Facebook jugé en France ? C’est possible

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La cour d’appel de Paris a entériné la compétence de la justice française pour instruire des actions contre Facebook. Quel impact pour le réseau social ?

La justice française est bien compétente pour instruire une procédure contre Facebook.

Ainsi en a décidé, ce vendredi 12 février, la cour d’appel de Paris, confirmant une ordonnance du tribunal de grande instance de Paris datée du 5 mars 2015.

À l’origine de ce dossier, un instituteur français passionné d’art qui avait publié, le 27 février 2011 sur sa page de profil, un lien vers un reportage sur le tableau L’Origine du monde, peint en 1866 par Gustave Courbet.

Ce n’est pas tant ce lien qui a posé problème, mais l’image associée : une reproduction de l’œuvre, qui représente le ventre et le sexe d’une femme allongée sur un lit, les cuisses écartées.

Facebook avait suspendu le compte en raison de l’interdiction d’afficher des personnes nues sur son réseau social, afin qu’il « demeure un milieu virtuel sûr à visiter, y compris pour les nombreux enfants qui l’utilisent ».

La même mésaventure était arrivée à l’artiste danois Frode Steinicke, qui s’était tiré d’affaire en supprimant le lien et en présentant ses excuses.

Notre professeur des écoles n’avait pas souhaité faire son mea culpa. Percevant une atteinte à la liberté d’expression, il avait enclenché une action en justice sur le fondement de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Les États-Unis sinon rien ?

Lors de l’audience du 22 janvier 2015, l’avocate de Facebook avait contesté la compétence des juridictions françaises pour traiter cette affaire.

En cause, une disposition qui figure au contrat signé par tous les utilisateurs du réseau social à l’ouverture de leur compte : Facebook se réserve le droit de ne rendre de comptes qu’à la justice américaine, et plus précisément à un tribunal de l’État de Californie, où se trouve son siège social.

Cette clause est souvent mise en place par les groupes Internet. On peut l’interpréter comme une technique d’esquive ou une volonté de canaliser les procédures judiciaires. Elle pose en tout cas la question des limites de la dimension territoriale à l’ère du numérique.

Dans son ordonnance du 5 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris avait déclaré cette clause « abusive » et s’était déclaré compétent pour juger Facebook.

Saisie par le réseau social, la cour d’appel de Paris est allée dans le même sens, notamment au nom du code de la consommation, selon lequel est « abusive » toute clause susceptible de « supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice des consommateurs ».

Les magistrats ont également souligné, comme le note Les Échos, « les difficultés pratiques et le coût d’accès aux juridictions californiennes […] de nature à dissuader le consommateur d’exercer toute action ».

Et d’ajouter que Facebook dispose « d’une agence en France et de ressources financières et humaines qui lui permettent d’assurer sans difficulté sa représentation et sa défense devant les juridictions françaises ».

Le fond de l’affaire va donc pouvoir être débattu. Facebook pourrait être contraint à rouvrir le compte du plaignant et à lui verser des dommages-intérêts (20 000 euros demandés), tout en modifiant la clause pointée du doigt. La décision pourrait faire jurisprudence dans la sphère Internet.

Crédit photo : Zerbor – Shutterstock.com

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