Brevets logiciels : la France en désaccord avec l’Europe

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Par la voix de Christian Pierret le gouvernement français rejette le projet de directive sur la brevetabilité des logiciels. Sans pour autant se prononcer contre le brevet, le ministre délégué à l’Industrie estime que la directive ne répond pas aux enjeux du secteur et relève les dissensions entre les travaux de la Commission et les études menées par les différents Etats membres. La polémique ne fait que commencer.

« Constatant que le projet de directive n’apporte aucune des précisions attendues sur les limites et les exigences de la brevetabilité, le gouvernement s’inquiète du champ qui pourrait être ouvert à la brevetabilité de l’ensemble des logiciels voire des méthodes intellectuelles et commerciales. » Visiblement, le gouvernement français n’a pas apprécié la proposition de directive de la Commission européenne sur la brevetabilité des logiciels (voir édition du 21 février). Par la voix de son ministre délégué à l’Industrie, Christian Pierret, qui s’est adressé par courrier aux Commissaires européens, MM. Errki Liikanen (direction de la société de l’information) et Frits Bolkestein (direction du marché intérieur), le gouvernement « considère que la proposition de directive ne répond pas de façon adéquate aux enjeux économiques, scientifiques et culturels du secteur du logiciel (…) compte tenu de ces considérations, le gouvernement français n’est pas favorable à cette proposition de directive ». On ne peut être plus tranché.

Christian Pierret estime notamment que le projet de directive présenté aux états membres néglige les risques induits par la politique de l’Office Européens des Brevets (OEB) copiée, à quelques détails prêts, sur les pratiques américaines. Soulignons que l’OEB s’évertue à enregistrer des brevets, logiciels notamment, alors que ceux-ci sont exclus des textes de loi. Christian Pierret rappelle notamment que la Conférence diplomatique pour la révision de la Convention sur le brevet européen (CBE), qui s’est tenue en novembre 2000, « avait décidé de ne pas modifier les dispositions de la Convention en la matière ». Celle-ci exclut notamment les programmes d’ordinateurs « en tant que tel » de la liste des inventions brevetables. D’autre part, le ministre délégué note que les résultats des études et consultations réalisées par la Commission se placent en contradiction avec celles conduites par plusieurs états membres. D’ailleurs, Christian Pierret met en exergue les choix de la directive qui amèneraient à élargir « le champ de brevetabilité à l’ensemble des logiciels voire des méthodes intellectuelles » sans pour autant apporter des précisions sur « les limites et les exigences de la brevetabilité ».

Le principe de brevetabilité toujours en suspens

La critique de Christian Pierret à l’égard de la proposition de directive a le mérite d’être claire et tranche avec l’attitude prudente généralement admise. Le gouvernement français la rejette totalement. Cela va dans le sens de la communauté du libre mais aussi d’une majorité de PME qui n’ont pas les moyens de supporter les charges financières induites par le dépôt de brevet. En période électorale, ce n’est pas négligeable. Pour autant, la France ne se prononce pas contre le brevet logiciel et « estime pour sa part indispensable de disposer préalablement à toute discussion au Conseil d’un bilan de la protection des inventions mises en oeuvre par ordinateur telle qu’elle résulte de la pratique de l’OEB et des états membres ». En attendant, la directive devra être présentée sans discussion au Conseil de l’Europe avant d’être votée par le Parlement. C’est sur la base de ce texte approuvé que le Conseil prendra sa décision finale. Longs mois et nombreuses polémiques en perspective…