Croc-Crozier : Free Mobile, Facebook-Europe, TIC-nouvelle drogue, voeux 2012…

MarketingRégulations

On a pris du retard dans la publication des chroniques du mordant Sébastien Crozier (expert TIC, conseiller prud’homal, syndicaliste FT-Orange…). Voici la compil’ de ses contributions pour début 2012. Volet 8.

Free Mobile: la vérité, toute la vérité rien que la vérité (chapitre 1)

Au nom du dogme des bienfaits de la concurrence dont Adam Smith a théorisé les principes au 18ème siècle, l’ARCEP et son Président Jean-Ludovic Silicani ont organisé une destruction massive de la valeur dans le secteur des télécoms.  Nous consacrerons plusieurs chroniques à vous le démontrer.

Tout d’abord, intéressons-nous aux avantages accordés à Free Mobile par le garant des intérêts de la République dans le secteur des télécoms : l’ARCEP.

Il est démontré dans presque tous les pays du monde qu’il n’est pas possible à quatre opérateurs mobiles de survivre économiquement.

Pour autant, l’ARCEP a organisé l’arrivée d’un quatrième opérateur dans le pays d’Europe le moins dense en termes de population… et donc où le coût de déploiement d’infrastructure est le plus élevé.

C’est prétendument pour permettre à Free de lutter, en tant que nouvel entrant, à armes égales avec les trois opérateurs historiques, que l’ARCEP lui a accordé le bénéfice de plusieurs avantages.

Précisons tout de même qu’être qualifié de nouvel entrant sur le marché de la téléphonie mobile est très excessif dès lors qu’on possède une base client de plus de 3 millions d’abonnés sur l’Internet haut débit, que le marché se dirige progressivement vers des offres quadruple play et que la convergence 3G/4G/Wi-Fi conduit à ce que les terminaux multi-techno se multiplient, comme l’iPad par exemple.

Mais pour favoriser la réussite d’un quatrième opérateur, que ne dirait-on pas…

Par décision de l’ARCEP, Free a aussi bénéficié d’autres dispositions favorables : l’accès aux points hauts, le contrat d’itinérance et la dissymétrie sur la terminaison d’appels.

L’accès aux points haut consiste à imposer aux opérateurs existants de donner à Free la possibilité d’installer des antennes là où les opérateurs existants sont déjà installés.

Cela évite au nouvel entrant une prospection et des négociations coûteuses avec des détenteurs d’infrastructures. C’est cette difficulté qui avait conduit Bouygues Telecom à s’associer avec JC Decaux.

Le contrat d’itinérance est un autre avantage qui a été accordé à Free. L’Arcep a imposé aux opérateurs existants de trouver un accord avec Free pour que celui-ci bénéficie d’un accès à l’un de leur réseau dès lors que celui-ci couvrirait 27% de la population avec sa propre infrastructure…C’est pourquoi aujourd’hui la France est couverte par Free grâce au réseau d’Orange. Disposition dont Bouygues Telecom n’avait pas bénéficié…et qui l’a conduit à trainer longtemps une réputation de mauvaise qualité de couverture…

Enfin, l’ARCEP a demandé le financement de Free Mobile à ses concurrents via le mécanisme complexe de la terminaison d’appel.

Qu’est-ce que la terminaison d’appel ? Lorsque l’abonné d’un opérateur A appelle un abonné chez un opérateur B, l’opérateur B facture à l’opérateur A des frais d’interconnexion, ou terminaison d’appel. Or, jusqu’au 31 décembre 2013, Free Mobile pourra facturer la terminaison d’appel plus cher que ses concurrents.

Sur un forfait illimité, c’est l’équivalent de 5 euros par mois et par abonné qui est versé à Free Mobile par Orange, SFR et Bouygues Telecom

Comme on le comprend aisément, le marché des telecoms est un marché ou la concurrence n’est ni libre ni non faussée.

Et que si le régulateur commet la moindre erreur d’appréciation, les acteurs qui ont fortement investi peuvent être économiquement déstabilisés et l’organisation du marché sérieusement perturbée.

(Lire la suite page 2) : Facebook et l’Union européenne

Lire aussi :