Interview Club Med : le digital dans le cœur de la stratégie groupe

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Directrice Générale Marketing, Digital & Technologies chez Club Med, Anne Browaeys-Level explique comment le digital permet de préserver une réputation de pionnier innovant.

Cela fait presqu’un an qu’Anne Browaeys-Level pilote la stratégie digitale du Club Med. Dès son arrivée, elle a marqué son empreinte digitale en prenant la tête d’une nouvelle direction réunissant le marketing et la DSI afin d’ancrer l’entreprise dans l‘ère du XXIème siècle.

A l’occasion du salon IFTM Top Resa (le salon des pros du tourisme) qui se déroule actuellement à Paris,  ITespresso.fr vous propose un tour d’horizon de la stratégie groupe du Club Med et de ses projets associés.

(Interview réalisée en septembre 2016)

ITespresso.fr : La transformation digitale est l’un des cinq piliers stratégiques du groupe. Cela signifie quoi pour une entreprise comme Club Med ?

Anne Browaeys-Level : Pionnier du club de vacances (1950), Club Med fut à l’origine d’innovations comme le Mini Club pour les enfants, la formule Tout Compris (le All inclusive) ou plus récemment le Passworld pour les ados.

Depuis 2014, sous l’impulsion de notre P-DG Henri Giscard d’Estaing, nous avons mis le digital au cœur de la stratégie de développement de l’entreprise afin de répondre aux nouveaux usages des clients.

Notre objectif : être en synchronisation digitale avec des clients de plus en plus exigeants et avoir un temps d’avance sur nos concurrents.

Cette accélération digitale se diffuse donc non seulement auprès de nos clients mais aussi auprès des collaborateurs internes (GO* et GE**) qu’ils soient en Ressorts ou dans les bureaux.

Notre conviction est que les clients viennent et continueront à venir au Club Med pour ce qui fait notre marque de fabrique, à savoir pour notre offre de vacances tout compris haut de gamme, de rêve dans des lieux idylliques avec des activités et des services sans cesse renouvelés, mais aussi pour notre capacité à nous transformer digitalement.

ITespresso.fr : Comment insuffle t-on un vent de digitalisation à un groupe qui compte 23 000 collaborateurs répartis dans 26 pays ?

Anne Browaeys-Leve : Conscient que les pratiques des clients évoluaient, le COMEX a estimé, dès 2014, que tout le monde devait accompagner cette transformation. C’est donc sous l’impulsion de la direction générale que toute l’entreprise s’est mise en ordre de marche pour effectuer cette mutation.

Les équipes marketing, digital, SI et RH se sont donc rapprochées pour travailler main dans la main. Des formations, du reverse mentoring, des ateliers et de nombreuses communications ont été mis en place pour aider tous les collaborateurs à se familiariser avec les outils digitaux.

Pour illustrer cette adoption de la digitalisation par tous, citons, par exemple, la fiche de paie et le coffre-fort électronique qui, malgré toutes les inquiétudes liées à la dématérialisation de la feuille de paie, ont reçu un accueil très favorable : dès le premier mois de mise en place, 80% des salariés ont opté pour ces offres.

ITespresso.fr : Le digital impose t-il une nouvelle façon de travailler ?

Anne Browaeys-Level : Pour satisfaire l’évolution rapide des usages de nos clients, nous sommes contraints de raccourcir le « time to market ». Pour cela, nous avons fait le choix de développer nos projets sous la méthode agile.

Notre première expérience fut la refonte de notre site e-commerce et nous avons divisé le temps de développement par deux grâce à ce procédé.

Nous avons ensuite décidé de diffuser cette méthodologie à tous les projets et dans tous les services. Alors qu’on développait un projet par étape successive pendant de longs mois jusqu’à l’obtention d’un produit fini satisfaisant au maximum le cahier des charges initial, nous travaillons désormais en partant d’une idée précise.

Et nous testons très rapidement un produit considéré comme produit minimum viable. Nous procédons ensuite par itération pour l’améliorer et tout au long du projet nous revoyons les priorités. Dans ce process rien n’est figé, nous apprenons en marchant.

Aujourd’hui, tout le monde travaille de cette façon au sein du Club Med, le COMEX lui-même s’est formé à la méthode agile.

ITespresso.fr : Utilisez-vous le concept DevOps ?

Anne Browaeys-Level : En effet, nous avons mis en place des équipes qui regroupent des profils marketing, digitaux et SI. Chaque équipe, appelée tribu, travaille sur une thématique précise comme la data, l’e-commerce, le village …

Mais attention, notre objectif n’est pas d’être pionnier sur tous ces domaines. Nous tenons à rester avant-gardistes sur notre coeur de métier que sont les séjours en Ressort (activités sportives, arts de la table, activités enfants et familiales) et nous mettons un point d’honneur à proposer à nos G.M*** une expérience en village unique et inoubliable.

En revanche, pour tout ce qui concerne l’avant et l’après séjour en village (call center, sites d’e-commerce, applications mobiles, CRM, data, media online..), notre but est d’intégrer au plus vite les technologies matures en nous inspirant des meilleures pratiques selon une stratégie de « smart follower ».

ITespresso.fr : Observez-vous des différences de comportement digitaux des clients selon les pays ?

Anne Browaeys-Level : Les pays asiatiques par exemple sont très avancés sur le mobile. Les clients chinois notamment font tout sur WeChat : consultation des avis, mises en ligne de commentaires…La Chine est pour nous un excellent lieu d’étude et de boost culturel pour anticiper le déploiement de ces pratiques en France ou aux Etats-Unis.

ITespresso.fr  : Comment initiez-vous tous ces projets digitaux ?

Anne Browaeys-Level : Nous devons cultiver notre esprit pionnier. Il est donc essentiel pour une entreprise  comme la nôtre de continuer à développer l’esprit entrepreneurial.

Pour cela, nous avons mis en place la plateforme collaborative Facebook@Work, afin que tous les salariés puissent exprimer leurs idées, échanger et partager leurs points de vue.  Nous avons une excellente contribution et les relations hiérarchiques n’existent pas sur cette plateforme.

Nous faisons aussi de l’open innovation. En juillet dernier, par exemple, nous avons organisé notre premier hackathon où 150 participants ont planché sur le thème « réinventer l’expérience digitale des familles en village », le point-clé de l’offre Club Med.

Trois projets ont été sélectionnés et seront incubés chez nous pendant quelques mois pour les transformer en produit.

ITespresso.fr : Au regard de tous ces projets, le digital constitue donc une source d’investissement conséquent pour le Club Med..

Anne Browaeys-Level : Oui et il est d’autant plus important qu’il y a la face visible de l’iceberg avec tous les projets destinés aux clients et la partie cachée avec les projets dédiés aux infrastructures et aux réseaux pour qu’ils puissent faire face à la croissance des usages et absorber tous ces développements.

Déployer un réseau WI-Fi dans les Villas de Finohlu aux Maldives ou sur notre voilier le Club Med 2 est une prouesse technologique, tout comme le fait d’absorber les 30% de connexions Wi-Fi supplémentaires chaque hiver dans nos Ressorts en France.

Tout cela nécessite des investissements qui feront – et c’est notre conviction – la différence avec nos concurrents !

Une supervision stratégique au Club Med
Ancienne CEO au sein de Fullsix Group (société en communication digitale), Anne Browaeys-Level a ensuite occupée le poste de directrice générale adjointe du Parisien dans la période 2013 – 2015. Depuis octobre 2015, elle est Directrice Générale Marketing & Digital & technologies du Club Med.  A ce titre, elle dirige les équipes marketing, digitale et la DSI. Anne Browaeys-Level est membre du comité de direction générale et reporte à Henri Giscard d’Estaing, Président du Club Med.

 

*GO : « Gentil Organisateur », collaborateur du Club Meb
**GE : « Gentil Employé », est également un collaborateur du Club Med originaire du pays où le village se trouve.
***GM : « Gentil Membre », client du Club Med

(Interview réalisée par Juliette Fauchet)

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