Derrière le PPC 970, la restructuration d’Apple ?

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Avec une action en hausse de 46 % sur les dernières semaines, Apple retrouve grâce aux yeux des investisseurs. Mais sur le long terme, avec une part de marché mondial en chute libre, une nouvelle approche de son activité semble nécessaire pour le constructeur.

Les résultats positifs (14 millions de dollars ? 12,15 millions d’euros – d’excédents) d’Apple lors de son dernier trimestre fiscal sont dus à des revenus issus d’investissements et de placements financiers : sur le trimestre passé, Apple a ainsi dégagé 23 millions de dollars (20 millions d’euros) en revenus de ce type ! Autant dire que ce ne sont pas ses ventes qui permettent au constructeur d’être bénéficiaire, mais bien ses choix boursiers ! Sans eux, Apple aurait fini le trimestre clos en mars dernier avec un déficit de 9 millions de dollars (7,8 millions d’euros) ! La société n’est pas la seule à fonctionner ainsi : Microsoft ou encore Cisco Systems jouent eux aussi sur ce levier pour sauver les apparences. Les seuls revenus financiers de Microsoft égalent, selon l’agence de presse Reuters, le niveau des ventes de sa console de jeux Xbox (472 millions de dollars) ! Pour Apple, impossible de continuer ainsi : si la marge brute du constructeur est la plus grasse du marché (près de 28 à 30 % contre 18-20 % pour Dell), sa part de marché mondial tend à s’effondrer : en 2002, la firme représente 2,1 % du marché (selon l’institut de recherche IDC) alors qu’elle en détenait 2,4 % en 2001 et 5 % en 1997 ! Une lente érosion se fait sentir qui, malgré les dires des dirigeants de la société, s’avère potentiellement un facteur supplémentaire d’exclusion, malgré la deuxième place de la plate-forme auprès des particuliers. Le lancement de l’iTunes Music Store (voir édition du 6 mai 2003) et la rumeur de l’arrivée imminente de nouvelles machines susceptibles de soutenir véritablement la comparaison face à des PC ont dopé le cours de l’action de la firme. Il atteint presque les 19 dollars, en hausse de 46 % depuis mi-avril !

Le retour de cette confiance tient à la reconstruction de l’activité de l’entreprise : les revenus d’Apple ne proviennent plus seulement de ses machines, mais aussi de ses logiciels et désormais de l’Internet avec le magasin de musique en ligne. L’entreprise est bien en train de refonder les bases de son activité et de la relance de ses ventes : le renouvellement annoncé de sa stratégie processeurs cache un effort en direction des entreprises et de ses marchés traditionnels. Apple, qui lancera sans doute un PowerMac en même temps que Quark livrera sa version de Xpress native pour Mac OS X, devrait utiliser le PowerPC 970 dans ses nouvelles machines, sauf surprise de dernière minute. Même s’il fait mention de cette possibilité, IBM n’a rien confirmé, même pas si Apple comptait employer des dérivés de ses processeurs G3. L’utilisation de ce type de processeurs devrait marquer un renouvellement de l’intérêt du public pour les solutions de la Pomme : Mac OS X et ses capacités graphiques importantes ont été conçus dès 1997 dans la perspective de la poursuite d’une course aux mégahertz qui ne s’est jamais produite, en raison du retard accumulé par Motorola à partir de 1999. Les clients de la firme semblent attendre qu’elle dévoile ses nouvelles machines pour en acheter !

Trois scénarios pour l’avenir

Mais au-delà ? Le seul renouveau des processeurs ne devrait pas modifier significativement la part de marché de la Pomme. Steve Jobs n’a certainement pas mis de côté les risques inhérents à son activité, et il se dit qu’un groupe de travail secret serait en train d’évaluer les conséquences de plusieurs choix stratégiques. Le premier consisterait en une séparation des activités de l’entreprise. Pourquoi ne pas séparer les activités logicielles et matérielles, voire découper Apple en trois entités : système, applicatifs et matériel ? Cette solution pourrait s’avérer particulièrement risquée : l’activité repose encore principalement sur les ventes de matériel, dont la valeur est donnée par les applicatifs vendus en complément du système. Sans les logiciels maison, Mac OS X n’apporte pas grand-chose à lui seul, ni les beaux ordinateurs de la firme. Et sans Mac OS X, les applications ne fonctionnent pas. Seconde hypothèse : la fusion ! Il s’agirait d’augmenter encore la valeur d’Apple en suivant la voie dressée par Steve Jobs : vendre du contenu. Le site TheDeal.com parle d’ajouter de la vidéo à la musique par agrégation de sociétés comme Pixar et Vivendi Universal Music ! Cette hypothèse devrait s’évanouir si la rumeur de tractations entre Apple et Vivendi-Universal n’est pas confirmée.

Troisième hypothèse pour augmenter la part de marché : le développement tendanciel d’activités tournées vers la plate-forme Windows. Les ventes d’iPod, qui sont réalisées à hauteur de 50 % vers des utilisateurs de PC, pourraient être secondées par la commercialisation de la version Windows d’iTunes et de l’iTunes Music Store. Mais au-delà, c’est Mac OS X qu’il pourrait être intéressant de voir tourner sur les prochains PC. Il est peu probable de voir une version 32 bits du système d’exploitation. En revanche, la version 64 bits du système d’Apple pourrait faire l’effet d’une bombe sur les futurs PC (voir édition du 31 janvier 2003). En effet, il faut étendre le jeu d’instructions de l’architecture X86 pour faire tourner Windows sur 64 bits, ou repartir de zéro ! Si Intel tente de faire changer d’architecture à l’industrie (voir édition du 28 janvier 2002), AMD emprunte la voie du jeu d’instructions étendu avec ses puces Opteron et Athlon 64. Microsoft fait pour l’instant le grand écart entre les deux voies, ne sachant pas quelle stratégie l’emportera. La fenêtre d’intervention d’Apple est donc étroite : elle doit choisir le meilleur effet de levier pour profiter de son avance sur les processeurs 64 bits (voir édition du 26 février 2003). Il y a fort à parier que la stratégie de la firme s’en ressentira dès l’été prochain, après qu’elle aura introduit ses Mac du futur et l’OS qui les accompagne.