Greenwich Consulting : Samsung Gear, Apple iWatch…Le marché balbutiant de la montre connectée

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Comment s’articule le marché naissant des montres intelligentes ? Quels ressorts et quelles perspectives pour la smartwatch ? Interview d’Axel Duplan, Manager de Greenwich Consulting.

Samsung a fait sensation avec la présentation de sa montre connectée Gear survenue cette semaine.

Mais il reste encore du chemin à parcourir avant de parler d’un véritable relais de croissance pour le groupe high-tech coréen.

La concurrence s’organise : Apple et son iWatch sont attendus au tournant en 2014.

Tandis que des compatriotes comme Google, Microsoft voire Dell regardent le potentiel…

Sans compter sur les challengers…Dans le cadre du salon high-tech IFA de Berlin, Qualcomm a créé la surprise en dévoilant son propre modèle de smartwatch baptisé Toq.

Le time to market a-t-il vraiment sonné pour la montre intelligente ? L’analyse d’Axel Duplan, Manager chez Greenwich Consulting à Paris.

(Entretien téléphonique réalisé le 5 septembre 2013)

ITespresso.fr : La montre connectée, véritable appareil numérique ou simple gadget high-tech ?

Axel Duplan : En l’état actuel, on peut considérer qu’il s’agit d’un gadget. Il faut replacer le contexte : l’apparition des smartwatches entre dans une tendance plus globale des objets connectés.

Actuellement, je dirais que nous sommes dans la phase de « test and learn » : on se lance et on regarde ce qui se passe.Avec les premières expériences comme la Samsung Gear ou celles de Sony, nous n’en sommes qu’aux balbutiements.

Pour Samsung, le lancement de la Gear était une question de tactique : il fallait marquer les esprits avant son concurrent Apple.

La montre connectée représente un nouvel écran dans la lignée de la tablette ou du smartphone. Même si elle va se connecter au smartphone, la technologie doit encore gagner en maturité. C’est un pré-requis pour emballer le marché.

Il est tout aussi nécessaire de revoir l’expérience pour revenir à la montre telle qu’elle est aujourd’hui dans l’esprit des consommateurs. Ainsi, il sera difficile d’admettre qu’il faudra recharger sa montre chaque jour. Il y a donc un travail à faire sur l’autonomie.

L’adaptation des applications au format écran des montres connectées constitue aussi un vrai enjeu. Il faudra vraiment réfléchir à l’intelligence à remonter dessus.

On peut faire une analogie avec les fabricants de téléviseurs connectés, qui tentent d’adapter les applications des smartphones sur leur écran. Mais cela ne marche pas vraiment.

Je pense qu’il faut revenir au basique de la montre : facilité d’accès, esthétisme et personnalisation (proposition adaptée au consommateur). Mais aussi aux fondamentaux du marché de la montre (mécanique, électronique), qui reste en croissance dans le monde.

On remarque que la montre électronique a fait un flashback sur des cibles « hype et trendy ». C’est « tendance » de porter des montres électroniques japonaises qui rappellent les années 80.

Les marques de luxe comme Swatch perçoivent un marché lucratif avec une marge brute de 50% sur ce type de produits. C’est aussi le cas d’Apple qui y verrait un relais de croissance.

ITespresso.fr : Jadis, des acteurs comme Casio ou Microsoft ont tenté d’exploiter ce filon de la montre intelligente. Assiste-t-on vraiment à une renaissance du marché ?

Axel Duplan : C’est une période que l’on peut qualifier de ventre mou. Tout le monde se regarde : Google, Apple, Samsung…Comment trouver le bon angle d’attaque ?

Il ne faut pas oublier que le smartphone a fait mal à la montre. Lorsqu’on demande à un consommateur américain comment il consulte l’heure, il regarde à 80% son smartphone et à 20% sa montre.

Aux Etats-Unis, 55% de la population est équipée de montres. On voit bien qu’à côté, le smartphone est devenu l’outil couteau suisse qui fournit la météo mais aussi l’heure. Comment ré-habituer les consommateurs à porter des montres ?

Il existe des segments de niche. Toujours aux Etats-Unis, on observe le carton des montres Nike pour faire du jogging (mesures des performances de course). En 2012, on parle d’une communauté de plus de 10 millions de joggeurs équipés de montres de sports Nike+ SportWatch GPS embarquant des capteurs et de 18 millions de membres si vous ajoutez les différentes applications sportives pour les smartphone proposées par l’équipementier sportif (source : TNW).

ITespresso.fr : On attend donc beaucoup d’Apple pour déclencher une rupture technologique avec l’iWatch…

Axel Duplan : La sortie de l’iWatch d’Apple est prévue en 2014. Une centaine de designers travaillent dessus et il y a des brevets en jeu.

Par tradition, Apple a cette approche très froide de la technologie. Tant qu’elle n’est pas mûre, que l’écosystème n’est pas au rendez-vous et qu’il manque une impulsion en termes de consommation, la marque préfère prendre un certain recul.

On le voit avec le NFC. Cela fait deux ans que l’on en parle de la technologie sans contact avec Apple. Mais rien n’est vraiment sorti.

ITespresso.fr : Comment expliquez-vous les différences de perspectives du marché de la smartwatch en fonction des cabinets d’études ?

Axel Duplan : Entre les études ABI, Canalys, Juniper ou Crédit Suisse, il est vrai que l’on varie d’un facteur de 1 à 10 dès qu’il s’agit d’évaluer le business. C’est difficile de faire des prévisions sur un marché encore très émergents.

Segment de niche ou marché de masse ? Aujourd’hui, on aurait tendance à dire qu’il s’agirait plutôt d’un marché haut de gamme avec une fourchette de prix d’une montre connectée à 300 – 400 dollars.

Après rien n’empêche des fabricants de sortir des modèles spécifiques pour des niches de marché comme Nike l’a fait avec les joggers. Le mouvement s’accompagnera d’une réduction des prix à 150 – 200 dollars.

On a observé la même élasticité des prix sur le marché des tablettes en fonction des fabricants et des modèles.

Il ne faudra pas négliger l’effet « bundle » (smartphone + montre connectée). A l’horizon 2015, on considère de façon consensuelle qu’entre 20 et 30% des détenteurs de smartphones adopteront une montre connectée compatible.

ITespresso.fr : Pourquoi les fabricants traditionnels de montres haut de gamme ne creusent pas davantage le filon smartwatch par leurs propres moyens ?

Axel Duplan : C’est avant tout une question de technologies et de segments de marché. Les fabricants suisses de montres de luxe comme Swatch n’ont pas l’habitude de vendre à des prix bas. Il faudrait internaliser de nouvelles business units et faire preuve de réactivité pour innover. Ce qu’un Samsung ou un Apple maîtrisent parfaitement.

Néanmoins, on peut s’attendre à des passerelles entre ces géants des technologies et ces acteurs ancrés sur le marché de la montre. A l’instar de ce que l’on voit déjà dans le monde automobile, avec des alliances entre constructeurs et éditeurs technologiques.

Samsung Galaxy Gear

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Samsung Galaxy Gear : présentation IFA
C'est l'une des nouveautés technologiques les plus attendues lors de l'IFA 2013.

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