EDI, un choix peu convaincant

Mobilité

La société Gosselin, PME de 75 personnes spécialisée dans la sous-traitance pour peinture industrielle et grand public, a opté en janvier 1996 pour une station EDI. Selon Sophie Marie, directrice générale de la société, le choix était en réalité plus ou moins imposé par Renault VI, son plus important client. Depuis, l’EDI a permis d’augmenter le volume de commandes avec Renault VI sans pour autant s’étendre à d’autres clients. L’EDI semble souffrir d’un manque de popularité. Le Cigref, dans son dernier rapport sur le XML, estimait à 130 000 le nombre d’entreprises qui utilisent l’EDI, soit 2 % des entreprises françaises. Aujourd’hui, Sophie Marie fait le bilan de quatre années d’échanges de données informatisées.

VNUnet : Pourquoi avez-vous choisi d’installer une station EDI au sein de votre PME ?

Sophie Marie :

En fait, nous n’avions à l’époque pas eu le choix. Renault Véhicules Industriels (VI), notre plus important client, nous l’avait demandé. C’était en quelque sorte un ultimatum. Soit nous décidions d’installer une station EDI et nous pouvions alors augmenter le volume des contrats passés avec Renault, soit nous refusions et nous aurions alors, non pas perdu Renault, mais stagné dans notre développement. Et le marché étant ce qu’il est, nous aurions à terme été très fortement concurrencés.

VNUnet : L’option EDI était-elle facile à prendre ?

Sophie Marie :

En janvier 1996, les offres des fournisseurs de stations EDI étaient insuffisantes en Basse-Normandie. Il a fallu chercher jusqu’en région parisienne. Et là, les offres variaient du simple au double, voire plus. Notre budget était serré et nous pensions investir 40 000 francs. Finalement, le coût final s’est élevé à 70 000 francs. 4 à 6 mois de recherche ont été nécessaires. La mise en place de la solution EDI a été étalée sur 9 mois en accord avec Renault. D’ailleurs, notre solution était finalisée avant même que Renault ait terminé les derniers réglages de sa solution. Toutefois, même si cela représentait un investissement important, nous étions assurés de garder un client important.

VNUnet : A quoi vous sert votre système EDI ?Sophie Marie :

La station nous sert pour la réception des commandes, l’envoi des bons de livraison et pour les factures. L’EDI nous sert pour les clients mais pas pour nos fournisseurs. En fait, pour nous, la « philosophie EDI » était au début difficile à percevoir. Le site de Renault n’est en effet distant de notre société que de quelques kilomètres. Il nous a fallu apprendre à être rigoureux avec l’EDI, car nos camions, qui mettaient 15 minutes pour aller d’un site à l’autre, arrivaient souvent avant la réception par Renault du bon de livraison.

VNUnet : Avec combien de clients procédez-vous par échange de données informatisées ?

Sophie Marie :

En fait, Renault nous avait vanté les mérites de l’EDI, mais 4 ans après nous n’avons qu’un seul client sur cette station. Et nous avons dû en installer une autre pour un deuxième client qui voulait absolument sa propre station EDI. Il ne voulait pas que ses données transitent sur un réseau commun avec celui d’une autre société. Dans le cas présent, c’est le client qui a financé en partie l’installation de l’EDI. Nous avons simplement acheté le logiciel et le système informatique. Cela nous a coûté environ 22 000 francs.

VNUnet : Quels standards utilisez-vous pour vos échanges ?

Sophie Marie :

Au début, nous utilisions la norme Odette, puis nous sommes passés sur Edifact. Mais le choix du standard nous a été, là aussi, imposé par Renault. Concernant le standard pour la deuxième station EDI, nous n’utilisons pas un standard automobile, mais une norme développée par la société et qui est propre à ses besoins.

VNUnet : L’EDI signifie-t-il une meilleure qualité, par exemple lors d’une prise de commande ?

Sophie Marie :

Non. Nous utilisons beaucoup le fax et franchement, nous ne voyons pas de différence. Au début, nous doublions même chaque échange de données informatisées par un fax. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mais même avec Renault, nous utilisons encore le fax, notamment pour la commande de certaines pièces. L’EDI n’est plus utilisé lorsque l’on quitte la casquette de fournisseur pour prendre celle de sous-traitant.

VNUnet : Quel bilan pouvez-vous tirer de votre expérience ?

Sophie Marie :

L’EDI nous a permis d’augmenter considérablement le volume de trafic avec Renault. Je pense que pour eux, le travail s’en trouve simplifié. Pour nous, on peut dire que cela reste une contrainte, et nous n’avons pas gagné de temps grâce à l’EDI. D’autant que Renault n’a pas été jusqu’au bout dans sa logique des échanges de données informatisées. Renault

ne nous a pas permis de prendre un logiciel afin de dématérialiser la facture. C’est à dire que nous avons toujours un support papier pour les factures. Donc il faut les éditer, les classer. L’avantage de l’EDI n’est pas palpable. Aujourd’hui, sur 250 clients dont certains représentent jusqu’à 4 à 5 % de notre chiffre d’affaires, seulement deux ont demandé des échanges informatisés. C’est un peu frustrant de mettre en place une solution performante qui n’est utilisée que pour un seul client.

VNUnet : L’EDI sur Internet, vous y pensez ?

Sophie Marie :

Malgré les démarches de quelques sociétés en ce sens, nous n’avons pas souhaité faire cette démarche. D’ailleurs, l’EDI sur Internet est encore rare. Nos communications, qui transitent via une ligne Transpac dédiée spécialement à l’EDI, restent raisonnables et ne nécessitent pas une migration sur Internet. Internet reste pour l’instant un moyen pour nous faire connaître, même si les retombées commerciales ont été moins importantes que nous l’avions espéré.