C. Revelli (AgoraVox) : ‘Nous allons renforcer l’investigation collaborative’

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Riche en articles d’opinion, le « média-citoyen » AgoraVox entend désormais se renforcer dans les enquêtes.

Le site français AgoraVox a été ouvert en 2005, quelques mois avant le référendum sur la constitution européenne. Le tsunami de 2004 et le déferlement associé de vidéos autoproduites par des particuliers a été « l’un des éléments déclencheurs » de ce projet, selon Carlo Revelli, son PDG (qui a également co-fondé Cybion, un cabinet de veille concurrentielle).

La démocratisation des outils technologiques, permettant « à ceux qui en ont envie de devenir des acteurs de l’information », a également facilité la création d’AgoraVox, selon lui. En deux ans d’existence, AgoraVox a atteint son premier million de visiteurs mensuels. Carlo Revelli fait le point sur les axes de développement du site pour 2008.

Propos recueillis le 20 décembre.

Vnunet : Où en êtes-vous en terme de fréquentation?
Carlo Revelli : Selon les outils de notre régie publicitaire et d’autres outils de mesure installés sur nos serveurs, nous recevons désormais environ un million de visiteurs uniques par mois. Il y a aussi environ 30 000 personnes qui se sont inscrites sur AgoraVox pour être rédacteurs. Elles nous proposent entre 60 et 100 articles par jour. Pendant la dernière campagne présidentielle, nous en recevions plus d’une centaine quotidiennement. Sur les soixante articles que nous recevons chaque jour, nous n’en retenons que 30 à 35 que nous basculons ensuite en ligne.

Vnunet : Quelles sont vos sources de revenus ?
Carlo Revelli : Le site vit essentiellement de la publicité. Nous avons également des partenariats avec d’autres sociétés comme L’Equipe dans le sport et Clarins dans les produits de beauté. Nous avons notamment aidé L’Equipe à mettre en place SportVox, en leur fournissant une plateforme personnalisée et en les aidant à identifier des blogueurs s’intéressant au sport, susceptibles de participer au démarrage.

Vnunet : Revendez-vous des contenus à d’autres sites ?
Carlo Revelli : Non. Je ne suis pas sûr que cela puisse fonctionner en France. C’est à mon avis principalement lié au fait qu’un journal français n’apprécierait pas d’acheter des contenus qui ne sont pas produits par des journalistes.

Vnunet.fr : Depuis 2005, vous avez opté pour un contrôle systématique des contributions. Quelles sont vos règles éditoriales ?
Carlo Revelli : Nous sommes juridiquement responsables de ce que nous publions et nous faisons donc le tri. Mais nous opérons un filtrage très différent de celui d’une rédaction classique. La politique éditoriale du site, c’est qu’il n’y en a pas ! Parmi nos 30 000 rédacteurs, certains sont de gauche, d’autres de droite, d’autres sont athées ou religieux… On ne peut donc pas avoir une vraie ligne éditoriale comme un journal de gauche ou de droite peut le faire.
Le processus de filtrage se fait en trois étapes. A partir du moment où un article est proposé, tout d’abord, il est automatiquement envoyé à des modérateurs. Peuvent être modérateurs tous les rédacteurs qui ont écrit au moins quatre articles sur AgoraVox. Cela concerne potentiellement 1000 personnes qui peuvent voter pour les articles soumis. Une fois le quorum atteint, l’article entre dans une deuxième phase de relecture en interne. Des salariés d’AgoraVox le relisent pour vérifier qu’il ne pose aucun problème juridique et qu’il respecte bien le « copyright ». Dernièrement, nous avons d’ailleurs développé un logiciel qui interroge automatiquement différents moteurs de recherche pour vérifier qu’un article ne contient pas des passages qui ont été « pompés » dans d’autres articles, ce qui arrive hélas très souvent.
Dans une troisième phase, et c’est le propre du journalisme citoyen, ce sont les lecteurs qui vont être amenés à soumettre leurs commentaires sur cet article. Et à valider ou à invalider un article. Tout ce processus de médiation fonctionne beaucoup sur des principes d’intelligence collective. Ce sont toujours les lecteurs qui ont le dernier mot. Idem pour le positionnement des articles sur la page d’accueil, la place de chaque article est décidée automatiquement en fonction du trafic ou de l’intérêt qu’il génère. Le seul choix purement éditorial que l’on fait actuellement est celui de la Une.

Vnunet : De nombreux sites collaboratifs ont été créés cette année. Qu’en pensez-vous ? Quel est votre positionnement par rapport à ces nouveaux entrants ?
Carlo Revelli :
C’est plutôt une bonne nouvelle. Nous sommes arrivés deux ans avant tout le monde. Le fait qu’il y ait de nouveaux acteurs montre que le phénomène est réel et que l’intérêt est là. Il y a quand même de grandes différences entre AgoraVox et les nouveaux sites comme LePost, Rue89 et plus récemment MediaPart. Sur ces sites, l’équipe éditoriale continue de jouer un rôle assez important et les contributions des lecteurs sont moins mises en avant. La différence entre eux et nous, c’est que chez nous les contributeurs et les journalistes sont placés au même niveau.

Vnunet : Quels sont vos projets pour 2008 ?
Carlo Revelli : Nous allons essayer de nous renforcer dans tout ce qui a trait à l’investigation collaborative. Sur AgoraVox, nous avons beaucoup d’articles d’opinion et très peu d’enquêtes, d’abord parce que cela coûte cher et ensuite parce que c’est vraiment un travail de journaliste. Il y a quelques semaines, nous avons publié une première enquête sur l’univers des vaccinations. Un journaliste a écrit plusieurs articles pour définir le sujet de son enquête, recevant ensuite de 500 à 600 commentaires et donc un certain nombre de pistes. Il a travaillé pendant deux ou trois mois, complétant son enquête participative par des recherches sur le terrain. Cela a finalement donné lieu à un rapport très intéressant.