Carolina Milanesi (Gartner) : ‘Détenir un iPhone, un certain standing’

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La commercialisation de l’iPhone d’Apple tant attendu débute aux Etats-Unis.
Carolina Milanesi, analyste du Gartner, nous livre ses premières impressions.

Files d’attente d’acheteurs hagards devant les Apple Stores américains par craintes d’éventuelles ruptures de stock ; spéculations à n’en plus finir sur l’autonomie de la batterie du terminal et ses fonctionnalités… Le « buzz » atteint de tels sommets outre-Atlantique que certains n’hésitent plus à parler d’iPhoneMania. En France, un journaliste du quotidien Libération – Erwan Cario – souligne même que cette « fascination balaye souvent l’esprit critique « .

Carolina Milanesi, analyste du cabinet d’études Gartner, nous livre à chaud ses impressions sur le produit et son lancement médiatisé. Elle signale à ce titre le rôle déterminant joué par Apple dans la création du « buzz » autour de son produit, notamment via la diffusion de petits films publicitaires et « la création de cette anticipation » par « sa grosse machine de relation publique ». Elle prévient toutefois que le pré-lancement du produit aux Etats-Unis signifie qu’il n’y aura  » certainement pas la même sorte d’anticipation en Europe » quand il sortira.

Quels sont selon vous les avantages et les inconvénients techniques de l’iPhone ?
La première chose à prendre en compte est la capacité de la marque Apple à fédérer autour d’elle de nombreuses personnes qui adorent cette marque. Apple jouit vraiment d’une très bonne reconnaissance autour de l’ergonomie. Si vous regardez l’iPod, certains mettent en avant le fait que ce n’est pas nécessairement le meilleur produit. Pourtant, ce baladeur domine le marché du fait de la forte marque d’Apple et de son interface utilisateur. L’ergonomie et la marque sont deux critères qui tendent à prouver que l’iPhone d’Apple est un bon produit. En ce qui concerne les spécifications techniques, l’iPhone dispose à la fois de fonctionnalités de PC et de téléphone. C’est sur les fonctionnalités de téléphone qu’il faut se pencher et personne ne l’a pour l’instant eu suffisamment longtemps entre les mains pour connaître sa performance. Historiquement, les écrans tactiles n’ont pas eu de succès. J’attends donc de pouvoir tester l’iPhone de manière plus approfondie pour me prononcer sur ce point.

Ce terminal est-il adapté au marché européen ?
Il me semble qu’il serait bien plus pertinent pour Apple de lancer un terminal 3G en Europe [aux Etats-Unis, ce téléphone est proposé en exclusivité sur le réseau Edge de l’opérateur mobile AT&T, ndlr]. Même si ce n’est pas vraiment demandé par de nombreux utilisateurs, il y a quand même quelques personnes intéressées par la 3G en Europe.

Son coût onéreux ne constitue-t-il pas un obstacle ?
Le prix du terminal est effectivement très élevé [entre 499 et 599 dollars selon les versions, ndlr]. Ceci dit, il me semble que c’est un point qui devrait jouer en faveur d’Apple. Il est utile qu’il soit proposé à un tarif si élevé. C’est ce qui lui donne son « standing ». Ce sera sans doute différent en Europe où les abonnés adoptent souvent des terminaux fortement sponsorisés par les opérateurs mobiles. Apple doit aussi être vigilant sur le planning de ces lancements. Le fait de lancer de nouveaux modèles d’iPod d’entrée de gamme qui pourraient nuire aux ventes de ses iPhones est un risque.

Se dirige-t-on vers un même type d’accord exclusif entre Apple et un opérateur mobile sur le Vieux continent ?
Le marché européen des télécoms est très différent du marché américain et Apple aura beaucoup de mal à recréer le même type d’accord d’exclusivité que celui qu’il a signé avec AT&T, un partenariat qui est d’ailleurs assez « unique » en son genre dans le monde du mobile. Les terminaux sont par exemple distribués à hauteur de 90% par des opérateurs aux Etats-Unis tandis qu’ils sont proposés à hauteur de 50% par d’autres canaux de distribution en Europe. Les opérateurs européens sont aussi beaucoup plus actifs dans la création de leurs propres services. Si vous prenez le service « Vodafone Live », il est difficile d’imaginer que Vodafone puisse le négliger pour se jeter dans les bras d’iTunes. Les opérateurs sont aussi beaucoup plus susceptibles de vendre des terminaux portant leurs propres marques en Europe. Tout va dépendre de l’acceptation ou non de la 3G. T-Mobile, 3 ou Orange sont en général perçus comme assez « ouverts d’esprit » pour ce type d’accord.

Quelle sera d’après vous la réaction des grands fabricants de terminaux ?
Certes, Apple devient un nouvel acteur et va quelque peu bouleverser le marché. Il faut tout de même garder en tête que les prévisions du groupe consistent à vendre 10 millions d’unités d’ici 2008. Ce qui constitue un pari assez agressif mais finalement assez faible comparé aux ventes globales des autres fabricants, qui se situent à environ 3 milliards d’unités en 2006. Compte tenu de la capacité d’Apple à créer des interfaces très simples, il sera intéressant de voir comment les autres fabricants vont réagir, si ils vont essayer de lancer des produits assez similaires à l’iPhone ou s’ils vont au contraire se distinguer sur d’autres segments.

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