de la réflexion sur le public ». Il rappelle qu’en matière d’Administration en ligne, « on est passé des sites vitrines aux formulaires » et que désormais « on en est à créer de véritables services publics qui doivent permettrent d’éviter les déplacements et de gagner du temps ». Toute une série de questions se posent alors, comme la protection des données personnelles, la responsabilité de l’Administration ou encore le principe d’égalité pour l’accès au service. « Notre travail est d’en définir les enjeux », explique le juriste. « De nombreuses interrogations entourent la signature électronique et l’identification des usagers », or pour saisir un juge, « il faut faire une requête signée » et comme dans le cas des télex et télécopies, « il faut à un moment une confirmation écrite ». De plus, pour pouvoir saisir un juge administratif par e-mail, encore faut-il qu’il existe une adresse électronique à laquelle le lui faire parvenir. « En général, les juridictions ont des fax mais pas d’e-mail », souligne Jean-Philippe Mochon qui fait remarquer que dans le cas de la protestation examinée par le Conseil d’Etat, l’e-mail avait été adressé à la préfecture, compétente pour saisir le juge administratif en matière électorale.

Le groupe de travail publiera un rapport d’étape fin février puis lancera un appel à contribution. Son rapport définitif sera rendu au mois de juin prochain. Sur le sujet, on peut d’ores et déjà consulter les contributions des intervenants au colloque « L’administration électronique au service des citoyens » organisé par l’Université Paris I et le Conseil d’Etat fin janvier, en particulier « Prévention et règlement des litiges dans l’administration en ligne » (disponible au format PDF), l’intervention d’Isabelle Falque-Pierrotin, déléguée générale du Forum des droits sur l’Internet.