Démocratie en ligne : Icann cherche études

Mobilité

Le comité de l’Icann chargé d’étudier la participation des internautes aux décisions de l’organisme lance un appel à contributions. Il recherche des études relatives à la démocratie directe et à l’organisation de la prise de décision au sein des organisations internationales. Vaste programme !

Comment faire participer les internautes du monde entier aux décisions de l’Icann ? L’Internet corporation for assigned names and numbers, organisme chargé de la gestion des noms de domaine sur Internet, a déjà fait une première tentative lors des précédentes élections des membres de son comité directeur (voir édition du 3 juillet 2000). Auparavant, ces derniers étaient en effet nommés par le gouvernement américain. Difficile dès lors de parler de l’Icann comme du « gouvernement de l’Internet »… Aujourd’hui, 5 des 19 membres dirigeants ont ainsi été élus par les internautes, mais l’élection a frôlé le fiasco et essuyé de nombreuses critiques (voir édition du 11 octobre 2000). Pour autant, l’Icann n’abandonne pas l’espoir d’organiser son projet At-large membership, que l’on pourrait traduire par « démocratie directe », ou – pour employer un terme un peu moins fort – « participation élargie ». L’organisme est à la recherche de contributions sur la question.

Lors de sa réunion à la mi-mars à Melbourne, le comité directeur a ainsi approuvé la composition de l’At-large membership study committee » (ALSC), comité qui, comme son nom l’indique, est chargé d’étudier cette participation des internautes aux décisions de l’Icann. Aujourd’hui, l’ALSC lance un appel à contributions. Il recherche « des études examinant les rôles, les nécessités, les procédures et les structures en rapport avec l’implication de particuliers dans des organisations internationales », ainsi qu’il est mentionné sur son site. Les envois devront lui parvenir avant le 28 mai et l’ALSC, qui publiera ou renverra vers chacune des études, commencera à les examiner lors de sa réunion à Stockholm le 5 juin prochain.

Les Français peu mobilisés

Un Français figure parmi les membres de l’ALSC : Olivier Iteanu, avocat spécialiste des nouvelles technologies et président de l’Isoc France. Interrogé quelques jours après sa nomination, le juriste confirmait que « l’événement » était l’élection avec l’« At-large membership » : « C’était une première qui soulevait quelques inquiétudes assez justifiées. » Selon lui, après cette première expérience, deux questions se posent : « Comment doit être reproduit ce processus ? » et « Que fait-on de cette masse de gens qui ont voté ? » D’où la création du comité d’étude. Pour l’instant, « c’est très flou », de l’aveu même d’Olivier Itéanu qui a choisi de « rentrer dans le système, pour comprendre, diffuser pour pouvoir réformer ». Premier chantier concret : la traduction des actes fondateurs en français, « pour que les francophones s’y intéressent », explique-t-il, mais le chemin à parcourir est encore long et les Français peu mobilisés : « Nous sommes des cartésiens, habitués à la voie hiérarchique, qui avons du mal à nous insérer dans un processus aussi horizontal », regrette-t-il.

Elisabeth Porteneuve, élue au Names council de la Domain name supporting organization (DNSO) de l’Icann et consultante à l’Afnic (Association française pour le nommage Internet en coopération), partage ce point de vue : « En France, nous sommes dans un système hiérarchique », constate-t-elle. L’initiative de l’Icann cherche à mettre en place une « démocratie directe », ainsi qu’elle la qualifie. Ce nouveau type d’organisation « perturbe tout », insiste-t-elle, sans pouvoir juger si cette démocratie directe est « possible ou pas ». Elisabeth Porteneuve, qui parlant de l’Icann lâche que « la bête est extrêmement compliquée », avoue à propos de l’« At-large membership » qu’elle « ne sait pas si c’est une utopie ». Par contre, elle croit fermement aux possibilités offertes par Internet : « Internet est un moyen de communication formidable qui, par excellence, oblige à réfléchir en comparant les gouvernements et leurs modes de fonctionnement. » De là à trouver la solution pour une « démocratie directe » au sein de l’Icann…

Les Etats-Unis gardent le contrôle de l’Icann

Ce mardi 17 avril, l’organisation transmettait les copies finales de son accord avec Verisign au ministère du Commerce américain pour qu’il le valide. L’accord contesté a été approuvé par le bureau directeur de l’Icann le 2 avril dernier (voir édition du 3 avril 2001). « Tout reste sous le contrôle du gouvernement américain », constate Elisabeth Porteneuve. Comment l’Icann pourrait-il s’en défaire ? « Schématiquement, je vois deux possibilités », explique l’élue du DNSO. « La première serait que les Etats-Unis partagent le pouvoir avec les autres gouvernements au sein d’un comité de l’Icann les regroupant. Mais pour cela il faudrait convaincre les anti-gouvernementalistes », admet-elle. « Sinon, la seconde serait que les gouvernements forts considèrent que la plaisanterie a assez duré et qu’ils remplacent la gestion par une organisation privée par un traité internationnal. » Cette dernière solution « nécessiterait beaucoup de temps », note Elisabeth Porteneuve qui ajoute qu’« on risque de se trouver face à un club d’abonnés ». Nous n’y sommes pas encore, d’ici-là, l’At-large membership study committee » attend vos études !

Pour en savoir plus :Gouvernance de l’Internet, le site d’information mis en place par l’Afnic