« Cartel mobile » : l’UFC-Que choisir envoie 12 530 plaintes individuelles devant la justice

Mobilité

Sur fond de condamnation des opérateurs mobiles pour entente illicite,
l’association de défense des consommateurs relance le débat sur les actions de
groupe.

« Il ne s’agit pas d’une mise en scène. Les demandes d’indemnisation que nous déposons au tribunal ne sont pas remplies de feuilles blanches, ce sont des vrais dossiers. » Pas de mise en scène mais une médiatisation de l’opération. C’est en présence de la presse qu’Alain Bazot, président de l’UFC-Que choisir, a fait partir en direction du tribunal de commerce de Paris les 12 530 demandes d’indemnisation déposées par les abonnés français à la téléphonie mobile.

La procédure vise à indemniser les abonnés victimes des pratiques anticoncurrentielles de Orange (France Télécom), SFR et Bouygues. Entre 2000 et 2003, les trois opérateurs ont échangé des informations visant à se partager le marché de la téléphonie mobile en France aux dépens des consommateurs. Une entente illicite condamnée fin 2005 par le Conseil de la concurrence qui a infligé aux trois opérateurs une amende globale de 534 millions d’euros (voir édition du 1er décembre 2005). Les opérateurs ont cependant fait appel du jugement, lequel sera examiné le 12 décembre 2006 (voir édition du 15 septembre 2006).

Internet a joué un rôle fondamental dans l’organisation de l’opération puisque les demandes d’indemnisation ont été enregistrées à partir du site cartelmobile.org créé pour l’occasion par l’UFC. Entre décembre 2005 et mai 2006, près de 200 000 clients des opérateurs se sont inscrits générant l’ouverture d’environ 35 000 dossiers dont seuls, faute de moyens et de temps, 12 530 ont pu être constitués. Seize juristes ont travaillé près de 2 000 heures sur la plus importante o pération de défense des consommateurs depuis la création de l’association qui lui coûtera 500 000 euros. « La subvention annuelle que nous accorde l’Etat « , précise Alain Bazot. Pour seulement 0,06 % des 20 millions de  » victimes », selon l’UFC, de l’entente illicite des opérateurs. Un préjudice qui, selon le calcul de l’association, s’élève à 65 euros par abonné (hors frais de dossiers estimés à… 150 euros par dossier).

Derrière cette opération, l’UFC cherche essentiellement à mettre en avant la nécessité d’instaurer la loi sur les actions de groupe. Laquelle permettrait aux consommateurs victimes de pratiques illégales d’une entreprise de se voir indemnisés sans avoir à recourir à des procédures juridiques individuelles compliquées, onéreuses et, au final, décourageantes. « A partir d’aujourd’hui, il n’est plus recevable de dire que le droit français est suffisant et que les actions de groupe ne sont pas nécessaires », déclare Alain Bazot en écho aux arguments de lobbies industriels qui mettent en avant le frein à la compétitivité et les risques économiques que feraient peser les procédures collectives sur leurs affaires.

Demande d’une procédure d’urgence pour étudier le projet de loi sur les actions de groupe

L’action de groupe a été réclamée par le président de la République lors de ses voeux 2005. Un projet de loi doit être présentée en conseil des ministres le 8 novembre 2006 par Thierry Breton, ministre de l’Economie et des Finances. Mais ce projet « est tout sauf un projet d’action collective », s’insurge le président de l’UFC. Selon lui, si la loi dite Breton permet bien un dépôt collectif des dossiers de demandes de réparation par les particuliers, elle réindividualise ensuite les procédures de jugement. L’UFC exige une unité de bout en bout de la procédure collective. De plus, le projet de loi introduit des paramètres d’exclusion rédhibitoires (comme le rejet des dossiers lors d’affaire s jugées par le Conseil de la concurrence ou les demandes d’indemnisations supérieures à 2 000 euros).

Dans ces conditions, « on peut douter de la volonté des politiques de mener à terme ce projet de loi. Les consommateurs n’accepteront pas de se faire berner par des effets d’annonces », lance Alain Bazot qui, en cette période pré-électorale, pèse ses mots. « Mais le pire serait qu’il n’y ait pas de projet de loi. » L’association compte ainsi sur les parlementaires et sénateurs pour amender le texte à la faveur du consommateur. Face au retard du projet maintes fois ajourné, l’UFC demande ainsi au gouvernement d’instaurer la procédure d’urgence. Avec l’espoir de pouvoir s’appuyer sur cette nouvelle loi lors du procès des consommateurs contre les opérateurs. Procès qui n’est pas attendu avant l’été ou la rentrée 2007.