La France semble favorable aux brevets logiciels

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Le gouvernement va donner prochainement à la Commission européenne sa position sur les brevets logiciels. Le 18 juillet, l’Académie des technologies a rendu un avis favorable et un groupe interministériel serait sur le point de faire de même, ce qui laisse présumer d’un « oui » de la France.

La France pourrait rendre un avis favorable sur les brevets logiciels à la Commission européenne. En novembre de l’année dernière, les pays de l’Union s’étaient prononcés à la majorité contre une extension du système de brevets aux logiciels (voir édition du 23 novembre 2000). La Commission a depuis organisé des consultations au sujet de « la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur » ; elle attend les positions des états membres pour rédiger une proposition de directive. Ce mercredi 18 juillet, l’Académie des technologies a rendu un avis favorable au gouvernement qui l’avait chargée d’étudier la question. Par ailleurs, un groupe interministériel formé autour du secrétariat d’Etat à l’Industrie serait sur le point de rendre lui aussi un avis favorable. « Le gouvernement français souhaitait prendre le temps d’une analyse approfondie », explique un communiqué. « C’est dans ce contexte que le Premier ministre a saisi l’Académie des technologies. » Créée en décembre 2000, la jeune académie est « composée de scientifiques et d’ingénieurs renommés, [elle] a pour mission d’éclairer la société pour qu’elle fasse le meilleur usage des technologies actuelles et à venir » et publie des avis et des rapports. Un groupe de travail a été constitué. « Animé par Jacques Vincent-Carrefour et composé d’une vingtaine d’académiciens, [le groupe de travail] a auditionné une quinzaine de personnalités reconnues et mené une analyse comparative des pratiques, du droit et de la jurisprudence en Europe et aux Etats-Unis », explique le gouvernement. Le rapport vient donc d’être rendu.

L’Europe face aux Etats-Unis et au Japon

Replaçant le sujet dans son contexte et présentant tout d’abord les enjeux, le document estime que « les incertitudes juridiques résultant de [l’]écart entre la pratique et les textes, et entre jurisprudences nationale et européenne, désavantagent les entreprises européennes par rapport aux entreprises américaines ». Ses rédacteurs n’occultent pas la vive opposition à la brevetabilité des logiciels, en particulier celle des défenseurs des logiciels libres. On se rappelle à ce sujet la pétition « pour une Europe sans brevets sur les logiciels libres » lancée par l’association EuroLinux. « Les opposants s’appuient sur la situation que l’on constate aujourd’hui aux Etats-Unis, qui sont progressivement arrivés à accepter le dépôt de très nombreux ‘brevets logiciels’, portant sur des fonctionnalités élémentaires, sans activité inventive manifeste, sans même réelle innovation, utilisés uniquement pour des actions de blocage. La communauté informatique s’en inquiète », note le document. Il remarque également qu’« en Europe, on commence à constater une dérive analogue ». Et les académiciens d’insister sur l’importance « des critères adoptés par l’autorité délivrant les ‘brevets logiciels' ». Le même document recommande une « extension raisonnée du brevet aux inventions logicielles » qui ne sont pour l’instant protégées que par le régime du droit d’auteur. Considérant l’importance prise par les logiciels, le rapport préconise « de protéger ces actifs plus efficacement », il insiste sur le rôle « important » d’un brevet pour une entreprise innovante et agite la menace des Etats-Unis et du Japon où ces brevets sont délivrés avec « facilité ». L’Académie réclame une définition rigoureuse des brevets logiciels et une « publication claire » tout en étant consciente des « difficultés » qui seront rencontrées. « Les offices de brevets ne disposent pas encore de bases de données leur permettant de faire des recherches d’antériorité efficaces à un coût raisonnable », note par exemple le rapport.

Au final, l’Académie propose donc « d’étendre la notion de brevetabilité aux logiciels » tout en demandant d’être chargée « de réfléchir à des principes directeurs spécifiant les définitions plus rigoureuses des mots clés, notamment inventivité, expertise sur la nouveauté, effet technique » et précise qu’« elle consultera à cet effet les académies soeurs ». Pour éviter les « effets négatifs éventuels » des brevets logiciels, les académiciens souhaitent la mise en place de dispositifs d’accompagnement : formation spécifique des examinateurs de brevets, constitution d’une base de données européenne facilitant la recherche d’antériorité, information des PME et mesures d’incitation au dépôt de brevets, fonds de garantie pour pallier les risques de contentieux abusifs auxquels pourraient être exposées les PME… Enfin, après avoir brossé les défenseurs du logiciel libre dans le sens du poil (« Il est à noter que la brevetabilité ne fait naturellement pas obstacle à la stratégie alternative de diffusion libre, cette stratégie étant d’un grand intérêt pour l’innovation »), l’avis de l’Académie des technologies rappelle que « nombre de logiciels non brevetables (…) continueront à être protégés par le droit d’auteur » et propose « afin d’assurer l’innovation » que la durée de protection soit ramenée à dix ans. Le gouvernement devrait rendre son avis à la Commission européenne cet été.