La convention sur la cybercriminalité avance

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L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe organisait des auditions cette semaine pour ajuster le critiqué projet de convention sur la cybercriminalité. Mais les acteurs de l’Internet invités à donner leur point de vue n’étaient pas forcément très représentatifs…

« Le texte est fortement contesté par certaines associations qui craignent notamment une restriction de la liberté d’expression, » explique Ivar Tallo, rapporteur de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dont les membres auditionnaient cette semaine des « acteurs du Web » à Paris. « Pourtant, on s’intéresse de très près à ce projet, bien au-delà des frontières européennes, y compris aux Etats-Unis, et au-delà des cercles gouvernementaux », poursuit-il. Les autorités d’outre-Atlantique avaient en effet approuvé le projet début décembre (voir édition du 5 décembre 2000). Le texte est contesté mais il intéresse, « c’est pourquoi une audition paraissait indispensable à la préparation de notre avis sur la Convention », se justifie Ivar Tallo. L’avis en question doit être rendu fin avril, près de quatre ans après le début des discussions sur ce texte, qualifié par ses auteurs de « véritable première mondiale », qui en est actuellement à sa… 25ème mouture. Le texte final arriverait à la fin de l’année, il devra ensuite être ratifié par les pays membres.

Un projet contraire aux droits de l’Homme ?

Ainsi que le souligne le rapporteur, le projet de convention est pointé du doigt par les associations de défense des libertés individuelles. A la mi-octobre, ces dernières réunies en grand nombre au sein de la Gilc (Global Internet liberty campaign), ont adressé une lettre au conseil de l’Europe dans laquelle elles estiment que le projet est contraire aux droits de l’Homme et qu’il présente des risques pour la vie privée. Aucun des 35 signataires n’était invité à la rencontre organisée cette semaine qui réunissait avant tout acteurs institutionnels et représentants de l’industrie. D’après les retours qui nous parviennent, seul Philippe Quéau, représentant l’Unesco, a apporté un point de vue critique vis-à-vis d’un projet qui condamne sévèrement les atteintes aux droits d’auteur, ce qui créerait un délit là où il n’existe pas dans certains pays qui ont des législations beaucoup plus permissives.

La convention qui s’attaquera à des questions telles que le racisme, la pornographie enfantine, la propriété intellectuelle, la sécurité des réseaux et la conservation des données s’appliquera aux 43 pays membres du Conseil de l’Europe, auxquels s’ajoutent les Etats-Unis, le Canada, le Japon et l’Afrique du Sud. Les crimes concernés par le projet représentent des intérêts économiques très importants. C’est le cas des virus, pour les victimes, mais aussi pour les fournisseurs de protections qui sont facilement tentés d’adopter des discours alarmistes, c’est un reproche qui a été formulé à l’encontre des auditions organisées cette semaine.

Parallèlement à la réunion parisienne, la Commission européenne auditionnait elle aussi pour préparer le projet de convention. Elle a présenté fin janvier un rapport réunissant ses recommandations en matière de lutte contre la cybercriminalité qui sera officiellement présenté le 23 mars prochain (voir édition du 30 janvier 2001). Parmi ses invités cette semaine, l’Iris (Imaginons un réseau Internet solidaire), une association française signataire de la lettre de la Gilc, qui présente sur son site un dossier très documenté sur le sujet. La commission recueille les avis des internautes par e-mail jusqu’au 23 mai et elle vient d’annoncer qu’elle envisage de mettre en place un forum. « Nous espérons qu’il entrera en service en mai », indiquait à Reuters Antonio Vitorini, le commissaire européen à la Justice. En France, un volet de la « loi sur la société de l’information » (LSI) fixe des règles pour lutter contre le cybercrime (lire le dossier de SVM : La loi qui voulait changer le Net).