Affaire Yahoo : des réactions très contrastées

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La décision rendue ce lundi dans ce que l’on nomme désormais « l’affaire Yahoo » n’en finit pas de susciter des commentaires. Les avis contradictoires se succèdent. Petit florilège.

Lundi, le juge du tribunal des référés rendait sa décision dans le procès opposant Yahoo à la Licra, à l’UEJF et au Mrap (voir édition du 20 novembre 2000). La société américaine et sa filiale française doivent mettre en place un système de filtrage des internautes français pour les empêcher de consulter les objets nazis placés aux enchères sur le site de Yahoo.com en suivant les recommandations des experts (voir édition du 20 novembre 2000). Dès la sortie du tribunal les réactions fusaient. D’abord celles des intéressés, suivies de celles d’un grand nombre des acteurs d’Internet.Des parties civiles globalement satisfaitesLes parties civiles sont satisfaites de la décision. « Nous n’avons jamais demandé que les internautes soient filtrés à 100 % », tenait à faire remarquer Marc Knobel de la Licra dès le rendu du rapport des experts (voir édition du 6 novembre 2000). « C’est une victoire », se réjouissait-il à la sortie du palais de justice en insistant : « Le mythe du village planétaire est un peu tombé aujourd’hui, le Net doit être citoyen, nous sommes pour la liberté, mais sans pour autant être ouverts au totalitarisme et au racisme. » Du côté de l’UEFJ, Ygal El Harrar, son président cité par l’AFP, parle de « bases techniques et morales qui marquent la fin du cybercrime contre l’humanité ». La position du Mrap est moins marquée, l’association a diffusé un communiqué qui remarque que « les infractions commises via Internet n’échappent pas à l’application de la législation antiraciste française » avant d’en appeler à une « réflexion approfondie » et d’annoncer un colloque sur la lutte contre le racisme sur Internet. »La justice a préféré une mesure de censure à une méthode pédagogique fondée sur le filtrage par l’internaute lui-même », regrette le directeur général de Yahoo France dans une interview accordée à l’AFP. Philippe Guillanton poursuit en mettant en garde : « La décision française est un précédent dangereux et préoccupant pour le développement de l’Internet. » Par ailleurs il fait remarquer que les experts remettent eux-même en cause les solutions qu’ils ont proposées. Les avocats de Yahoo n’ont toujours pas indiqué s’ils allaient faire appel de la décision.La loi française s’applique sur le territoire françaisLe ministère des affaires étrangères s’est lui-même exprimé sur la question, par la voix de son porte-parole. « On voit que le juge a tranché de cette manière, qui est une manière intéressante, un problème qui se pose et sur lequel nous travaillons au niveau international », a déclaré François Rivasseau à l’AFP. A il soulignait que le Quai d’Orsay travaillait sur la question : « Un effort accru de concertation et de coopération internationales est nécessaire dans le cadre des enceintes compétentes. » De son côté, la garde des Sceaux Marylise Lebranchu avait prévenu lors d’un colloque la semaine dernière : « Le caractère international du réseau et l’établissement à l’étranger des différents protagonistes ne sont pas des obstacles pour la justice française. Dès lors que le message litigieux est accessible sur le territoire français, la loi pénale française s’applique », indiquait-elle.Le délégué permanent de l’Afa (Association des fournisseurs d’accès et de services Internet) Jean-Christophe Le Toquin, regrette que cette décision crée une « justice à deux vitesses ». « Si vous êtes un peu cultivé techniquement […] vous pourrez très facilement détourner les procédures qui auront été mises en place. Il y a une énorme lacune dans la décision du juge », a-t-il notamment fait remarquer.Pour l’Iris (Imaginons un réseau Internet solidaire) le jugement Yahoo est « une non-réponse technique infantilisante à une question de morale universelle. » « Ce jugement outrepasse la loi française qui réprime l’exhibition et la vente publique d’objets nazis mais non le regard qui se pose sur l’objet interdit, » soutient l’association, qui regrette que la décision s’appuie sur des filtres techniques : « On ne lutte pas conte l’indignité des racistes et des négationnistes en utilisant leurs méthodes », soutient-elle. Tout en se démarquant de la Licra et de l’UEJF, l’Iris rappelle qu’elle coorganisera avec le Mrap le colloque cité par l’association. Enfin de nombreux observateurs soulignent que la décision française risque de ne pas être appliquée aux Etats-Unis. La justice américaine doit en effet décider au préalable d’appliquer l’ordonnance ou non.Pour en savoir plus : L’ordonnance de référé du 20 novembre