B. Bejbaum (Dailymotion): « Nous lancerons une version mobile cet été »

Mobilité

La plate-forme d’hébergement et d’échange de vidéos symbolise la montée en puissance des projets Web 2.0 en France.

Difficile de rater le phénomène Dailymotion dans le paysage Web 2.0 français. Cette plate-forme d’hébergement et d’échange de fichiers vidéo (remportent un énorme succès, dans la ligne de son homologue américain YouTube.com. Co-fondé en mars 2005 par Benjamin Bejbaum et Olivier Poitrey, deux jeunes Net-entrepreneurs qui maîtrisent bien les domaines de l’hébergement et du développement Web, Dailymotion prend son envol. Le service est déjà traduit en six langues (français, anglais, allemand, italien, espagnol et portugais). Dans l’effervescence des projets, il s’agit dorénavant de maîtriser la croissance de la société et de trouver des appuis financiers pour accompagner son développement. Sur ce dernier point, nul doute que l’équipe de Dailymotion trouvera des investisseurs à son écoute.

Vnunet.fr: D’où vient l’idée du service Dailymotion ?

Benjamin Bejbaum: Je considère ce service comme un prolongement de mes activités d’hébergeur que j’avais initiées lors en 2000 avec ma boîte Iguane Studio. En février 2005, je pars en vacances à New York, une destination qui m’inspire. Au cours de ce séjour, j’ai pris beaucoup de photos et de vidéo numériques. Je cherche à les exploiter à mon retour et les échanger avec mes amis. A l’époque, j’utilisais déjà Flickr et Delicious, que je considère comme des modèles absolus du Web 2.0. Et il me vient l’idée de développer un service de partage de vidéos Web. En tant qu’hébergeur, cette activité (encodage, stockage?) ne me fait pas peur. Mais il est vrai qu’à l’époque, je n’avais pas anticipé les dimensions que cela a pris aujourd’hui.

Justement, un peu plus d’un an après le lancement de Dailymotion, quel niveau de fréquentation observez-vous ?

Le service en ligne enregistre 2,8 millions de pages vues par jour et un million de pages vues sur les players déportés (des vidéos stockées par Dailymotion mais affichées sur d’autres sites). Nous recensons un total de 3 millions de vidéos consultées par jour. 2300 nouvelles vidéos sont déposées par jour. Nous recensons 1200 nouvelles inscriptions à notre communauté par jour. Entre 40 et 45% du trafic provient de la France. Le temps de consultation par session est important avec une moyenne de 18 minutes et trente secondes.

Compte tenu de l’afflux de trafic, comment évolue votre plate-forme technique pour suppporter le choc ?

Les principales barrières technologiques sont l’encodage et la diffusion. Pour le premier volet, nous avons développé un moteur rapide et réactif qui nous a permis de dépasser cette limite et nous avons dû recourir à de la puissance processeur pour réaliser cette tâche. Désormais, nous supportons désormais 99% des formats vidéo. Le deuxième volet de la diffusion est également problématique, compte tenu du volume quotidien de vidéos consultés. Il y a un énorme travail réalisé autour d’Apache, des filers (serveurs de fichiers), des proxys, des bases de données, des serveurs PHP et des encodeurs. Nous cherchons toujours à optimiser les machines (hardware, l’interruption, le raid?). Au départ, ce sont des machines simples avec beaucoup de processeurs et beaucoup de RAM. Nous essayons d’être en surcapacité permanente d’environ 150% pour tenir la charge.

Quelles sont vos priorités de développement dici la fin de lannée ?Nous allons améliorer le service afin que les utilisateurs explorent davantage les profondeurs du site. Nous allons prochainement une version de DailyMotion en Flash 8 également. Nous allons également développer notre stratégie de marque grise, qui permet de créer des services de type Dailymotion sous forme co-marquée. Nous allons établir des partenariats avec Cnet, OverBlog et le magazine gratuit Sport par exemple. Lobjectif est de recruter des membres pour créer des communautés thématiques.

Travaillez-vous sur une déclinaison mobile de Dailymotion ?

Le projet est en cours. Le service mobile devrait être lancé dans le courant de lété. On retrouvera la majorité des fonctionnalités de networking de notre service Web sur le mobile.

Comment vous distinguez-vous du service homologue américain YouTube.com ?

Ils ont développé très vite des fonctionnalités que nous jugeons importantes à affiner de notre côté. C’est le cas du moteur en back office. Si vous analysez la finesse des URL présentés sur Dailymotion, vous aurez un indice du travail qui a été accompli sur le fond. Le service peut être intérrogé dans tous les sens : les possibilités de recherches sont infinies (par groupes, par tags?). Chaque liste est accessible en fils RSS, en podcasts et en vidéo roll[possibilité de placer sur un site une petite barre avec les cinq dernières vidéos d’une chaîne sélectionnée sur Dailymotion, NDLR]. Nous disposons de fonctionnalités vraiment exportables. Autre grande différence par rapport à notre homologue américain : YouTube utilise un prestataire spécialisé content delivery network (CDN), qui accueille une bonne partie de leurs vidéos, alors que nous hébergeons tous les contenus avec des coûts d’exploitation certainement moindre.

Les liens sponsorisés ne vous intéressent pas?

Contrairement à YouTube qui a choisi également de placer des liens sponsorisés, nous avons trouvé lors d’un essai que les résultats n’étaient pas à la hauteur de ce que l’on escomptait. Nous préférons vendre à nos annonceurs de vraies mises en avant sur les chaînes thématiques de Dailymotion. C’est une fonctionnalité non intrusive, nous ne touchons pas à la vidéo de l’utilisateur.

Exercez-vous une modération sur les contenus déposés ?

C’est vrai que nous n’échappons pas aux dérapages. Mais la modération est réalisée par la communauté de nos utilisateurs. Dès qu’elle voit quelque chose qui sort du cadre, elle n’hésite pas à dénoncer les dérives. C’est une auto-modération mais l’équipe en interne tranche au final. Nous assumons complètement notre rôle d’hébergeur dans le cadre de la loi sur l’économie numérique.

Seriez-vous prêt à héberger des programmes vidéos en provenance de grands médias audiovisuels ?

Nous voudrions bien créer une émulsion dans ce sens. Nous avons établi des premiers contacts dans ce sens. Par exemple, la bande-annonce du deuxième épisode de Pirate des Caraïbes [une super production Disney avec Johnny Depp, NDLR] a été placée par le distributeur officiel en France.

Considérez-vous l’initiative de Google Vidéo comme une forme de concurrence ?

Je ne le considère pas comme un concurrent pour le moment. C’est différent. Google met davantage l’accent sur le contenu alors que nous favorisons la dimension communautaire.

L’audience du Web 2.0 s’élargit inexorablement
Au premier trimestre 2006, 3,1 millions d’internautes français ont créé un blog, ce qui représente plus d’un internaute sur 10 (12,1%), estime Médiamétrie. Trois plates-formes de blogs se distinguent si l’on retient leur taux de pénétration en avril : Skyblog (20,2%), MSN Spaces (14,3%) et OverBlog (11,3%). Médiamétrie communique également quelques données concernant l’audience de trois services tendance Web 2.0. Sur la période 15 avril-14 mai 2006, Dailymotion casse la baraque avec 49,7 millions de pages vues. Podemus, le carrefour de référence du podcast, recense 1,2 million de pages vues. Quant à Agoravox, le média en ligne des « journalistes-citoyens », il affiche 622 000 pages vues.


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