L’abonnement téléphonique reste dans le giron de France Télécom

Mobilité

L’amendement sur la revente en gros de l’abonnement téléphonique à des opérateurs tiers a été supprimé du projet de loi sur les obligations de France Télécom. Le consommateur final est-il vraiment perdant ?

Nombre d’opérateurs ? et probablement de consommateurs ? se sont réjouis trop tôt de l’adoption par les sénateurs, le 22 octobre 2003, du projet de loi sur « les obligations de service public des télécommunications et à France Télécom » qui, dans les grandes lignes, définit les modalités de désengagement de l’Etat vis-à-vis de l’opérateur historique (voir édition du 23 octobre 2003). Le projet introduisait notamment l’idée de revente en gros, par France Télécom, des abonnements téléphoniques des particuliers aux opérateurs tiers. L’abonnement représente le dernier monopole de France Télécom et constitue en cela une manne financière importante, à raison de 13 euros par mois et par ligne. Surtout, il lie par défaut le particulier à France Télécom même s’il n’exploite pas ses services, que ce soit pour le téléphone ou pour l’accès Internet, en bas débit comme en ADSL.

Un frein à l’innovation

L’article 9 du projet de loi, qui défendait cette idée de revente de l’abonnement, a été purement et simplement supprimé par la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, qui devait se prononcer en vue de l’examen du projet de loi par les députés les 4 et 5 décembre 2003. Une décision motivée par l’idée que la cession des abonnements aux concurrents de France Télécom n’incitera plus l’opérateur historique à améliorer ses services. « Si tous les services nouveaux que cette entreprise met au point font l’objet d’une mise à disposition de ses concurrents dans le cadre d’une revente en gros, elle ne se trouvera plus en mesure de créer un différentiel de qualité en sa faveur par l’innovation, et arrêtera alors ses investissements dans ce domaine », lit-on dans le rapport de la Commission. Une décision qui répond favorablement à la demande de Thierry Breton, le président de France Télécom, qui s’était déclaré étonné par cette initiative et demandait un retour au projet de loi initial (dont l’article 9 était absent).

Il n’est de toute façon pas certain que le client y aurait gagné. Le prix de l’abonnement pour le particulier, qui se situe parmi les moins chers d’Europe, couvre les frais de maintenance et de réparations assurées par 25 000 techniciens et ingénieurs. Surtout, son tarif est établi dans le cadre du cahier des charges imposé à l’opérateur et validé par le Conseil d’Etat « dans un souci de transparence et d’orientation vers les coûts ». L’Autorité de régulation des télécoms (ART) émet d’ailleurs un avis avant validation par le ministère chargé des Télécommunications et de l’Industrie. On peut donc supposer que le prix appliqué à l’abonnement couvre, globalement, les coûts d’entretien sans réelle possibilité de dégager des marges bénéficiaires. Supposition nuancée par la disparité géographique du réseau dont les lignes en zones isolées sont plus onéreuses à entretenir que celles en milieu urbain. Il est donc peu probable, au final, que le particulier réalise des économies significatives sur un abonnement commercialisé par un opérateur concurrent.

Une facture unique

En revanche, la revente de l’abonnement aurait permis au client de ne supporter qu’une seule et unique facture pour tous les services de télécommunications employés. Or, le récent accord passé entre France Télécom et Cegetel permet à ce dernier de facturer directement à ses clients l’abonnement de la ligne France Télécom et de reverser ensuite le montant à l’opérateur historique. Une pratique qui pourrait tout à fait se généraliser à tous les opérateurs et dispense donc du besoin de revente de l’abonnement en gros. Mais la question devrait bientôt revenir sur le devant de la scène, notamment à travers la transposition de la directive européenne dite « paquet télécom », programmée pour le premier semestre 2004.