Apple juge-arbitre du bras de fer MS/AOL ?

Mobilité

La seconde plus importante bataille du Web vient de commencer : dans une lutte sans merci pour détrôner AOL de sa place de leader des fournisseurs d’accès, Microsoft et son réseau MSN fournissent les outils permettant d’abandonner le colosse des services en ligne. Pomme de discorde, une série de désaccords entre les protagonistes et le rapprochement d’Apple des filiales du groupe.

La guerre des butineurs Internet n’a été qu’une escarmouche ! MSN la filiale de Microsoft, forte de sa deuxième place sur le marché mondial des fournisseurs d’accès à Internet vient d’ouvrir à nouveau les hostilités en facilitant la transition des clients AOL à son service. La technologie utilisée, TrueSwitch permet à un client d’AOL américain (Microsoft n’est plus fournisseur d’accès en France) de passer à AOL avec armes et bagages (son carnet d’adresses, son calendrier, ses diverses données) et d’abandonner purement et simplement le leader mondial de l’accès à Internet.

Difficile de savoir qui a véritablement commencer cette bataille : elle suit la longue et tumultueuse histoire de l’Internet. Toujours est-il que plusieurs réactions récentes ont sans doute jouer un rôle dans le regain d’activité de Microsoft : le désaccord avec AOL sur leurs tentatives d’unifier la messagerie instantanée, le changement de moteur du navigateur d’AOL pour celui de sa filiale Netscape, l’accord de partenariat entre Apple et Netscape pour la page d’accueil des navigateurs utilisés par défaut sur les nouveaux Mac, et enfin l’accès donné à cette même société au réseau de messagerie instantané d’AOL pour son client iChat. Sur tous ces points, Microsoft et MSN peuvent se sentir menacés pour de bonnes raisons !

Concours d’amabilités

Première difficulté : Netscape, Mozilla et Gecko. Des technologies de navigation sur Internet dont AOL fait la promotion de deux manières. En les intégrant à son interface de connexion d’une part en lieu et place des technologies de Microsoft. Une opération à laquelle on s’attendait depuis le rachat de Netscape par AOL (voir édition du 26 avril 2001). Mais aussi, en relançant l’intérêt pour Netscape grâce à la version 7 du logiciel de navigation, qui est disponible en version bêta et doit voir le jour à l’été (voir édition du jour). Netscape se permet également de faire le plus gros pied de nez à Microsoft qu’elle ait fait depuis longtemps, en ayant signé avec Apple un contrat faisant de son site la page d’accueil de tous les nouveaux Mac. Ceux-ci démarrent sur Internet Explorer par défaut !

De son côté, AOL enfonce le clou en proposant une version 2 pour Mac OS X de son application de connexion ainsi que l’ouverture de son réseau de messagerie instantanée à l’application d’Apple iChat (voir édition du 13 mai 2002). Alors même qu’AOL a toujours lutté pied à pied contre ce type d’interconnexion. Il s’agit d’un énorme camouflet pour Microsoft, qui voit désormais l’offre d’Apple se construire brique par brique autour de ses positions. Pour Apple, il s’agit d’un avantage non négligeable (surtout aux Etats-Unis), pour reconquérir des utilisateurs. Pour AOL, ce partenariat souligne les opportunités de croissance disponibles sur Mac et la possibilité de soutenir son offre aux professionnels grâce aux outils disponibles dans Mac OS X.

Une bataille sur tous les fronts

La bataille qui s’engage va bien au-delà de la simple guerre des navigateurs réalisée par Microsoft au milieu des années 90 : il s’agit d’une bataille menée simultanément sur plusieurs fronts. Sur le front des OS, car Apple va être perçue comme une mariée idéale pour nombre d’utilisateurs quand la version Jaguar de son système d’exploitation sera disponilble. Sur le front des navigateurs en même temps, car Gecko et Mozilla vont donner du fil à retordre à Internet Explorer s’ils touchent une part suffisamment importante des utilisateurs et influencent les sites et les services Web par leur implémentation des standards du W3C. Sur le front de la fourniture d’accès Internet, car faire chanceler AOL devrait permettre à MSN de contrer la menace qui pèse sur le système d’exploitation et sur le navigateur de Microsoft. Sur le front des entreprises enfin, car avec une série d’outils et de bénéfices plus faciles à utiliser que la concurrence, Apple et AOL attaquent le coeur du marché de Microsoft. Le problème induit par le comportement d’Apple concerne l’effort de Microsoft sur le Mac : la firme poursuivra-t-elle son engagement ? Kevin Browne (voir édition du 7 novembre 2001), le responsable de la Business Unit Mac de Microsoft à Redmond l’a déjà confirmé. Mais l’un des directeurs de MSN est moins souriant : « Il semble qu’AOL ait choisi une de ses faibles demi-soeurs pour interagir avec elle », a indiqué ainsi Bob Visse en parlant d’Apple, faisant référence à l’histoire commune des débuts d’AOL en 1986. Les contre-feux et les réponses acerbes ne manqueront certainement pas.