Dell/Apple, la bataille pour l’éducation continue

Mobilité

C’est une bataille bien américaine, mais dont les répercussions commencent à se faire sentir en Europe. Bill Rodrigues, le directeur général de la branche éducation du constructeur texan Dell, monte au créneau pour vanter les mérites de son modèle pour l’éducation. La tête de Turc du constructeur ? Apple, qui est présentée comme le mouton noir du marché. Mais le débat est faussé : Dell évite la confrontation avec ses pairs et joue sur le politiquement correct.

Depuis qu’il y a un Texan à la Maison Blanche, la maison Dell ne se tient plus : elle semble vouloir faire rendre l’âme à Apple, qui n’a pas caché ses tendances démocrates. Le match Californie contre Texas est une des habitudes de la vie politique américaine. On le retrouve aujourd’hui plus que jamais dans la confrontation entre Apple et Dell sur le marché de l’éducation (voir édition du 22 janvier 2001). Le texan n’y va habituellement pas de main morte et depuis que les chiffres ont fait passer Dell premier constructeur mondial, l’offensive semble redoubler. Bill Rodrigues, son directeur général chargé de l’éducation (GM pour General Manager), le pendant de Cheryl Vedoe chez Apple, y va à coeur-joie, mais utilise une bonne dose d’arguments biaisés, dans une interview accordée à CNet.

Un modèle économique exemplaire

Le GM de Dell s’appuie sur le modèle économique de sa firme pour la mettre en avant. Et il a bien raison. S’il y a une firme sur Terre qui sait utiliser à plein les meilleures méthodes de gestion de la production d’ordinateurs, c’est bien Dell, qui a fondé son succès sur la prise de commandes en ligne (50 % de son chiffre d’affaires) et au téléphone (les autres 50 %) et fait du montage à la demande. Son secret ? Sa capacité à répercuter immédiatement (ou presque) ses coûts d’achats. Conséquences, ses PC se vendent comme des petits pains parce qu’ils sont véritablement moins chers. Mais la firme a eu aussi beaucoup de problèmes de qualité qu’elle continue à essayer de résoudre. Reste qu’au final, son modèle est parfaitement adapté à un marché où l’ordinateur n’a plus beaucoup de valeur et où la valeur se crée sur les coûts de production et de distribution, et non sur l’inventivité et l’innovation des nouveaux modèles.

Une position tenue par Apple, mais présentée par Bill Rodrigues comme un dinosaure, un reliquat du XXème siècle. « Pour la plupart, la majorité des applications et des ordinateurs que vous trouvez dans l’environnement commercial sont des plates-formes Wintel », explique-t-il. Bill Rodrigues ne convaincra personne avec ces arguments, tant les changements de systèmes d’exploitation et de machines sont grands entre l’entrée dans le système scolaire d’un enfant et sa sortie quelque 10 à 20 ans plus tard. Demandez-le aux têtes blondes qui ont appris sur Thomson TO7… Et de poursuivre en s’interrogeant sur la relance prévue par Steve Jobs autour de l’iBook : « La chose que je trouve intéressante (?), c’est que ça leur redonnera une position dominante dans le secteur des portables pour l’éducation… » Indiquant en substance que le portable ne constitue pas, et de loin, la majorité du marché des ordinateurs destinés à l’éducation.

Apple commence à faire peur

Mais ce qui frappe le plus dans les propos tenus par Dell, c’est le travail de sape mené pour couper l’herbe sous le pied d’Apple au début de la saison des achats des établissements scolaires américains : la firme de Cupertino doit commencer à faire peur. Elle s’est elle aussi lancée dans un modèle économique de production qui met le client au centre de sa réflexion et joue sur un système de production reconfiguré. Son nouveau système d’exploitation a été très bien accueilli par l’ensemble de l’industrie. Elle est désormais fournisseur de contenant et de contenu avec l’acquisition de Powerschool (voir édition du 30 mars 2001). Et elle a fait aussi des propositions de ventes très en dessous de ses prix habituels (50 % de réduction lors d’un récent contrat sur un district scolaire de Pittsburgh) tout en offrant 70 PowerBook G4 aux professeurs de la zone. De plus, le concept d’informatique nomade se comprend parfaitement dans les écoles où les élèves et/ou les professeurs changent de classe presque à chaque heure de cours. Dans ce contexte, la présentation d’une solution tout Apple pour une école du futur à Detroit montre que la logorrhée de Bill Rodrigues est à classer dans la rubrique « Intimidation de professionnels de l’enseignement ». Reste que l’école n’est pas faite pour former des élèves au monde économique mais pour les éduquer notamment à la diversité. Il semble donc que Dell n’en ait cure.

Pour en savoir plus :

* L’interview de Bill Rodrigues sur le site de CNet (en anglais)

* Les architectes de l’école du futur (en anglais)