La grogne continue après l’adoption de la LEN

Mobilité

Les opposants à la loi sur l’économie numérique continuent de se mobiliser. Certains se tournent vers le Conseil constitutionnel tandis que d’autres appellent à manifester.

Même adoptée, la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LEN) n’en continue pas moins de faire des mécontents. De la Ligue Odebi (usagers d’Internet) à la Ligue des droits de l’Homme (LDH) en passant par Iris (Imaginons un réseau Internet solidaire), Reporters sans frontières et le Syndicat de la magistrature, chacun y va de son couplet pour relever les incohérences et les dangers que comporte, à leurs yeux, la LEN.

Dans un mémoire commun adressé au Conseil constitutionnel, Iris et la LDH s’attaquent à quatre points de la LEN : le courrier électronique, la responsabilisation judiciaire des hébergeurs, le régime de prescription pour la presse en ligne et les limitations diverses (au nom de la protection de l’enfance, la défense nationale, la production audiovisuelle…) à la liberté de communication. Ce dernier point est absent du recours déposé le 18 mai 2004 auprès du Conseil constitutionnel par les parlementaires de l’opposition. Iris et la LDH dénoncent l’inconstitutionnalité des points cités et « espèrent que le Conseil constitutionnel saura ouvrir toutes ses portes, qu’elles soient étroites ou plus larges, pour garantir le respect de l’état de droit sur Internet ».

Ambiguïtés et approximations

Plus pragmatiques, RSF, le Syndicat de la magistrature et Odebi ont rencontré Patrick Devedjian le 21 mai 2004. Si le ministre délégué à l’Industrie (qui succède à Nicole Fontaine, à l’origine du projet de loi), a reconnu que le texte comporte des « ambiguïtés » et des « approximations », RSF regrette que cette rencontre intervienne aussi tard. « Nous dénonçons la position exprimée par le ministre, qui reconnaît l’ambiguïté de la LEN mais laisse le soin aux juges d’en préciser l’application. Nous regrettons ensuite que Patrick Devedjian ne prenne pas suffisamment en compte la menace que cette loi représente pour la liberté d’expression et pour les droits des éditeurs de site », déclarent les associations dans un communiqué. Celles-ci reprochent notamment au ministre de « vouloir faire confiance aux juges » alors que la LEN impose aux prestataires techniques une forme de censure des contenus illicites. « S’il est facile de se prononcer sur un contenu à caractère pédophile, comment des prestataires techniques vont-ils déterminer si un texte est diffamatoire ? », s’interrogent les associations.

Pour Odebi, les explications du ministre ne suffisent pas à calmer les esprits. Mais au delà de la LEN, qui « place les intérêts économiques de l’industrie ‘culturelle’ au dessus de la liberté d’expression », Odebi s’oppose à ce qu’elle appelle le « techno-fascisme ». De la conservation des logs de connexion aux brevets logiciels (voir édition du 19 mai 2004) en passant par la LEN, la loi Informatique et liberté en cours de débat (voir édition du 14 avril 2004) ou les dispositifs anticopie (voir édition du 9 mai 2003), c’est un « incroyable mur destructeur de libertés » que la législation dresse sur la route des internautes. C’est pourquoi Odebi, soutenue par une quarantaine de partenaires (Act Up, Aful, EUCD Info, FIL, Greenpeace, PCF, Globenet, Ouvaton…), appelle à manifester samedi 29 mai 2004 à Paris. Une première dans l’Histoire du Net français qui traduit l’inquiétude des utilisateurs vis-à-vis de ces réformes.