Gandi.net contraint d’être le bras armé de la Justice

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Un juge qui ordonne le blocage de l’accès à un site de téléchargement de fichiers MP3. Des huissiers qui frappent à la porte du registrar Gandi pour faire appliquer l’ordonnance. Des responsables qui, habitués à ce genre de procédure, jugent cavalière la démarche de la justice et la décision inutile. Beaucoup de bruit pour rien, mais Gandi craint pour son image.

Depuis le mercredi 12 juin, le site www.miditext.com renvoie sur celui de l’Agence pour la protection des programmes (APP). Une erreur d’aiguillage ? Pas du tout. La nouvelle page qui accueille l’internaute précise que le site a été suspendu par ordonnance du 31 mai d’Alain Girardet, Président de la 3ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, et invite à consulter l’ordonnance. La lecture de celle-ci nous apprend que la société d’enregistrement de noms de domaine Gandi a été contrainte de rediriger le domaine miditext.com vers une page explicative de l’APP. Cela, après passage des huissiers, le 11 juin, qui réclameront adresses IP et informations personnelles du propriétaire du nom de domaine (lesquelles sont d’ailleurs accessibles en ligne sur le site de Gandi) et mise en liaison vers la banque à partir du numéro de carte bancaire utilisé.

« On a résorbé l’affaire comme d’habitude », raconte Valentin Lacambre. Autrement dit, Gandi a, comme les fois précédentes, entièrement coopéré avec la justice. « Jusqu’à présent, nous avions surtout eu à faire à des cas de cybersquatting », précise le co-créateur de Gandi qui répondait alors au problème en ré-attribuant ou en supprimant le nom de domaine. Cette fois, il s’agit d’empêcher l’accès à un site qui offre le téléchargement d’environ 15 000 fichiers musicaux (MP3 et WMA) et dont l’illégalité du contenu reste à juger sur le fond. La justice n’ayant pas réussi à joindre l’auteur du site (domicilié en Russie) ni l’hébergeur installé aux Etats-Unis, elle s’est adressée au Registrar. « Le plus étonnant dans cette affaire c’est la démarche inhabituelle », s’étonne Valentin Lacambre, « le fait d’envoyer les huissier pourrait laisser à penser que nous sommes rétifs à coopérer, ce qui n’est pas le cas. C’est comme s’ils avaient forcé une porte pour nous obliger à faire quelque chose qu’on effectue de toute façon de bonne volonté. On reçoit une demande d’un juge, on l’applique. Point. »

Des méthodes obsolètes

Pas plus que les autres responsables de Gandi, Valentin Lacambre ne se sent coupable. En revanche, pour lui, de telles décisions sont obsolètes. « Tant qu’on s’attachera à attaquer les intermédiaires et pas l’auteur du site, voire l’hébergeur, on ne règlera pas le problème. Enlever le nom de domaine ne résout rien », explique l’administrateur de Altern.org qui, à ce titre, a déjà eu affaire avec la justice (voir édition du 19 mai 1999). Et de rappeler que le site Miditext.com est toujours accessible via l’adresse IP et qu’il suffit à l’auteur de re-déposer un nouveau nom de domaine pour transférer son contenu et poursuivre ses activités. Ce qui ne prend que quelques heures…

Sans amertume, Valentin Lacambre regrette la montée en charge médiatique que génère cette affaire à ses yeux des plus banales mais à la méthode « cavalière et inutile »… et la perte de temps passée à répondre aux questions. Il regrette également le caractère préjudiciable pour l’image de sa société indirectement liée. « Gandi héberge 350 000 noms de domaine et, à ce titre, nous nous considérons comme la principale autorité de nommage en France », précise le responsable. « Pour le moment, nous préférons régler cela de façon tranquille mais nous ne supporterons pas que cela se reproduise. »