Conduite autonome : ce rapport accablant pour le duo Uber – Otto

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Dans le cadre de son conflit judiciaire avec Google sur la conduite autonome, Uber doit faire face à la publication d’un document qui sème le doute.

Google a-t-il obtenu l’arme fatale dans son bras de fer judiciaire avec Uber sur les technologies de conduite autonome ?

Le groupe Internet dispose d’une manne d’informations en l’objet d’un rapport de diligence raisonnable qui lui a été communiqué sur ordre des tribunaux.

Le document, rendu public ce lundi, est le fruit d’une enquête menée par Stroz Friedberg.

La firme américaine de cybersécurité avait été mandatée en mars 2016 dans le cadre des discussions qui allaient mener à l’acquisition, par Uber, de la start-up Ottomotto et ses camions à conduite autonome.

Cinq employés de la jeune entreprise avaient été interrogés dans ce cadre. Parmi eux, le cofondateur Anthony Levandowski.

Google, chez qui il travailla entre le 9 avril 2007 et le 26 janvier 2016, l’accuse d’avoir dérobé, avant son départ, des secrets industriels relatifs, entre autres, à des technologies de télédétection par laser (lidar).

L’intéressé s’étant réfugié sous la protection du 5e amendement de la Constitution des États-Unis, qui permet à une personne de ne pas témoigner contre elle-même, Waymo – branche de Google dédiée à la conduite autonome – a exigé d’avoir accès au rapport de diligence raisonnable, susceptible de « contenir les réponses à beaucoup de questions ».

Uber a tenté de faire opposition en avançant notamment l’argument du secret professionnel. En vain : la justice a décidé – et confirmé en appel – que le document devrait être communiqué à Google pour le 13 septembre 2017 dernier délai.

On comprend, au vu des conclusions de Stroz Friedberg, qu’Uber ait voulu garder le document pour lui.

Dans l’absolu, rien ne permet d’affirmer fermement qu’Anthony Levandowski a volé des fichiers confidentiels ensuite exploités par Otto, puis par Uber. Mais de nombreux éléments le suggèrent… et laissent par ailleurs entrevoir de probables violations d’accords de non-concurrence.

Le mystère des disques

En plus des entretiens menés entre le 22 et le 26 mars 2017 avec Anthony Levandowski, Lior Ron, Don Burnette, Soren Juelsgaard et Colin Sebern, Stroz Friedberg a analysé une cinquantaine d’appareils et de supports de stockage.

La firme a constaté de multiples incohérences entre ces « preuves digitales » et les propos des cinq collaborateurs. À commencer par Anthony Levandowski.

Questionné sur le présumé vol de secrets industriels, l’ingénieur avait déclaré avoir effectivement découvert, en réunissant les appareils qui devaient être analysés par Stroz Friedberg, des données associées aux travaux de Google sur la conduite autonome (code source, schémas de circuits électroniques…).

Ces données se trouvaient sur cinq disques qu’Anthony Levandowski dit avoir fait détruire par une société spécialisée.

Il aurait pris cette décision après avoir signalé, le 11 mars 2017, l’existence des disques à Uber ; et plus particulièrement au CEO d’alors, Travis Kalanick, qui lui aurait intimé de « faire ce qu’il fallait » avec ces supports dont il ne « [voulait] rien savoir ».

Problème : il n’a pas été possible de prouver qu’Anthony Levandowski a bien recouru aux services de la « société spécialisée », identifiée comme Shred Works à Oakland.

D’un côté, ses employés n’ont pas reconnu la photo de l’ingénieur que lui ont présentée les enquêteurs de Stroz Friedberg lors de leurs visites des 4 et 6 avril 2017. De l’autre, alors même que chaque opération de destruction est consignée sur papier carbone avec signature du client y compris lors d’un paiement en cash, aucune de ces opérations n’a pu être associé à Levandowski.

Les enquêteurs ont bien trouvé trace d’une destruction de cinq disques, mais avec une signature illisible et à la date du 14 mars, qui ne correspond pas à ce qu’a laissé entendre l’ingénieur.

Données écrasées

Tout n’est pas clair non plus chez Lior Ron (employé chez Google entre le 7 avril 2007 et le 11 décembre 2011, puis entre le 4 novembre 2014 et le 13 janvier 2016) comme chez Ron Burnette.

Le premier a notamment, peu avant son entretien, supprimé de son Mac un fichier « Chauffeur win plan.docx ». « Chauffeur » ayant été le nom de code du projet Google Self-Driving Car. Il a par ailleurs, comme le second, effectué des recherches Internet portant sur la suppression de fichiers.

Tous deux ont visiblement continué à accéder – ou à tenter d’accéder – à l’intranet de Google après leur départ de la société.

Anthony Levandowski et ses associés pourraient s’être mis en faute sur un autre front, en tentant, alors qu’ils travaillaient encore pour Google, de débaucher des collègues pour les accompagner dans l’aventure Otto.

Plusieurs dizaines d’entretiens individuels ont été organisés, additionnés de réunions, y compris un barbecue organisé chez Levandowski. Certains se sont révélés fructueux, comme avec Brian McClendon, passé de Google à Uber pour diriger l’activité « cartographie – navigation ».

Levandowski a commencé à prendre contact avec les équipes d’Uber en juin 2015. Ce qui devait d’abord être un partenariat a fini par prendre, entre septembre et décembre de la même année, la tournure d’une acquisition.

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