Interview Eric Clémenceau – Rocket Fuel : « Les cliqueurs ne sont pas les acheteurs sur Internet »

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Eric Clemenceau ROCKET FUEL

Managing Director de RocketFuel France, Eric CLEMENCEAU présente cette société éditrice d’une solution d’optimisation des campagnes publicitaires, qui manie big data et intelligence artificielle.

ITespresso.fr : Comment peut-on présenter Rocket Fuel ? Un Adserver orienté ROI ?
Eric Clémenceau : Le but ultime de Rocket Fuel est d’obtenir les meilleurs résultats pour les campagnes interactives des annonceurs. Rocket Fuel est une société technologique qui développe des outils d’optimisation des campagnes publicitaires s’appuyant sur le big data, la programmatique et l’intelligence artificielle, afin de faire bénéficier aux annonceurs et aux agences partenaires des achats d’inventaire publicitaire les plus pertinents et les plus performants sur les places de marché d’enchères de publicité en temps réel (RTB ou Real Time Bidding en anglais). La technologie développée par Rocket Fuel gère le display, le mobile, la vidéo et les réseaux sociaux, et est ainsi en mesure d’optimiser les campagnes publicitaires multi-canal.

ITespresso.fr : Estimez-vous que sur le Web ou le mobile, l’achat média programmatique a vocation à remplacer l’intégralité de l’achat d’espace « artisanal » ?
Eric Clémenceau : Il y aura toujours des achats de gré à gré pour des emplacements très particuliers, ou des opérations spéciales. Cependant, la part de l’achat automatisé a plus que doublé en 1 an et représente déjà 16% des achats. Chaque jour, nous analysons dans le monde 38 milliards d’impressions, et cela sur des milliers, et même sur des millions, de critères socio-démographiques, environnementaux, éditoriaux, comportementaux, sociaux et technologiques. Tous ces critères évoluent sans cesse, et il faut être capable de les analyser plusieurs fois par heure. Sans oublier le moment déterminant de la journée auquel vous allez présenter une publicité à un internaute. Seul l’achat automatisé peut prendre en compte autant de données et décider d’acheter ou non un inventaire publicitaire en moins d’une seconde, et cela des millions de fois par jour.

Que ce soit pour le séquencement du génome humain, le traitement de milliards d’actions sur les places de marché financières, ou encore la publicité en ligne, l’importance du nombre de données traitées rend l’utilisation de technologies de pointe nécessaire. Pour illustrer la masse de data gérées par Rocket Fuel, nous agrégeons chaque jour plus de données que le Nasdaq ou le NYSE (Bourse de New York) chaque mois.

Pour que l’achat programmatique soit largement adopté, il faut toutefois que ces technologies soient comprises par les annonceurs et qu’ils en perçoivent clairement tous les avantages.

Une éducation du marché sur le fonctionnement de l’achat programmatique est nécessaire. Chez Rocket Fuel, nous définissons l’achat programmatique comme l’utilisation de technologies big data et d’intelligence artificielle pour enchérir sur un inventaire publicitaire via un adexchange en temps réel, afin de montrer une publicité précise, à un consommateur anonyme, à un moment particulier, sur un appareil donné.

Ce qu’il est important de noter, c’est que tous les spécialistes de l’achat programmatique n’utilisent pas l’intelligence artificielle. Cette technologie permet pourtant à la plateforme d’évaluer les impressions de façon autonome grâce à l’analyse prédictive, et d’enchérir dynamiquement en fonction d’une équation complexe impliquant des milliers de facteurs, dont la météo, la géographie, le moment de la journée ou encore le fait que l’internaute ait visité ou non le site de l’annonceur au cours des trente derniers jours. Cette équation et les décisions qui en découlent sont ainsi issues d’un processus algorithmique plutôt que du travail d’analyse d’un être humain.

ITespresso.fr : Google AdWords combat depuis des années la fraude aux clics. Que pèse cette fraude sur les adexchange ? Comment les annonceurs peuvent-ils se protéger ?
Eric Clémenceau : Le succès phénoménal des campagnes publicitaires en ligne ces deniers années, avec des budgets alloués qui augmentent chaque trimestre, attire les escrocs, comme dans toutes les industries.

Votre question pose avant tout le problème du clic. Il est fou de voir qu’un grand nombre d’annonceurs ne se fient qu’au nombre de clics pour évaluer le succès d’une campagne publicitaire. Il y a pourtant de nombreux metrics beaucoup plus instructifs et mesurables, comme l’engagement ou le nombre de ventes supplémentaires par exemple.

Nous prenons très au sérieux cette traque aux tricheurs et avons déposé de nombreux brevets pour cette lutte au quotidien. Chaque campagne publicitaire utilisant la technologie Rocket Fuel profite de ces brevets afin de repérer et d’écarter les contenus non licites ou dégradants, les sites qui en réalité n’existent pas, les BOT (robots informatiques générant de faux clics), etc.

Pour nous, les seuls à être en mesure de résoudre ce problème sont les « bons » acteurs. Ceux qui, parmi les fournisseurs de services et de technologies, les adexchanges, les agences et les annonceurs, attachent de l’importance à ce que le système fonctionne équitablement. Personnes ne le fera à notre place.

Et il ne s’agit pas d’une simple bataille vite remportée ou d’une problématique que l’on peut adresser plus tard. C’est un sujet sur lequel les esprits les plus brillants de la technologie publicitaire investissent d’ores et déjà beaucoup de temps et d’argent.

ITespresso.fr : La performance du display est mesurée en clics ou en actions. Votre technologie permet-elle de quantifier l’exposition ou des notions plus « qualitatives » ?
Eric Clémenceau :  Notre credo est que tout ce qui se compte s’optimise. Le clic est le parent pauvre d’Internet. Chaque mois, seul 16% des internautes cliquent sur une publicité, et en même temps, plus de 50% d’entre eux effectuent des achats en ligne. Les cliqueurs ne sont pas les acheteurs. En moyenne, 8% des cliqueurs produisent 85% de clics.

Pourtant les méthodes avérées d’attribution et de déduplication permettent déjà de tirer profit des campagnes digitales, d’optimiser simultanément le clic, le view (quand un internaute a vu une publicité sans cliquer immédiatement), la prospection, le retargeting, le search, etc.

Dans ce contexte, nous devons prendre en compte que le display offre un avantage considérable par rapport aux autres canaux, et que nous pouvons prédire et modéliser sa contribution afin d’augmenter son efficacité. Des méthodologies telles « qu’Act alike », qui permet d’identifier des « jumeaux » statistiques grâce à l’analyse du comportement en ligne des clients de la marque, nous permettent d’identifier des prospects présentant un comportement similaire. Les technologies telles que le big data et l’intelligence artificielle nous permettent par ailleurs de définir le meilleur moment de la journée pour présenter une impression à un internaute.

Grâce à une meilleure compréhension du prospect et la connaissance du meilleur moment pour interagir avec lui, nous augmentons la probabilité d’aboutir à une conversion. Les tests démontrent que si l’on choisit deux groupes statistiques similaires, avec la même probabilité d’être exposés à d’autres canaux, et que l’on montre une impression à un seul des deux groupes, ce dernier présentera un taux de conversion plus important.

Nous sommes déjà en mesure d’en apprendre plus sur notre audience, et de modéliser et d’adapter les campagnes en fonction de ces informations. La technologie nous permet d’atteindre des degrés de précision jamais vu et d’augmenter les ROI de nos clients d’une façon qu’ils n’imaginaient pas possible.

Nous sommes beaucoup plus intéressés par l’optimisation de l’engagement, par le nombre de commandes supplémentaires d’un produit ou d’un service, ou encore par la progression de l’intérêt et de la considération pour une marque ou un produit. Les technologies d’attribution et de déduplication permettent de piloter ces notions de manière très fine.

Si un e-commerçant ne se focalise que sur les bannières qui lui apportent le meilleur taux de clics pour élaborer sa stratégie de publicité en ligne, ses ventes seront jusqu’à neuf fois inférieures que s’il tenait compte des bannières générant du trafic et pas uniquement des clics.

ITespresso.fr : Avec la télévision connectée, estimez vous que les spots TV basculeront dans une économie similaire à celle du Web ? A quel horizon ?
Eric Clémenceau : La France est dans une position unique pour montrer la voie. Nous avons le plus grand parc de télévisions connectées au monde grâce aux box. Avec 9 millions de foyers équipés, nous nous devons d’être le leader mondial de ces technologies programmatiques en télévision. La télévision de rattrapage (catch-up TV) est déjà un début. La télévision est aujourd’hui digitale, et quelques adaptations législatives (dont l’évolution de la loi Sapin) et une vraie concertation entre annonceurs, télévisions, agences de publicité et entreprises technologiques devraient nous faire changer de paradigme.

De plus, les annonceurs commencent à mesurer leur ROI, et nous observons un mouvement continu du offline vers le online. Les professionnels du brand marketing ont toujours considéré la télévision comme un média puissant. Elle implique pourtant actuellement beaucoup de gaspillage. Or la publicité programmatique garantit une moindre déperdition et permet de mesurer le ROI aussi bien que le marketing direct.

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