Députés et sénateurs s’accordent sur la LEN

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Les parlementaires maintiennent notamment la responsabilité des hébergeurs face aux contenus illicites. Une mesure inacceptable selon Odebi, qui appelle l’opposition parlementaire à saisir le Conseil constitutionnel.

Dans un communiqué, le député Jean Dionis du Séjour (UDF, Lot-et-Garonne) et les sénateurs Bruno Sido (UMP, Haute-Marne) et Pierre Hérisson (UMP, Haute-Savoie), rapporteurs du texte au nom des commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat, « se félicitent de l’accord obtenu entre les deux chambres du Parlement sur les dispositions qui restaient en discussion ». La Commission mixte paritaire (CMP), composée de sept députés et autant de sénateurs, a donc terminé, mardi 27 avril 2004, les travaux sur les points litigieux de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Les discussion ont notamment porté sur « la sécurisation du droit de l’Internet » et « les avancées contre les contenus odieux en ligne ». La protection des cyber-consommateurs, le développement de l’accès aux nouvelles technologies et leurs usages étaient également au coeur des négociations.

Des hébergeurs responsabilisés

La CMP a donc validé « la création d’un régime autonome du droit de l’Internet » ainsi que la « mise en place d’un régime équilibré de responsabilité pour les prestataires techniques ». Hébergeurs et fournisseurs d’accès seront « obligés de réagir, sous le contrôle d’un juge, lorsqu’ils sont mis à même de découvrir la diffusion d’informations illicites ». Par ailleurs, un droit de réponse spécifique au Net a été retenu. Dans la lutte contre les « contenus odieux en ligne » (apologie des crimes contre l’humanité, incitation à la haine raciale et pédopornographie), les prestataires techniques seront également tenus de mettre en place « un dispositif de signalement » et devront « publier les moyens qu’ils mettent en oeuvre au service de cette lutte ».

Si députés et sénateurs se félicitent de l’issue de leur travail, il n’en va pas de même pour la Ligue Odebi. La très active association d’utilisateurs du Net s’insurge en effet contre le transfert de l’autorité judiciaire à des groupes privés qu’elle considère comme « une privatisation de la justice totalement contraire à l’état de droit et à la tradition républicaine ». Odebi déplore également le manque de précision du texte quant aux prestataires réellement concernés. L’association craint un « risque sur de nombreux intermédiaires techniques qui ne sauront tout simplement même pas s’ils sont ou non concernés par cette obligation [de censure]« .

Une atteinte à la liberté d’expression

Le délai de prescription spécifique à la presse en ligne est également dans la ligne de mire d’Odebi. L’amendement avancé en seconde lecture au Sénat le 8 avril dernier par René Trégouët (UMP, Rhône) propose que la prescription, dans le cadre de diffamation en ligne, soit de 3 mois à partir de la suppression de l’accès au contenu, alors qu’elle est de 3 mois à partir de la publication pour la presse « traditionnelle ». Ce principe implique qu’un auteur pourra être poursuivi en justice, même des années après l’écriture de l’article, tant que celui-ci sera en ligne. L’association estime « qu’au delà de l’atteinte immédiate à la liberté d’expression et d’information, cette disposition va provoquer un appauvrissement considérable des contenus francophones sur Internet. » Un point de vue globalement partagé par le Forum des droits sur Internet et l’association IRIS. Dernier point d’achoppement : la suppression du statut de correspondance privée jusqu’alors accordé par défaut au courrier électronique, ce qui ouvrirait la porte « à d’intolérables atteintes au secret des correspondances ».

En conséquence, Odebi demande à l’opposition (PS, Verts et PC) de saisir le Conseil constitutionnel sur ces différents points. La LEN doit encore passer devant les chambres parlementaires le 6 mai prochain. Si députés et sénateurs approuvent les nouvelles dispositions apportées par la CMP, la loi entrera en vigueur avant l’été.