Économie collaborative et cotisations sociales : c’est non pour les députés

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Les députés ont enterré un article du projet de loi de financement de la sécurité sociale imposant une affiliation au RSI au-delà d’un certain seuil de revenus issus de l’économie collaborative.

Jean-Louis Roumégas (EELV, Hérault) qui évoque des mesures « complètement déplacées », alors que Sylviane Bulteau (PS, Vendée) y voit l’occasion de « freiner une concurrence totalement déloyale » ; Isabelle Le Callennec (LR, Ille-et-Vilaine) qui considère qu’il est « trop tôt […] pour légiférer et encadrer », quand Christian Eckert (secrétaire d’État chargé du Budget et des Comptes publics) ne peut accepter l’idée de « mettre la tête dans le sable »… L’article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a fait grand débat à l’Assemblée nationale.

Son retrait a finalement été prononcé en séance publique ce mercredi 26 octobre, après l’adoption, à 18 voix pour et 14 contre, des quatre amendements déposés dans ce sens par Martine Lignières-Cassou (PS, Pyrénées-Atlantiques), Dominique Tian (LR, Bouches-du-Rhône), Jean-Louis Roumégas et Francis Vercamer (Nouveau Centre, Nord).

L’examen préalable en commission des affaires sociales avait donné le ton.

Inséré dans la troisième partie du projet de loi, titre 1er, chapitre 1er « Mesures de simplification et modernisation des prélèvements sociaux », l’article avait été adopté sans modification, mais non sans opposition, au regard des dispositions prévoyant une modification du code de la sécurité sociale pour assimiler, au-delà d’un certain seuil de revenus, l’économie collaborative à une activité professionnelle soumise à affiliation au régime des indépendants (RSI).

Le seuil en question était fixé, pour la location d’appartements « à la journée, à la semaine ou au mois » à des personnes « n’y élisant pas domicile », à 23 000 euros de recettes ou de chiffre d’affaires par an pour le foyer fiscal.

Pour les biens meubles (une voiture, un bateau, une perceuse…), il était question de s’en tenir à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale ; c’est-à-dire 3 680 euros.

L’économie collaborative en question(s)

Pour Dominique Tian, ces mesures sont « [privatives] des libertés les plus fondamentales pour des recettes qui correspondent le plus souvent à des compléments de salaire pour […] des personnes aux faibles revenus ».

Même son de cloche chez Jean-Pierre Door (LR, Loiret), qui n’a pas manqué d’ajouter, avec ironie : « Et pourquoi ne pas viser, demain, les personnes qui font des vide-greniers et qui en tirent des revenus financiers, au motif qu’ils en font une activité régulière ? ».

Du côté de Jean-Louis Roumégas, on a invité le gouvernement à « revoir sa copie » en se fondant sur le rapport Terrasse, qui indique « comment impliquer les plates-formes elles-mêmes dans le financement ». Et de rappeler que le gouvernement vient d’accorder, dans le cadre de ce projet de loi, « 12 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales aux entreprises »…

Jacqueline Fraysse (Front de Gauche, Hauts-de-Seine) s’est montrée moins catégorique. Elle a néanmoins demandé que soit retravaillée « la question des seuils d’affiliation ». Karine Berger (PS, Hautes-Alpes) est allée plus loin en mettant en doute la définition même de l’économie collaborative telle que portée par ce projet de loi : « On parle d’économie collaborative lorsqu’il n’y a pas d’échange d’argent. On vise ici une activité, certes modeste, mais qui n’en est pas moins capitaliste ».

S’est aussi posée la question de distinguer les revenus complémentaires et ceux associées à des activités professionnelles. Et de les catégoriser sur le foncier ou en tant que rémunération d’une activité devant relever, au-delà d’un certain seuil, de l’autoentreprise.

Drivy et le RSI

La commission avait rejeté tous les amendements, le rapporteur Gérard Bapt (PS, Haute-Garonne) concluant : « Je le dis à l’opposition : il ne faut pas sans arrêt s’opposer aux réformes ».

Les débats ont repris ce 26 octobre, avec un gouvernement campé sur son postulat : les particuliers qui louent leurs biens en vue d’en tirer un profit (notamment en fournissant des prestations complémentaires comme le ménage et le petit-déjeuner) doivent être considérés comme exerçant dans un cadre professionnel et doivent donc s’affilier au RSI, puis s’acquitter des cotisations afférentes au-delà des seuils susmentionnés. Le fait de passer par une plate-forme numérique n’impliquerait pas un cadre juridique différent ou un nouveau régime d’affiliation.

Faisant référence à l’application Drivy, qui permet de louer sa voiture, Frédéric Lefebvre (LR, député des Français établis hors de France) craint qu’on se retrouve à « faire entrer dans le RSI des gens qui, en réalité, ne gagneront pas d’argent et seront simplement en train de réduire leurs frais ».

Et Lionel Tardy (LR, Haute-Savoie) d’ajouter que l’article « ne tient pas compte du cadre fiscal existant ». Lequel établit plusieurs critères cumulatifs pour qu’une activité soit qualifiée de professionnelle.

Affirmant qu’il ne fallait « pas laisser s’installer des usages parfois hors du droit », Christian Eckert s’était dit prêt à doubler le seuil des 3 680 euros, tout en admettant qu’il faudrait « vraisemblablement […] revenir [sur le texte de loi], dans un processus itératif ».

L’examen du texte doit se poursuivre à l’Assemblée jusqu’au 2 novembre 2016. Le Sénat devrait s’en saisir à la mi-novembre.

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