L’Afdel prône une ‘brevetabilité encadrée des logiciels’

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L’Association française des éditeurs de logiciels revient à la charge sur les
brevets logiciels, même si elle s’en défend.

Créée il y a un an, l’Association française des éditeurs de logiciels (AFDEL), compte désormais 75 membres parmi lesquels on trouve des acteurs comme Dassault Systèmes, Microsoft ou Exalead. Elle a vocation à représenter les intérêts d’une industrie qui génère un chiffre d’affaires de 5,5 milliards d’euros, compte 2500 entreprises et emploie 60 000 personnes.

Actuellement, l’une de ses préoccupations majeures touche àla propriété intellectuelle relative aux logiciels. L’association d’éditeurs de logiciels a donc convié jeudi matin la presse afin de présenter sa position en la matière. Celle-ci est résumée dans une intéressante brochure qui sera distribuée au public. Le document explique le cadre légal ainsi que les différences entre les logiciels privés, les logiciels commerciaux et ceux en open source (les différentes licences étant comparées entre elles : GPL, Mozilla, BSD…).

Rodolphe Pantanacce, en charge du dossier à la fois pour l’Afdel et pour le compte de Dassault Systemes, dresse la liste des moyens de protection actuels de la propriété intellectuelle sur les logiciels : « le droit d’auteur sur les lignes de code et les bases de données, les marques, le secret (qui n’empêche pas un concurrent de parvenir au même résultat de son côté)« .

Retour des brevets logiciels ?

L’expert en profite pour rappeller « qu’ en Europe, les brevets ne peuvent être déposés que s’ils ne sont pas à 100% logiciels, le [système de freinage] ABS par exemple. […] Contrairement à la situation aux États-Unis, il n’est possible que de breveter des procédés techniques, pas des procédés commerciaux. L’achat en un click d’Amazon n’a pas été accepté en Europe, ce qui est légitime. « 

Certes, c’est un cas extrême. Mais, selon Rodolphe Pantanacce, cela ne justifie pas le fait que « les sociétés européennes ne peuvent protéger leur travail sur leur propre marché, tandis que leurs concurrents américains verroui llent le marché outre-Atlantique en y déposant des brevets ».

La conclusion est tonitruante : « l’AFDEL est favorable à une brevetabilité encadrée ». Le retour des brevets logiciels ? Réaction épidermique de journalistes présents. Patrick Bertrand, président de l’AFDEL, se presse de rassurer : « le schéma jurisprudentiel actuel n’est pas clair, il y a trop d’incertitudes juridiques […] Le but n’est pas de ressortir du placard une des directives de brevets logiciels rejetées il y a quelques mois ».

Un exemple concret des limites

Afin de mieux appréhender la situation actuelle, le porte-parole de l’Afdel propose d’écouter un témoignage. Fondée il y a 8 ans (et membre de l’association), Equitime commercialise des solutions de gestion de plannings et utilise pour cela de façon exclusive une technologie mise au point à l’Université Joseph-Fourier de Grenoble au cours des dix années précédentes. Dans un premier temps, la société reversait des droits à l’Université qui y a renoncé par la suite, en échange d’une participation au capital de la société d’édition de logiciels.

« A l’origine, Equitime commercialisait une solution de gestion de planning pour les infirmières, une solution par la suite élargie à d’autres domaines d’activités, ainsi nous avons fourni notre solution à la branche restauration d’un géant de la grande distribution », explique Georges Weil, PDG de la société. « Ce n’est pas évident pour une petite société de convaincre une grosse de faire affaires avec, mais la solution était unique sur le marché« .

Depuis, la situation a évolué : de puissants concurrents ont mis au point des solutions similaires grâce aux moyens financiers et humains dont ils disposent. « Les algorithmes que nous utilisons sont connus, mais des années de travail ont été investis en particulier dans l’interface utilisateur. Or n’importe qui peut analyser ce travail et refaire la même chose en très peu de temps« , constate Georges Weil.

On touche au coeur du problème : cette interface n’est pas protégeable. « Il suffit de déplacer les champs de saisie pour ne plus pouvoir être taxé de contrefaçon », se lamente Rodolphe Pantanacce. Et d’enfoncer encore un peu plus le clou en matière de brevets logiciels. Une manière de lever le tabou sur ce sujet mais en prenant des pincettes.