Interview Benoît Bazzocchi – SmartAngels : un registre blockchain pour les sociétés non cotées

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Le fondateur de SmartAngels (crowdfunding), qui s’est associée à BNP Paribas Securities Services pour exploiter la technologie blockchain, explique le mécanisme retenu.

C’est une première en Europe : BNP Paribas Securities Services et SmartAngels s’associent autour de la blockchain.

Objectif : permettre aux entreprises non cotées d’émettre des titres sur le marché primaire et aux investisseurs d’avoir accès au marché secondaire en s’appuyant sur cette technologie de « registre décentralisé » (que l’on associe souvent au bitcoin).

En attendant le lancement du projet pilote prévu dans le courant du deuxième semestre 2016, Benoît Bazzocchi, fondateur de SmartAngels, précise le dispositif.

(Interview téléphonique réalisée le 04/04/16)

ITespresso.fr : Prenons un cas concret : une entreprise a recours à SmartAngels pour son financement. Où la blockchain va-t-elle intervenir ?

Benoît Bazzocchi : Quand une entreprise vient lever des fonds sur SmartAngels, elle réalise une augmentation de capital. Elle crée des titres achetés par des investisseurs. En l’état actuel, pour les sociétés non cotées, il n’existe pas de tiers de confiance qui tient un registre des titres acquis par des investisseurs. C’est l’émetteur lui-même qui doit inscrire ses titres sur un registre.

Il n’y a pas de format standardisé définis par une règlementation. Très concrètement, on peut tenir ce registre sur Excell, sur un registre validé par le greffe d’un tribunal et il n’y a pas de règle de comptabilisation particulière. Les entreprises les plus sérieuses gèrent ce volet à travers leurs cabinets d’avocats. Mais ce n’est pas obligatoire.

Du côté de SmartAngels, en tant que plateforme d’investissement, nous avons dématérialisé un ensemble de procédures comme les bulletins de souscription ou un espace pour gérer la relation actionnariale. Mais cette partie juridique et administrative de la matérialisation concrète de la détention du titre reste offline et non organisé.

L’enjeu avec la blockchain pour un émetteur, c’est d’instaurer un registre qui permettra d’inscrire ces titres-là (actions, obligations) et les noms de ces détenteurs dans un objectif de sécurisation (propriété du titre infalsifiable) et de simplification.

ITespresso.fr : Comment insérez-vous la blockchain dans le circuit d’émission de titres ?

Benoît Bazzocchi : Dans le cadre de notre partenariat, BNP Paribas Securities Services va gérer ce registre. Cette filiale de BNP Paribas a une maîtrise parfaite de ce sujet-là pour les entreprises cotées. L’objectif est de la décliner pour les entreprises non cotées avec des process réglementaires qui sont très allégés.

Nous allons co-développer un registre Blockchain qui sera implémenté sur notre propre plateforme SmartAngels. Cette filiale de BNP Paribas jouera ensuite le rôle de tiers de confiance. On pourra ensuite ouvrir ce registre Blockchain à des sociétés qui n’ont pas forcément levé des fonds via SmartAngels.

ITespresso.fr : Comment cette initiative Blockchain va stimuler un marché secondaire des titres des sociétés non cotées qui n’existe pas en l’état actuel?

Benoît Bazzocchi : Une fois que nous disposons de l’ensemble de la matérialisation des détentions des titres d’une société non cotée, nous sommes en mesure d’organiser un marché secondaire (vente de titres à d’autres investisseurs). C’est compliqué en l’état actuel : il faut établir un contrat de cession, que l’acheteur verse les fonds, que le vendeur soit signifié que les fonds ont bel et bien été versés chez un tiers, il faut signer un ordre de mouvement et le faire passer au teneur de registre (comme le cabinet d’avocats)…

Tout cela est extrêmement complexe. L’idée, c’est de digitaliser dans un processus entièrement automatisé et sécurisé, au-delà de la question de la signature électronique.

ITespresso.fr : Comment va se passer le transfert des titres sur le marché secondaire ?

Benoît Bazzocchi : On pourrait imaginer que ce transfert soit entièrement automatisé. De la même manière que l’on passe un ordre en Bourse. Dans un premier temps, on va se concentrer sur la création du registre Blockchain avant d’animer un marché secondaire.

Dans un deuxième temps, on va fluidifier l’échange numérique d’information de nature juridique que l’on trouve dans le cadre d’assemblée générale des actionnaires ou des pactes d’actionnariats.

Ensuite, nous pourrons aboutir à un marché secondaire en intégrant une dimension transactionnelle.

ITespresso.fr : Comment allez-vous démarrer l’exploitation ?

Benoît Bazzocchi : Nous allons entamer une phase pilote avec quelques entreprises. En fonction des retombées, la blockchain deviendra progressivement un standard sur SmartAngels. Une entreprise qui vient lever des fonds via SmartAngels viendra inscrire ses titres sur le registre Blockchain.

En termes de régulation, les autorités de tutelle ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et AMF (Autorité des marchés financiers) regardent ces sujets-là. Nous n’avons pas aujourd’hui de contraintes règlementaires particulières sur la tenue des registres. C’est un terrain vierge en termes de règlementation.

L’important pour le moment, c’est de prouver que la technologie fonctionne pour monter des standards en vue d’une régulation qui sera nécessaire et souhaitable in fine. BNP Paribas Securities Services et SmartAngels sont prêts à apporter leur contribution dans ce sens.

ITespresso.fr : L’utilisation de la blockchain sur les marchés cotés, ce sera la prochaine étape ?

Benoît Bazzocchi : L’un des mouvements concerne l’évolution du secteur du financement des entreprises non cotées vers des formes similaires à ce que l’on voit du point de vue des marchés financiers pour les entreprises cotées.

Le crowdfunding, ce n’est que cela, c’est la digitalisation des mécanismes de financement. Et cela pousse au rapprochement des standards entre entreprises cotées et non cotées.

ITespresso.fr : Avez-vous un modèle d’utilisation de la blockchain dans le monde ?

Benoît Bazzocchi : L’un des cas les plus intéressants à scruter, c’est le Nasdaq qui a adopté la blockchain pour son activité de private market. Une plateforme dédiée  de création et d’échanges de titres a été créée dans ce sens : LINQ. Mais nous sommes les premiers en Europe.

ITespresso.fr : Exploiter la blockchain dans ce sens amènera-t-il plus de transparence du côté des investisseurs ? Saura-t-on systématiquement qui se cache derrière les propriétés de titres d’entreprises non cotées ?

Benoît Bazzocchi : Avec BNP Paribas Securities Services, nous allons travailler dans le cadre d’une blockchain privée. Ce qui permettra d’établir un bon niveau de transparence.

Nous ne sommes pas obligés de tout diffuser en termes d’information. L’état de l’actionnariat sera mis à jour. On pourra imaginer un certain degré de transparence entre co-investisseurs. Sans forcément tout rendre public.

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