Affaire Aaargh : le filtrage du Net est réclamé

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Face à l’impossibilité de faire fermer un site Web révisionniste, les plaignants demandent aux fournisseurs d’accès d’empêcher leurs abonnés d’y accéder.

Les fournisseurs d’accès Internet français devront filtrer les accès au site Aaargh (Association des anciens amateurs de récits de guerre et d’holocauste). Telle est la proposition que le représentant du Parquet a faite, hier lundi 30 mai, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris. Jugé révisionniste, le site a été assigné le 8 mars dernier par huit associations antiracistes (dont SOS Racisme, l’UEJF, la Ligue française des droits de l’Homme et le MRAP) qui en ont demandé la fermeture dans un premier temps en s’appuyant sur la récente loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN) votée en juin 2004 (voir édition du 15 juin 2004).

La LEN permet aux plaignants de demander au juge de faire retirer le contenu illégal d’un site Web. Ou, à défaut, d’en interdire l’accès. Il s’avère que Aaargh est hébergé aux Etats-Unis, pays dont le premier amendement de la Constitution permet une totale liberté d’expression. Au cour d’un précédent référé, la Justice avait demandé, le 14 mars dernier, aux associations d’assigner les auteurs et les hébergeurs du site litigieux. Sur les trois hébergeurs identifiés (ThePlanet.com, OLM et Globat), seuls les deux derniers s’étaient pliées aux volontés des plaignants. ThePlanet.com ayant refusé, le tribunal se tourne vers les principaux FAI français pour leur demander de filtrer les trafics vers le site révisionniste.

Filtrage en vue

Une demande, certes légitimée par la nouvelle loi, mais qui risque de rester inefficace. Les mesures de filtrages étant contournables, soit par des versions miroirs du site incriminé, soit par l’internaute lui même. Les auteurs de Aaargh ne se privent d’ailleurs pas de proposer les meilleures solutions pour passer outre les filtres tout en estimant que « seul l’accès des internautes résidant en France (soit 10 % de nos lecteurs) pourrait être perturbé ».

Le tribunal doit se prononcer le 13 juin prochain. S’il suit l’avis du parquet, ce sera l’occasion de vérifier la pertinence des filtres sur les accès en ligne. Ce serait une première en France même si ce type d’affaire n’en est pas une. En novembre 2000, Yahoo avait été condamné par la Justice française à poser un filtre pour empêcher les internautes français d’accéder aux objets nazis mis aux enchères sur son réseau. Plus récemment, en Allemagne, un tribunal a condamné les FAI des Land de Rhénanie du Nord et Westphalie à retirer les contenus nazis hébergés par leurs soins et à bloquer les accès vers les sites de même nature hébergés à l’étranger.