Apple, Dodo de l’informatique ?

Mobilité

En arrivant sur l’île Maurice au XVIème siècle, les navigateurs y découvrirent le Dronte, plus connu sous le nom de Dodo. L’animal disparut 150 ans plus tard, par inadaptation à ses nouvelles conditions de vie, imposées par les colons. Depuis, le Dodo est resté comme le symbole de l’inadaptation à un nouvel environnement. Et si ce syndrome couvait pour Apple ?

L’annonce – plusieurs fois entendue mais toujours de manière prématurée – de la mort d’Apple ne doit pas cacher les énormes risques que cumule actuellement le constructeur californien. Sa stratégie logicielle bute sur la rapidité d’adoption de Mac OS X, sa stratégie matérielle est confrontée au cul-de-sac dans lequel Motorola s’est engagé avec le G4, sa stratégie marketing fait face à la pression des constructeurs de PC pour faire penser que la vitesse du processeur fait la machine et que leurs ordinateurs valent mieux qu’un Mac. Dans le même temps, la firme continue sa politique de tarification élevée et sa réussite dépend de partenariats ou d’ententes tacites avec plusieurs éditeurs, constructeurs ou sous-traitants. Son nouveau modèle de revenu qui se focalise sur la vidéo, le son et le partage de données entre ordinateurs et en interaction avec des périphériques, n’a pas atteint la maturité. Pour le moment, Apple cherche à maîtriser ce créneau, mettant en ligne les applications et les matériels les mieux conçus dans le domaine, rachetant les sociétés qui lui donnent un avantage concurrentiel. A tel point que le Giga Information Group tout autant que la firme d’études IDC estiment la part de marché du système d’exploitation d’Apple à moins de 4 % actuellement. Apple maîtrisait encore 16 % du marché à la sortie de Windows 95. Sa marginalisation s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui.

Ne pas se retrouver sur un marché unique

Sur son premier marché, c’est-à-dire les Etats-Unis, la Pomme a été d’abord rejetée du marché de l’entreprise, où elle entend revenir en force grâce à l’Xserve et des applications comme les bases de donnée Oracle (voir édition du 23 août 2002). Mais elle a été aussi peu à peu poussée en dehors du marché de l’éducation où elle peine à résister. Le combat est d’autant plus difficile que la logique voudrait qu’une fois disparue du marché de l’entreprise et de l’école, Apple perde également peu à peu du terrain sur le marché des particuliers, les utilisateurs préférant majoritairement avoir à la maison la machine qu’ils utilisent au travail. De ce point de vue, Mac OS X apparaît autant comme un ressort qu’un frein à l’augmentation de sa part de marché (voir édition du 28 août 2002).

Le G4 s’essouffle

D’autant plus que du côté du processeur utilisé dans les Mac, les progrès, bien que réels, ne font pas fantasmer les foules : la comparaison (simpliste) des performances entre Mac et PC joue à l’avantage des seconds depuis de longs mois. Peu importe qu’elle soit faussée : la majorité des utilisateurs n’iront pas chercher à comprendre face à un vendeur inexpérimenté qui tiendra le Mac pour un escargot face à un PC équipé du dernier processeur d’Intel ou d’AMD. D’autant plus que le client Apple a de bonnes raisons de se sentir lésé : le coût de la transition à Mac OS X lui apparaît comme exorbitant. De sorte que si Apple ne trouve pas de relais, Mac OS X et le PowerPC risquent fort de manquer d’acquéreurs. Une belle mécanique de marginalisation, non ?

Alors ? Apple, Dodo de l’informatique ? Plutôt que de prévoir une fois encore sa mort, accordons lui le bénéfice du doute : la firme a fait sa révolution interne, laissant un peu tomber son arrogance, maintes fois critiquée, pour commencer à écouter ses clients et leur concevoir des produits sur mesure. Ses prix, s’ils paraissent élevés, sont très souvent au même niveau que des configurations équivalentes dans le camp des PC (voir édition du 27 août 2002). L’adoption de standards lui permet de faire adopter les siens plus facilement, comme Rendezvous, que la Pomme va ouvrir à l’Open Source. Mac OS X Jaguar est salué comme le logiciel système clé de l’avenir de la firme (voir édition du 26 août 2002).

Vers 2 % de parts de marché ?

L’effort de commercialisation auprès d’autres clients que ceux formant son marché traditionnel marque sa décision de se délier d’une communauté d’utilisateurs qui s’avère très exigeante, souvent à juste raison. En fait, le Giga Information Group estime que Mac OS X risque d’amener Apple à ne plus représenter que 2 % de parts de marché. Un niveau qui ne permettrait plus au constructeur d’être représentatif ou tout simplement pris au sérieux. En décembre, Apple aura atteint un peu moins de 1 % de parts de marché mondial pour Mac OS X. Son objectif restant fixé à 10 % d’ici quatre ans, il lui faudra vendre annuellement autant de systèmes qu’elle a converti de clients à Mac OS X en un an et demi. Un opération délicate qui nécessite de ses équipes qu’elles ne fassent pas dodo !