Alex Türk (CNIL) : « Je trouve les services de géolocalisation comme Facebook Places angoissants »

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Facebook Places et essor de la géolocalisation, Hadopi…Le Président de la Commission Nationale Informatique et Libertés a abordé les deux sujets lors de la session des Assises de la Sécurité.

Bien plus que la vidéo surveillance et la biométrie, Alex Türk s’inquiète de la montée en puissance de la géolocalisation.

Lors d’un point presse réalisé le 8 octobre lors de la session 2010 des Assises de la Sécurité à Monaco, le président de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL), organisation en charge de la protection des données personnelles, a commenté l’arrivée de Facebook Places en France.

Il se préoccupe plus généralement de la vulgarisation des technologies exploitant la géolocalisation (en attendant les nanotechnologies).

Alex Türk revient également sur le cas du dispositif Hadopi pour la lutte contre les téléchargements illégaux. Une législation qui le laisse perplexe.

ITespresso.fr : Lors des Assises de la sécurité, vous avez exprimé votre extrême inquiétude vis-à-vis des services de géolocalisation. Justement, Facebook Places vient d’arriver en France. Le réseau social s’est-il tourné vers la CNIL à cette occasion ?
Alex Türk : Facebook ne s’est pas réellement tourné vers nous de manière officielle. Disposons-nous d’un droit de regard ? Nous retombons directement dans le champs d’application du droit européen de la consommation. C’est un problème de fond. Nous n’avons pas la maîtrise de ce sujet. Que fait-on ? Nous lançons des banderilles de plus en plus plus appuyées. C’est le cas avec Google Street View visé par un contrôle des autorité de type CNIL au Canada, en Espagne, en Allemagne et en France. L’instruction devrait être bouclée dans les semaines prochaines. Il faut que ses groupes Internet se mettent dans l’idée de respecter le droit européen. Ensuite, et cela me laisse plus pessimiste, il faut régler le problème du hiatus entre le droit américain et européen par l’élaboration d’un corpus de droits fondamentaux auquel on pourrait donner une valeur juridique contraignante. Mais je sais que le temps va passer. Il faut déjà que l’Union européenne et ses 27 pays membres se coordonnent, puis que nous prenions contact avec les Etats-Unis et la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC en anglais). Tous les jours, de nouvelles applications se mettent en place en matière de géolocalisation. En un an, c’est devenu notre principal angoisse car elle couvre l’ensemble du système. Ainsi, les nanotechnologies sont liées à la géolocalisation (à travers la RFID par exemple). L’invisibilité entraîne l’irréversibilité. On parle souvent de « Big Brother ». Avec un peu de provocation, je dis souvent que l’on va finir par le regretter le « bon gros Big Brother ». Il était unique et visible. Avec l’ancienne structure type STASI (ancienne police secrète en Allemagne de l’Est au cours de la Guerre Froide), on avait droit au moins à l’nsurrection. Mais s’il existe des milliers de « nano-brothers » dans la nature, comment va-t-on les rechercher ? Quand ce sera invisible, on se retrouvera face à une dissémination incontrôlable. A côté de la géolocalisation, on assiste également au développement de la vidéo surveillance considéré comme un élément de viabilisation (« on livre un nouveau lotissement avec vidéo à tous les étages comme l’eau et l’électricité ») et de la biométrie (50 dossiers déposés à la CNIL en 2005, 4000 en 2010), qu’il est possible de stopper net si les pouvoirs publics et les Français l’exigent. Mais, s’agissant de la géolocalisation, nous ne disposerons pas de cette possibilité. Elle peut prendre une taille petite, elle repose sur une telle dissémination que la notion de frontière n’a plus de sens. Un seul pays ne pourra pas dire : « non à la géolocalisation ».

(lire la fin de l’interview page 2)

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