Gerstner et IBM : un bilan en demi-teinte

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Après l’annonce par Louis Gerstner de sa démission du poste de président d’IBM, l’heure est venue de dresser le bilan des années durant lesquelles il a dirigé Big Blue. A y regarder de plus près, les résultats de « l’homme qui a sauvé IBM » ne sont peut-être pas si glorieux que ça.

Comment l’histoire jugera-t-elle le PDG sortant d’IBM, Lou Gerstner ? Une analyse des années passées par Gerstner chez IBM révèle que la croissance de la société sur la période fut la plus faible de son histoire. Le taux de croissance annuel de 3,2 % atteint fut encore plus faible que celui de son décrié prédécesseur John Akers, qui parvint péniblement à maintenir un taux de croissance de 4,5 % durant l’exercice de ses fonctions. Il faut aussi se rappeler que Akers était en poste durant la récession du début des années 90, alors que Gerstner se trouvait à la barre pendant les années du boom du PC et d’Internet. Et avant cela, les deux PDG ayant précédé Akers, John Opel et Frank Cary, ont dirigé une entreprise qui affichait une croissance à deux chiffres.

C’est pendant le règne de Gerstner – qui vient d’annoncer qu’il démissionnera de ses fonctions de chief executive le 1er mars et de président à la fin de l’année (voir édition du 30 janvier 2002) – qu’ont été décidés la majorité des licenciements qui ont fait diminuer le nombre des salariés d’IBM de 190 000 au milieu des années 90. Ces licenciements ont permis à Big Blue de renouer avec les profits mais furent insuffisants pour doper la croissance de la société durant la période économique la plus favorable à l’industrie. Ce mois-ci, IBM a annoncé que le total de ses revenus atteignait 85,9 milliards de dollars en 2001, soit une baisse de 3 % par rapport à 2000. Malgré les faibles ventes réalisées par la société, le fait que Gerstner ait été capable de ramener IBM aux profits lui a permis d’acquérir la réputation de l’homme qui a sauvé IBM, faisant de lui une icône dans les cercles financiers américains.

Les grands bénéficiaires : actionnaires et courtiers

Les années Gerstner furent une mine d’or pour deux types de gens : les actionnaires – dont font bien entendu partie une fraction des employés et ex-employés d’IBM – et les courtiers de Wall Street. Durant les neuf années du règne de Lou Gerstner, la valeur des actions a augmenté d’environ 770 % et les investisseurs n’ont pas assisté à leur dégringolade comme ce fut le cas récemment pour les détenteurs de nombre de valeurs high-tech. Le cours d’IBM a clôturé jeudi 31 janvier à 107,89 dollars, en baisse de 10 % par rapport à sa plus haute valeur de l’année, 126,39 dollars. Pendant ces 9 ans, Big Blue a dépensé 44 milliards pour racheter ses propres actions. La société a indiqué que le but était de démontrer sa foi à long terme dans son secteur d’activité. Cet argent a échu entre les mains des courtiers de Wall Street et des banques qui ont apporté leur soutien à la société malgré ses faibles performances en termes de croissance.

L’un des observateurs d’IBM et critique à l’encontre de Gerstner, Bob Djurdjevic, président d’Annex Research, estime que ces milliards auraient dû être investis dans de nouveaux secteurs afin de générer de la croissance. Pour lui, les rachats représentent à peine plus qu’une manière de graisser la patte de Wall Street, afin de maintenir un taux d’achat sur les actions de la société. « Les analystes des banques d’investissement continuent de chanter les louanges d’IBM, bien que les faits soient lamentables », a indiqué Djurdjevic. D’autres analystes estiment au contraire que le résultat des années Gerstner est positif. Brian Jeffries, de l’International Technology Group, a ainsi déclaré : « Bien plus que de faire virer de bord l’entreprise, il l’a aiguillée dans une nouvelle direction. L’une de ses principales réussites est d’avoir compris qu’IBM allie différentes activités, et d’avoir mis davantage l’accent sur les services et les logiciels. »