L’innovation digitale dans les industries : un point d’étape avec Alstom, IBM et GrDF

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Session »INSIGHTS by ALTEN » : Quels projets pour concrétiser la stratégie numérique de grands acteurs de l’industrie et des services ?

Dans quelle mesure l’informatique peut-elle optimiser une infrastructure existante ? Sous quels aspects le décloisonnement et le croisement des sources de données améliore-t-il la relation client ? Comment protéger un système d’information tout en assurant un minimum de fonctionnement en mode repli ?

Voilà quelques-unes des questions typiques que se posent les entreprises dans le cadre de leur transformation numérique.

L’IDATE y perçoit un enjeu crucial pour les acteurs de l’industrie, à l’heure où des concurrents émergent et tirent parti des technologies pour bousculer le marché en créant de nouveaux services et modèles économiques.

Le cabinet d’études TMT (télécoms – médias – technologies) évoque même une « troisième révolution » après celles des logiciels de productivité (qui se sont progressivement étendus du corporate au reste de l’activité) et d’internet.

Pour Vincent Bonneau, Directeur de l’unité Innovation au sein de l’IDATE, cette révolution a la particularité d’impacter distinctement tous les verticaux, sur trois axes majeurs.

D’abord au niveau de l’infrastructure, « généralement encore très peu numérique » dans l’état actuel, avec du lien physique, des bâtiments et une chaîne logistique ; dans un deuxième temps, sur le développement de produits et de services, le plus souvent immatériels ; enfin, sur la relation client « candidat beaucoup plus naturel à la digitalisation [sic] ».

Faisant référence aux propos de John Chambers (le CEO de Cisco estime qu’à l’horizon 2025, seul un tiers des leaders du marché auront maintenu leur position face aux « digital natives »), Vincent Bonneau insiste sur la nécessité, en premier lieu pour les grands groupes, d’exploiter les leviers numériques dans une logique de valorisation d’actifs disponibles, mais pour l’heure inexploités.

Une vision partagée par Jean-François Guyomar. Le directeur exécutif du pôle SI/réseaux télécoms d’ALTEN souligne également l’importance des investissements sur la formation : 1,5 million de dollars y sont consacrés chaque année, dont 75 % pour des consultants.

La spécialisation sur des savoir-faire identifiés se fait aussi par des opérations de croissance externe (ID Apps pour la mobilité, Lincoln pour la business intelligence avec un virage en cours sur le big data), par la création de sociétés spécialisées en interne et par le développement de coentreprises.

La combinaison de ces différentes briques permet à ALTEN d’articuler son portefeuille d’offres généralistes autour de plusieurs métiers : la gestion de projet (auprès d’AXA et du Crédit Agricole), le développement logiciel (.Net, J2E, PHP, mainframe surtout dans la banque, la finance et l’assurance), le support des applications (Société Générale, Bouygues Telecom) et l’infrastructure. L’activité SI/télécoms représente aujourd’hui 20 à 25 % du chiffre d’affaires du groupe (1,4 milliard d’euros au global).

Le potentiel de la data

Sur le volet de la relation client, Vincent Bonneau cite Axelle Lemaire. La secrétaire d’Etat au Numérique a déclaré : « Nous n’avons pas gagné la bataille des services. Il ne faut pas rater l’enjeu des données. »

L’IDATE est formel à cet égard : la data revêt une importance stratégique dans la transformation numérique. Y compris sur le BtoB.

L’un des principaux défis consiste à s’adapter à un environnement fragmenté, fait de multiples plates-formes propriétaires, entre réseaux sociaux, mobiles et moteurs de recherche dont certains sont spécialisés.

Et si les ventes sont encore générées essentiellement en dehors de l’Internet, le canal numérique s’impose peu à peu dans la gestion en mode omnicanal du parcours client. Lequel a tendance à devenir plus exigeant et à s’orienter vers des offres en self-service.

Autre bloc impacté au-delà de la relation client : les produits et services, qui changent de nature avec l’arrivée des dispositifs connectés. Ces derniers ont vocation à s’intégrer peu à peu dans des systèmes globaux de type ville intelligente.

La valeur primaire de l’objet ne sera alors plus… l’objet, mais ses fonctionnalités additionnelles (Vincent Bonneau donne l’exemple d’une smartwatch dont l’usage premier n’est plus de regarder l’heure, selon une enquête menée aux Etats-Unis).

Ce basculement implique une transition vers un modèle économique basé sur des services. Le secteur de l’automobile s’y est déjà mis avec des prestations d’assurance, de maintenance ou encore de prêt.

Plus que de révolutionner les produits et services, c’est l’occasion d’en créer de nouveaux. Illustration avec les opérateurs télécoms qui commercialisent des données de localisation agrégées permettant par exemple de déterminer la fréquentation dans un stade ou devant des panneaux publicitaires.

Troisième bloc impacté : l’infrastructure, dans laquelle s’inscrivent l’Internet des objets et le M2M (Machine-to-Machine). L’ajout d’une simple puce RFID permet dans l’absolu de créer, avec des objets du quotidien, des données ensuite enrichies grâce à la puissance du cloud.

L’émergence de modèles d’économie collaborative (C2C, avec Wikipedia, Uber, Airbnb…) contribue un peu plus à bouleverser les chaînes de valeur de systèmes encore très peu « digitalisés » comme les taxis.

Un nouveau paradigme

Qu’en est-il concrètement chez les grands acteurs de l’industrie ? Du côté de GrDF (Gaz réseau Distribution France), on travaille sur le projet Gazpar, qui vise à déployer, d’ici à 2021, onze millions de compteurs communicants sur le territoire français.

Ce qui induira la mise en service d’un vecteur de télécommunication associé. En l’occurrence, 15 000 concentrateurs et un système d’information dédié.

Outre une facturation réelle susceptible de mieux satisfaire les attentes du client, les impacts en BtoB pourraient se traduire par la création de services valorisants (alertes SMS pour les dépassements de consommation, comparaison des performances de plusieurs foyers) et d’outils permettant de suivre l’efficacité des opérations de renouvellement des équipements menées sur le terrain.

Chef de mission Smart Grid à la direction stratégique de GrDF, Roch Drosowski précise que le chantier est à la hauteur de la couverture actuelle du groupe. Lequel dessert, avec ses 200 000 kilomètres d’infrastructures d’acheminement de gaz, 25 % des communes françaises et 77 % de la population, pour un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros (en situation de monopole régulé).

Du côté d’IBM, on applique l’analyse de données à la lecture prospective. En d’autres termes, comment prévoir des événements en détectant des signaux au sein du « bruit numérique », issu pour partie des réseaux sociaux.

D’après François Mollard, qui dirige les activités d’IBM France sur le secteur de l’industrie, « le comportement des individus a profondément changé avec blogosphère, la twittosphère« . Il ajoute : « On recense désormais 15 milliards d’interactions sociales par jour, [dont] 500 millions de tweets« .

Et de mentionner les cassages du printemps dernier au Trocadéro après le titre de champion de France de football du Paris Saint-Germain : a posteriori, on s’est aperçu que l’événement était prévisible au regard de différents indicateurs apparus sur les réseaux sociaux.

La position du consommateur

Alstom (transports, production d’énergie) s’intéresse plutôt à la connectivité du SI industriel vers de nouveaux objets dans le cadre de la transition énergétique.

Le groupe coté en Bourse travaille notamment avec ErDF (Électricité réseau Distribution de France) sur les synergies entre Internet des objets et data centers dans les villes intelligentes.

Sa branche Alstom Grid, dont la stratégie d’innovation est supervisée par Laurent Schmitt, a engagé une réflexion sur le rôle de l’opérateur de réseau énergétique de demain… et sur la position du consommateur, appelé à devenir un acteur à part entière du marché grâce aux produits et services connectés.

On retrouve cette approche chez ALTEN. Selon le cabinet d’ingénierie et conseil en technologies, la transformation numérique a débuté de longue date, mais elle « s’accélère désormais véritablement » avec l’arrivée de nouveaux acteurs.

« La proximité et la réactivité deviennent cruciales« , à en croire Vincent Bonneau. Il faut dire que les points de contact avec l’utilisateur final se multiplient : domotique, géolocalisation, voiture connectée…

Pour IBM, c’est sur ce dernier point que l’évolution est la plus tangible : on ne connecte déjà plus seulement le conducteur et son smartphone avec le monde extérieur. « On perçoit dorénavant les interactions entre la technologie, les usages et le modèle économique [et] comment ils s’influencent les uns après les autres« , confie François Mollard.

Il poursuit : « Une voiture produit en moyenne 25 Go de données internes par heure de circulation« . Suffisamment pour alimenter les statistiques de maintenance des constructeurs (qui peuvent également adapter les spécifications de leurs véhicules pour coller à l’utilisation réelle), mais aussi fournir des informations stratégiques aux assureurs et aux gestionnaires de flottes.

« On peut même penser à communiquer des données à McDonald’s, qui pourrait proposer des réductions aux automobilistes qui passent à proximité d’une enseigne à l’heure du déjeuner et qui ne se sont pas arrêtés depuis plusieurs heures« , estime le représentant d’IBM.

Confiance numérique

Au coeur du dispositif de collecte et d’interconnexion des données, on retrouve les data scientists, qui « doivent maîtriser la puissance des infrastructures [pour] produire de la connaissance véritablement profitable« , comme l’explique Laurent Schmitt.

En marge ce cette profusion de données, se développent des méthodes, algorithmes et techniques mathématiques regroupés sous l’appellation « machine learning ». Il faut donc, toujours selon Laurent Schmitt, « une démarche structurée, une gouvernance des projets de data science en mode R&D« .

Et plutôt que de définir une méthode universelle, il faut considérer des zones sur lesquelles plusieurs algorithmes seront mis en concurrence pour déterminer lequel répondra le mieux aux particularités locales des données.

Ce traitement massif de données soulève la question de la confiance numérique. Comment sécuriser le partage d’informations confidentielles, voire critiques ? Pour GrDF, il faut d’abord assurer la sécurité de l’exploitation en diagnostiquant le réseau grâce aux points de contrôle communicants.

Anticiper ainsi les dysfonctionnements grâce à des technologies de maintenance prédictive implique de mettre en place des routines de vérification de la qualité et de la conformité des données. Puis de croiser les alertes, comme dans le cadre de ce projet de recherche lancé en 2014 et qui a pour objectif d’automatiser le pilotage de mailles locales.

Alstom fait face à une problématique comparable avec, chez les opérateurs, des infrastructures vitales portées par des systèmes industriels susceptibles de faire l’objet d’attaques, à l’image de celle déclenchée via le ver Stuxnet contre plusieurs centrales iraniennes d’enrichissement d’uranium.

« La question n’est plus de savoir s’il y aura des attaques, mais comment protéger le SI et assurer un minimum de fonctionnement en mode repli« , affirme Laurent Schmitt.

Pour IBM, il est nécessaire d’insuffler une culture de sécurité jusqu’au premier niveau, en l’occurrence celui des employés. La DSI doit par ailleurs élargir sa vision du réseau d’entreprise au BYOD (utilisation, par les collaborateurs, de terminaux personnels à des fins professionnelles)… tout en préparant le boom de l’Internet des objets, avec les wearables en première ligne.

D’après ALTEN, la consolidation des politiques de sécurité ne pourra se faire que sur le long terme, notamment en palliant le manque de visibilité à travers audits et tests d’intrusion. Mais aussi par la capacité à isoler la chaîne métier et ainsi apporter des compétences de fond sur chaque étape du processus de renforcement.

Open innovation

Chez GrDF, on s’investit dans les pôles de compétitivité pour se rapprocher des start-up et PME innovantes dans la filière des technologies gazières.

Certaines initiatives comme celle du Grenoblois APIX (nanorésonateurs pour contrôler la qualité du gaz avant son injection dans la boucle locale) sont accompagnées par un département spécifique au-delà de la direction Innovation.

Alstom se montre également actif pour construire des écosystèmes incluant les start-up, dans le cadre du Grand Emprunt et des Investissements d’Avenir, qui ont donné lieu au plan de la Nouvelle France Industrielle.

Pour faire remonter et développer des stratégies de partenariat essentiellement dans le big data et le logiciel, le groupe scrute également les pôles de compétitivité, par exemple autour du plateau de Saclay (Essonne).

IBM mentionne pour sa part un accord avec Twitter, qui lui a racheté environ 900 brevets tout en ouvrant l’accès à se base de tweets. Lesquels peuvent notamment être exploités par les développeurs à travers la plate-forme BlueMix.

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