Interview : Iris Capital investit avec Orange et Publicis dans les start-up

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VIVA Technology : Antoine Garrigues (Iris Capital) précise la portée de ce fonds franco-allemand, qui gère une JV Orange – Publicis pour investir dans des start-up.

Iris Capital est l’une des sociétés de capital-risque pionnières en Europe qui se concentre sur le domaine du numérique. Depuis 2012, elle anime un véhicule d’investissement co-brandée Orange – Publicis.

On retrouve Antoine Garrigues, Managing Partner d’Iris Capital depuis 1993, dans le cadre de VIVA Technology. A travers un challenge start-up sur le thème de l’innovation prédictive, le fonds d’investissement est partenaire de cette grande convention organisée la semaine dernière par Publicis.

Juste avant (29 juin), il a organisé son sa 4ème édition des Iris Innovation Day 2016, pour mettre en avant les start-up les plus innovantes de son portefeuille dans 4 domaines : AdTech, marketing digital, plateformes Web et FinTech.

Ses plus récentes opérations de financement ont porté sur MindLytix (ciblage consommateurs, 1,25 million d’euros injecté), Searchmetrics (SEO & analytics, participation à un tour de table de 8 millions de dollars) et Shift Technology (chasse à la fraude dans le monde de l’assurance, participation à un round de 10 millions de dollars).

Début juillet, Iris Capital a également cédé ses parts dans InstantLuxe.com (place de marché pour la vente de produits de luxe de seconde main : maroquinerie, joaillerie, horlogerie…) au profit des Galeries Lafayette.

(Interview réalisée le 30 juin 2016)

ITespresso.fr : Comment présenter Iris Capital ?

Antoine Guarrigues : Cette année, nous fêtons nos trente ans dans le capital-risque. C’est un club de VC [venture capital] assez fermé en Europe, comme Sofinnova. Nous avons commencé à investir dans les TMT (Télécommunications, Médias et Technologies). Aujourd’hui, le numérique a fondu tout cela. Nous avons quand même gardé une certaine cohérence sectorielle.

Nous disposons d’une soixantaine de start-up dans notre portefeuille (voir la liste). On investit dans une dizaine de start-up par an sur 1500 opportunités (ou deal flow avec un ratio de 1%). Nous nous concentrons sur l’Europe continentale en raison de notre axe franco-allemand qui est principal.

Nous avons également la faculté d’investir entre un tiers et un quart de notre portefeuille en dehors de l’Europe. On le fait parfois dans des cas très particuliers, avec parfois nos sponsors Orange et Publicis pour des raisons stratégiques associées. Nous sommes aussi présents en Amérique du Nord, au Moyen-Orient et en Asie.

On intervient sur du early stage jusqu’au niveau growth (capital-développement). La fourchette est large : les premiers tickets se situent vers le million d’euros mais on peut monter à dix millions voire 20 millions d’euros.

Depuis 1991, nous avons réalisé plus de 260 investissements. Et nous allons fêter notre 200ème sortie dans les semaines qui viennent. A priori, ce sera Talend (big data) qui prévoit une IPO.

ITespresso.fr : Justement, Talend est l’une des rares sociétés à tenter la Bourse. Comment expliquez-vous ce contexte ?

Antoine Guarrigues : Aux Etats-Unis, il y en quelques unes qui osent, comme Twilio. Il faut avoir des fondamentaux solides. Le marché n’est pas assez mûr avec tout ce qui est hype. Et le Brexit n’arrange pas les choses.

ITespresso.fr : Avec les activités d’Iris Capital, serez-vous affecté par le Brexit ?

Antoine Guarrigues : Non. Au contraire. Avec notre axe Paris-Berlin, nous allons renforcer notre position sur le marché européen.   

ITespresso.fr : Comment vous répartissez les opérations entre Iris Capital et la joint-venture Orange et Publicis mis en place ?

Antoine Guarrigues : Ce sont les mêmes et elles représentent la plus grosse partie de notre activité. Initialement, Iris Capital était captif de la Caisse des Dépôts. Puis on a réalisé un spin-off en levant des fonds auprès d’investisseurs institutionnels (notamment la CDC et Bpifrance).

Depuis 2011, le paysage des investisseurs dans le capital-risque a changé singulièrement en France avec le développement des acteurs industriels et corporate.

Quand Publicis a lancé son appel d’offres en lien avec Orange, nous l’avons remporté pour être leur véhicule de capital-risque doté de 300 millions d’euros. Une réserve qui est presque intégralement épuisée. C’est un modèle de mix multi-corporate et institutionnel propre à Iris Capital.

Nous gérons également un fonds corporate au Moyen-Orient pour l’opérateur télécoms saoudien STC.

ITespresso.fr : Récemment, Orange a investi dans BandwidthX (place de marché de connectivité Wi-Fi pour les opérateurs) via son propre véhicule d’investissement Orange Digital Ventures. Pourquoi ne pas l’avoir fait via la JV Orange-Publicis sous la houlette d’Iris Capital ?

Antoine Guarrigues : Dans la politique d’open innovation d’un groupe, il existe le corporate venture que l’on peut exploiter de diverses manières. Orange dispose d’un canal direct d’investissement, tout en soutenant d’autres fonds comme Iris Capital.

On peut voir différentes configurations sur le marché. Par exemple, Intel Capital fait tout par lui-même. On ne peut pas jouer petit dans le capital-risque. Par exemple, si Publicis n’a investi que 70 millions d’euros, il a accès à un fonds global de 300 milllions d’euros.

ITespresso.fr : Bpifrance pousse à l’émergence de fonds puissants du capital-risque en Europe. Dans quelle mesure Iris Capital se projette dans cette dimension? 

Antoine Guarrigues : Nous sommes déjà une équipe européenne avec une couverture globale en charge de gérer 450 millions d’euros, dont 300 en provenance de la JV Orange-Publicis. Cela nous met dans le petit noyau des acteurs qui comptent.

Et on ne va pas s’arrêter là. Bpifrance apporte déjà notre soutien. Et j’espère que nous pourrons compter sur elle pour notre prochain véhicule. Nous aurons des nouvelles de ce projet d’ici la fin de l’année.

ITespresso.fr : Le crowdfunding peut-il être une activité complémentaire du capital-risque ?

Antoine Guarrigues : Dans notre portefeuille, nous n’avons pas de sociétés ayant démarré initialement par des campagnes de type Kickstarter. Mais on voit des dossiers passer dans ce sens. Le crowdfunding est une source nouvelle de financement d’amorçage. Il faut la considérer comme telle. Et je ne perçois pas cela comme une forme de concurrence.

Chez Iris Capital, nous n’allons pas faire du crowdfunding. C’est un métier à part entière. Nous n’étudions pas de projet de collaboration avec des plateformes de crowdfunding.

Je ne suis pas sûr qu’elles connaissent un réel développement en raison des contraintes particulières. Après une campagne de crowdfunding, il faut gérer la base des investisseurs. Ce n’est pas évident et nous ne disposons pas suffisamment de recul pour gérer l’après-campagne.

ITespresso.fr : Vous suivez le dossier de Netatmo pour le compte d’Iris Capital. Vous siégez même au conseil d’administration de la société qui développe des objets connectés pour la maison. Que pensez-vous du rapprochement Withings-Nokia ?

Antoine Guarrigues : Fred Potter, à l’origine de Netatmo [que l’on retrouve aussi derrière la genèse de Cirpack mais aussi de Withings, ndlr], est un entrepreneur formidable, qui a de l’ambition. Nous le soutenons et nous verrons jusqu’où la société peut aller.

Si elle peut aller jusqu’à l’IPO, ce sera formidable. Mais il faut prendre en compte plusieurs paramètres. Le marché des objets connectés n’en est qu’à ses débuts. Si un groupe industriel arrive avec des conditions attractives, nous regarderons la pertinence du rapprochement.

Netatmo a déjà levé 30 millions d’euros avec Legrand, ce qui a donné naissance à un partenariat stratégique.

Il faut examiner le deal Google – Nest (annoncé en janvier 2014 pour plus de 3 milliards de dollars) à l’échelle de Google. Du côté d’Iris capital, on n’a pas investi chez Netatmo sur ce niveau de valorisation. Peut-être que Google est déçu au regard du prix payé par l’acquisition de Nest.

Mais les sociétés californiennes ont l’habitude de vendre des promesses exagérées. C’est une expression différente de l’ambition sous une forme d’emphase. Faut trouver un juste milieu pour éviter de survendre.


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