Intel et VIA se déclarent la guerre

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Intel a déposé plainte contre le taiwanais VIA Technologies pour violation de brevet à propos du chipset P4X266 qui offre la gestion de la DDR-SDRam aux cartes mères équipées de Pentium 4. En réponse, VIA a à son tour porté plainte contre le fondeur de Santa Clara pour violation de brevet, entrave à la liberté de commerce et dégradation de matériel. Ce qui n’empêche pas Intel de lancer son chipset i845…

Rien ne va plus entre Intel et VIA Technologies. A l’heure où Intel annonce la disponibilité de son chipset i845 qui offre ? enfin ? la gestion de la SDRam PC133 (mais pas la DDR PC266) au Pentium 4, le fondeur de Santa Clara a mis ses menaces à exécutions (voir édition du 14 août 2001) en portant plainte, auprès du tribunal du Delaware, contre VIA pour violation de cinq de ses brevets. VIA avait effectivement commencé à commercialiser deux chipsets, les P4X266 et P4M266, capables de gérer la DDR-SDRam pour le processeur d’Intel jusque-là cantonné à la coûteuse mémoire Rambus. Le fondeur justifie sa plainte en arguant de l’absence présumée de licence par VIA pour exploiter le P4. De son côté, l’architecte taiwanais de circuits logiques s’appuie sur les licences détenues par sa filiale graphique S3 pour justifier son « forcing ». Le P4X266 est d’ailleurs estampillé « VIA/S3 ». Mais Intel a jusqu’à présent toujours refusé de reconnaître la validité de ce « transfert » de licence entre la filiale et la maison mère.

Conséquence de cette attitude offensive, VIA porte à son tour plainte contre Intel auprès de la justice américaine et taiwanaise « pour non respect de brevets VIA par les processeurs et les jeux de circuits Intel » rapporte le communiqué de VIA. « Les processeurs Intel et le chipset 845 compatible avec le processeur Pentium 4 enfreignent les brevets de VIA », explique Richard Brown, directeur du marketing. VIA surenchérit en accusant Intel de « violations de la loi commerciale sur le libre-échange de la République de Chine et pour destruction volontaire de la propriété de VIA par le personnel d’Intel ». Ce dernier volet faisant référence aux attitudes des représentants d’Intel qui auraient saccagé du matériel promotionnel de VIA lors du dernier Computex de Taipei en juin 2001. La guerre commerciale ne connaît pas les frontières du ridicule.

Des cartes mères basées sur le chipset de VIA bientôt commercialisées

Bref, d’un côté Intel exige des dommages et l’arrêt de la production de cartes équipées de chipset VIA pour le P4. VIA, de son côté, met tout en oeuvre pour poursuivre la commercialisation d’un produit qui se veut meilleur et moins cher (le P4X266 est vendu 34 dollars contre 42 pour l’i845) que celui d’Intel. Et même si la menace de « représailles » commerciales de la part du géant des micro-processeurs plane sur les constructeurs de cartes mères, les distributeurs n’hésitent pas à jouer le jeu de VIA. Ainsi l’importateur toulousain Bacata s’apprête à revendre, sous marque blanche, plus de 500 cartes mères d’un « grand constructeur » (qui préfère conserver l’anonymat) équipée du P4X266. On peut cependant s’interroger sur l’origine de ce conflit. En effet, SIS et ALi, deux autres fabricants de chipsets sont sur le point de lancer leur propres produits (respectivement le 645 et l’Aladdin-P4 qui supportent aussi la DDR 333) et détiennent, à ce titre, les licences exigées par Intel. Pourquoi pas VIA ? Les royalties d’Intel seraient-elles jugées excessives, voire anti-concurrentielles, par VIA ? Aucune des deux parties ne souhaite commenter ce point.

Dans cette affaire judiciaire qui risque de durer plusieurs mois si aucun accord à l’amiable n’est trouvé entre les deux parties, Intel pourrait y perdre au change. D’abord parce que le phénomène médiatique élude la sortie du i845. Ensuite, parce que sous couvert de vouloir protéger ses droits, justifiés ou non, Intel donne l’impression de vouloir gagner du temps afin de réserver une fenêtre commerciale à son circuit « P4 SDRam ». Attitude que constructeurs comme consommateurs pourraient rejeter pour se tourner vers la concurrence.