C. Kerr-Vignale (SACEM): « HADOPI doit présenter des objectifs pédagogiques »

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Longue interview de Catherine Kerr-Vignale, membre du directoire de la SACEM et Secrétaire général de la SDRM : P2P, affaire James Climent, loi Hadopi…

ITespresso : La ligue Odébi vous demande de renoncer à des sanctions pécuniaires et dénonce un cynisme de votre part… quel est votre point de vue ?
Catherine Kerr-Vignale : Cette affaire a été lancée dans le cadre d’une loi qui prévoit à l’origine une peine de prison et une amende. La Sacem et la SDRM se sont contentées de déposer plainte et c’est le juge qui a décidé de fixer et d’adapter la sanction dans le respect des textes législatifs – en fait le Code de la Propriété Intellectuelle – et de la gravité du délit. Il faut se référer aux dispositions législatives applicables en France. En effet, selon les termes de l’article 122 alinéa 4 du Code de la Propriété Intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle d’une œuvre sans le consentement de ses ayants droit est illicite. L’absence d’autorisation est constitutive du délit de contrefaçon tel que défini à l’article 335 alinéa 4 du même code, qui prévoit pour ces faits une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et une amende pouvant aller jusqu’à 300 000 euros .

ITespresso.fr : Ce sont des peines très lourdes pouvant conduire en prison, n’est ce pas disproportionné ?
Catherine Kerr-Vignale : Ces diverses peines sont à considérer comme des peines ‘’plafond’’ et qu’il appartient aux magistrats d’adapter ces peines en fonction de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu. A ma connaissance, aucune peine de prison ferme n’a été à ce jour prononcée en France à l’encontre d’une personne convaincue d’avoir téléchargé par l’entremise d’un réseau P2P des œuvres protégées.

ITespresso.fr : Combien d’internautes ont été poursuivis à ce jour par vos services ?
Catherine Kerr-Vignale : Depuis le premier dossier en 1999, il y a eu en fait que très peu d’affaires judiciaires à l’initiative de la SACEM et de la SDRM et mettant en cause des internautes. Environ 70 dossiers concernant des mises à dispositions illicites tant de fichiers musicaux (MP3) que d’oeuvres audiovisuelles (films long métrage ou séries TV) ont fait à cette date, l’objet de procédures judiciaires à l’initiative de nos sociétés d’auteurs. Plus récemment et depuis 2003, on dénombre 49 affaires qui ont fait l’objet de décisions de justice et actuellement 10 instructions sont encore en cours. Les tribunaux ont prononcé 4 décisions de relaxe, et dans 9 cas, les condamnations ne seront vraisemblablement jamais exécutées, compte tenu de l’insolvabilité des personnes concernées. Les auteurs que nous représentons n’ont pas l’impression d’avoir engagé une vague de répression, mais peut-être seulement d’avoir tenté de préserver leurs droits devant les tribunaux.

ITespresso.fr : Beaucoup d’internautes reprochent aux sites légaux d’être complexes, de ne pas avoir une offre assez dense et des tarifs parfois déraisonnables ce qui pousserait à télécharger illégalement. Qu’avez-vous à leur répondre ?
Catherine Kerr-Vignale : Les tarifs sont fixés par les services. Aujourd’hui, il y en a pour tout le monde, on trouve des services gratuits ou payants. Parmi eux, il y a des jukebox comme Deezer, des portails de téléchargement comme Beezik avec qui nous finalisons un accord. En clair, l’internaute qui a envie d’écouter de la musique peut le faire en toute légalité ce qui permet au passage d’éviter d’avoir recours au téléchargement illégal via les protocoles P2P. Pour les offres payantes, il est certain que si les prix pouvaient baisser, le consommateur pourrait sans doute être plus facilement attiré vers ces offres et ainsi éviter d’aller sur les réseaux de partage. C’est une pédagogie que nous espérons voir se mettre en place avec la loi Hadopi qui je tiens à le souligner, doit présenter des objectifs non pas répressifs, mais pédagogiques.

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