Interview Idate : Nokia et Microsoft devaient aller plus loin dans l’intégration

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Basile Carle, expert « Terminaux et plateformes mobiles » pour le compte de l’Idate, commente l’acquisition de Nokia par Microsoft.

Quel est l’impact du rachat de Nokia par Microsoft au niveau groupe, dans le secteur de la mobilité et dans la bataille des OS ?

Basile Carle, Basile Carle, expert « Terminaux et plateformes mobiles » pour le compte de l’Idate (centres d’études et de conseil européen spécialisé dans les secteurs des télécoms et des médias à l’ère numérique), commente le deal du jour dans les télécoms.

(Interview téléphonique réalisée le 3 septembre 2013)

ITespresso.fr : Dans le rapprochement Microsoft – Nokia, qu’est ce qui vous surprend le plus dans l’annonce du jour ? 

Basile Carle : Le timing de l’annonce a surpris le marché. Je n’avais pas prédit ce rachat dans l’immédiat. Après, au regard du contexte de concurrence avec Samsung et Apple, c’est difficile de se montrer surpris par la logique du rapprochement des deux acteurs qui ont du mal à s’imposer dans le domaine de la mobilité.

Il faut rappeler qu’avant l’arrivée d’Apple sur le marché des smartphones, Microsoft et Nokia étaient concurrents. L’arrivée d’Apple a bouleversé la donne. Son succès est lié à l’intégration verticale de bout en bout du hardware au software.

Le partenariat Microsoft – Nokia établi comme tel n’a pas suffi à faire décoller la plateforme Windows Phone. Il fallait aller plus loin.

Ce rapprochement n’est pas non plus étranger à la présence de Stephen Elop [ex-Directeur de la division Entreprises de Microsoft, ndlr] à la tête de Nokia. Le fait d’aller plus loin dans l’intégration a du sens à la fois dans le hardware et le software (notamment via la place de marché d’applications Windows Phone Marketplace).

Après, au niveau humain, il faudra que Microsoft réussisse à intégrer les talents et les compétences de Nokia.

ITespresso.fr : Les cultures d’entreprise de Nokia et Microsoft sont-elles si différentes ?

Basile Carle : Le caractère européen et finlandais de Nokia pourrait constituer l’une des grosses difficultés pour Microsoft. Nokia a fait beaucoup de choses dans la chaîne de valeur avec un patchwork de sociétés acquises.

Entre 2003 et 2007, Nokia a été leader sur le segment de smartphones. Mais il n’a pas cerné que le vrai ennemi à abattre, c’était Apple. En revanche, Samsung l’a très bien compris. Il reste encore beaucoup de choses à apprendre sur la manière dont Microsoft compte intégrer Nokia.

ITespresso.fr : Avec le recul, peut-on considérer qu’avec l’arrivée de Stephen Elop à la tête de Nokia, l’idée d’un rapprochement avec Microsoft était claire ?

Basile Carle : Non. Je crois que Nokia a vraiment pesé les deux approches entre Windows Phone et Android. Ils ont identifié qu’il y avait plus d’opportunités de différenciation du côté de Microsoft. Android, c’est 80% des ventes de terminaux réalisées par Samsung.

ITespresso.fr : Accordez-vous du crédit à l’hypothèse d’un Stephen Elop qui remplacerait Steve Ballmer à la tête de Microsoft ?

Basile Carle : En tout cas, Stephen Elop a joué sa carte pour revenir chez Microsoft dans l’ère post-PC. La direction de Steve Ballmer arrive à sa fin. Il a sûrement quelques arrière-pensées.

ITespresso.fr : Dans la bataille des OS mobiles, considérez-vous que cette intégration constitue un signal fort ?

Basile Carle : D’abord, il existe un gros point d’interrogation sur le modèle de licences Windows Phone d’un côté et de la persistance de l’exploitation de la marque Nokia de l’autre.

Après l’intégration de Nokia, Microsoft va-t-il toujours proposer les licences à d’autres fabricants ? 75% des ventes de terminaux sous Windows Phone sont réalisées par Nokia.

La vision était différente avec l’acquisition de Motorola par Google qui assoit son modèle sur la publicité.

A propos de la marque Nokia, on peut se poser la question de savoir si Microsoft en a vraiment besoin. Pas aux Etats-Unis en tout cas. Le partenariat n’a pas porté ses fruits dans ce sens.

Historiquement, Nokia n’a pas vraiment eu de part de marché aux Etats-Unis. La marque n’est pas essentielle. Du coup, sa disparition ne me paraît pas impossible.

ITespresso.fr : Quel impact de l’annonce Nokia – Microsoft sur un autre challenger comme BlackBerry ?

Basile Carle : Sa position s’affaiblit encore plus. Sachant que cela sentait déjà le roussi pour BlackBerry. On sait que la société étudie diverses options dont une vente. BlackBerry a peut-être encore une carte à jouer sur des niches de marché professionnelles. Mais la situation financière est tendue et la concurrence s’élargit aussi dans le BtoB.

ITespresso.fr : Du coup, quels points communs peut-on définir entre la reprise de Motorola par Google et celle de Nokia par Microsoft ?

Basile Carle : Un meilleur contrôle sur la chaîne globale de valeur. Mais il faut nuancer les situations. Du côté d’Android, Samsung apparaît comme une menace de plus en plus sérieuse pour Google. Le groupe coréen est prédominant sur cet écosystème dynamique. Cela pourrait représenter un danger pour le business de la publicité mobile stratégique pour Google.

ITespresso.fr : Pour l’Europe, Nokia était un symbole de la téléphonie mobile. Il reste quoi dans la sphère de la mobilité ?

Basile Carle : Il reste des acteurs européens dans les infrastructures réseaux télécoms comme Alcatel-Lucent (si l’on considère que ce groupe est vraiment européen) et le business des applications mobiles.

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