Comment l’ARCEP compte imposer à Skype un statut d’opérateur en France

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Un discret amendement intégré dans le projet de loi Macron renforce les prérogatives attribuées à l’ARCEP pour déterminer qui est opérateur. Allo Skype ?

En France, Skype va-t-il bientôt prendre la casquette d’opérateur…contre sa volonté ?

Un amendement discret glissé dans le projet de loi Macron, repéré par Les Echos, risque de faire du bruit : autoriser l’ARCEP à fixer de manière unilatérale la qualification de l’activité d’opérateur afin d’obliger certains services de communication électronique à adopter ce statut.

On dirait une disposition taillée sur mesure pour Skype : l’ARCEP réclame depuis 2007 que le logiciel de téléphonie sur Internet (désormais propriété de Microsoft) souscrive à l’obligation de déclarer ses activités d’opérateur (article L. 33-1 du Code des postes et des communications électroniques) et que les devoirs inhérents à ce statut soient appliqués. Notamment celui d’accepter les communications d’urgence.

En l’état actuel, Skype se contente de préciser à ses utilisateurs : « Pas d’appels d’urgence avec Skype. Skype ne remplace pas votre téléphone et ne peut être utilisé pour appeler les services d’urgence. »

Après les injonctions de l’ARCEP, une enquête préliminaire avait été ouverte. Malgré la pression, Skype a toujours esquivé cette formalité qu’il considère probablement contraignante. Mais à quel titre : adaptation technique ? Exposition juridique ? Ou volonté d’échapper aux écoutes électroniques des agences de renseignement français auxquels les opérateurs sont assujettis ?

Face à la difficulté de pousser Skype à changer de position, une adaptation de la loi permettra-t-elle de débloquer la situation ?

En profitant de l’examen du projet de loi Macron, neuf députés (dont le rapporteur du projet de loi devant l’Assemblée nationale Richard Ferrand) ont déposé un amendement (numéro 1565) en commission de préparation en date du 22 janvier 2015, qui a été adopté.

Voici la formulation exacte : « Lorsqu’une personne exploite un réseau ouvert au public ou fournit au public un service de communications électroniques, sans que la déclaration prévue au premier alinea ait été faite, l’autorité peut, après que cette personne a été invitée à déclarer sans délai l’activité concernée, procéder d’office à cette déclaration. La personne concernée en est informée. »

A en croire le compte rendu intégral de la troisième séance du 6 février 2015 en plénière de l’Assemblée nationale, la discussion à ce sujet a été tranchée rapidement. Extrait :

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Si le Sénat n’émet pas d’objection particulière à ce sujet lors de son propre examen du projet de loi Macron, l’ARCEP sera dotée d’une nouvelle prérogative : reconnaître de facto les services de communications électroniques devant se soumettre au statut d’opérateur. Jusqu’ici, il fallait compter sur une démarche volontaire de la société concernée.

Cette impulsion politique pourrait également toucher d’autres services de communication électronique comme WhatsApp (groupe facebook) qui dispose également d’un pendant VoIP.

Signalons également qu’elle surgit par le biais de la Loi Macron…Mais que, parallèlement, un projet de loi sur le renseignement devrait être présenté lors du Conseil des ministres du 19 mars.

Sur fond de lutte antiterroriste renforcée, la surveillance des communications électroniques sera probablement au cœur des débats.

(Crédit photo : Shutterstock.com – Droit d’auteur : Gil C)

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