Avec 3GPP, Apple veut faire rebondir QuickTime

Mobilité

L’intégration du format 3GPP dans QuickTime était attendue depuis sa version 6.1. L’acharnement d’Apple à vouloir faire embarquer le format dans les téléphones portables, terminaux mobiles les plus répandus, cache un dessein plus secret : augmenter l’utilisation de QuickTime sur le réseau.

Derrière la mise à jour, le bras de fer ! Apple a divulgué le 3 juin 2003 la dernière mise à jour de QuickTime (voir édition du 25 avril 2002). Une version 6.3 qui apporte le support de la détection automatique de flux de transport pour améliorer la lecture de contenus, des améliorations dans la synchronisation DV audio et vidéo, un support amélioré des applications d’Apple l’utilisant (Keynote, iMovie et iDVD). Mais surtout, QuickTime – la technologie d’Apple destinée à faciliter le développement, la production et la fourniture de contenus multimédias sur des réseaux IP, sans fil et à large bande – intègre le très attendu 3GPP (voir encadré). Apple avait annoncé qu’elle livrerait la version de QuickTime supportant ce standard avant la fin 2002, la voilà donc six mois plus tard. Ce retard est dû à l’absence jusque-là de deux technologies MPEG-4 essentielles pour la réussite du 3GPP, l’audio AMR et la gestion des droits numériques (voir édition du 29 avril 2003). Que signifie concrètement l’adoption de ce standard par Apple ? En fait, QuickTime intègre tous les outils nécessaires aux fournisseurs de contenus multiplates-formes pour accéder aux millions de téléphones portables qui vont adopter le standard 3GPP. En livrant un tel composant, Apple espère pousser à la création de contenus par le biais de QuickTime et s’imposer, face à RealNetworks et Microsoft. Avec 3GPP, Apple recherche l’adoption systématique de QuickTime. Cette démarche doit lui permettre d’augmenter la notoriété de sa technologie et de faire connaître les produits qu’elle a développés spécifiquement pour elle, comme ses serveurs Xserve ou son logiciel système Mac OS X serveur.Au-delà, Apple espère bien convaincre les utilisateurs de téléphones mobiles d’adopter sa technologie sur leurs ordinateurs. Et, pourquoi pas, leur donner à terme accès à l’iTunes Music Store pour acheter ou écouter de la musique directement sur leur téléphone ! En 2002, 400 millions de terminaux ont été vendus et le premier trimestre 2003 a vu une augmentation de 18 % des ventes (112 millions de téléphones ont été acquis). Les possibilités apportées par QuickTime 6.3 sont encore loin d’être toutes explorées : il supporte le format AMR et permet de lire des sons enregistrés sur un téléphone (notes, mémos…). Mais le 3GPP balaye aussi toute rumeur liée à un hypothétique iPhone : Apple n’apportera pas plus que les géants du domaine (voir édition du 24 décembre 2002). Des partenaires de choixLa firme ne s’est pas embarrassée puisqu’elle s’est acoquinée avec les meilleurs acteurs des différents marchés visés par sa technologie. Ainsi a-t-elle signé un accord avec Sun et Ericsson en février 2002 (voir édition du 13 février 2002). Ericsson est le leader mondial des infrastructures de réseaux de téléphonie mobile. Sun apporte son expérience de premier diffuseur mondial de contenus sur Internet. Les trois larrons ne sont pas restés seuls longtemps : NTT Docomo les a rejoints en décembre 2002, adoptant QuickTime pour ses services multimédias à base de 3GPP. Cet opérateur téléphonique s’avère le premier fournisseur de services multimédias sur téléphones mobiles grâce à son service iMode, adopté par plusieurs opérateurs au niveau mondial, dont Bouygues Télécom en France. Et Apple ne s’est pas arrêtée là : elle entraîne avec elle dans la déferlante 3GPP le premier fabricant mondial de téléphones mobiles, Nokia (35 % du marché). Nokia, connu pour son soutien aux standards et aux technologies ouvertes, « accueille avec enthousiasme le support de QuickTime 6.3 pour les codecs et formats 3GPP », indique ainsi Janne Juhola, responsable technologique à la division technologies multimédias du constructeur finlandais. Celui-ci dispose déjà, dans sa gamme de téléphones, du modèle 3650 capable d’utiliser la vidéo, et le constructeur doit commercialiser sous peu le modèle 6650, le premier téléphone bimode (WCDMA/GSM) supportant le 3GPP. Ces nouveaux types de téléphones cellulaires pouvant être utilisés partout dans le monde, quelle que soit la solution de téléphonie adoptée par les opérateurs, devraient amener à une standardisation des terminaux portables. La norme 3GPP que seul QuickTime supporte pourrait amener RealNetworks et Microsoft à rallier rapidement le standard. A moins qu’ils n’arrivent à faire adopter leurs propres formats entre-temps.