Larry Ellison : ‘Linux va exclure Windows des centres de données’

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Oracle a fait de Linux le fer de lance de sa stratégie de conquête des entreprises du mid-market. Son patron, Larry Ellison, voit surtout dans Linux et plus généralement dans les logiciels libres un phénomène qui va affaiblir Microsoft. Mais cet affaiblissement renforcera-t-il Oracle ?

Il y a quelques jours, Oracle annonçait un programme visant à inciter les éditeurs de logiciels indépendants, les ISV, à réaliser la migration de leurs produits sous Linux (voir édition du 27 mars 2003). Le 1er avril, l’éditeur réunissait à New York quelques centaines d’ISV afin de leur présenter son initiative. C’est le patron d’Oracle lui-même, Larry Ellison, qui en a fait la promotion. Il en a profité pour se livrer à un plaidoyer pour les logiciels libres en général, et Linux en particulier, semblant oublier qu’il est lui-même éditeur de logiciels propriétaires. Ce fut pour lui l’occasion de s’adonner à l’un de ses exercices favoris : prédire l’avenir. C’est un grand classique, et bien souvent, il faut le dire, un moment d’humour involontaire.

Comme toujours, il s’en est pris à Microsoft, son ennemi juré. Son enthousiasme pour le mouvement Open source s’explique d’ailleurs en partie par la menace que ce dernier fait peser sur l’éditeur de Redmond. Ainsi, selon lui, Linux va bientôt marginaliser Windows dans les centres de données. Il fonde ses dires sur ce qui s’est passé avec les serveurs Web, marché désormais dominé par un produit libre, Apache, qui a, en quelques années, détrôné le logiciel serveur Web de Microsoft, IIS, lequel a vu sa part de marché dégringoler de 80 % à 20 %, dixit Larry Ellison. En fait, IIS a été lancé après Apache, lequel dominait déjà ce marché. D’autre part, si Apache est bien le leader, IIS arrive en deuxième position et l’écart entre les deux produits, en termes de parts de marché, n’est pas très important.

Un oracle peu convaincant

Autre motif de satisfaction pour Larry Ellison, l’émergence d’alternatives crédibles à Office, tel StarOffice de Sun Microsytems qu’il a qualifié de « presque utilisable ». Du coup, avec quelques améliorations, les suites bureautiques concurrentes d’Office ont toutes les chances de s’inviter, associées à Linux, dans les PC de bureau, notamment dans les pays émergents comme la Chine ou l’Inde. L’avenir décidera…

Rappelons cependant que, jusqu’à présent, Larry Ellison n’a pas souvent été très convaincant dans ce rôle de devin. Il a ainsi prédit il y a quelques années la fin du PC au profit du Network Computer. Plus récemment, il a pris fait et cause pour la location d’applications ou ASP, annonçant que ce mode de distribution des logiciels allait d’ici peu primer sur la vente de licences… Avant l’été, il déclarait : « Les services Web sont un effet de mode, comme le rose est la couleur à la mode cette année. L’idée que le simple fait de mettre des interfaces de type Web Services sur les applications va faciliter l’intégration de logiciels comme ceux d’Oracle, SAP ou Siebel est une des choses les plus ridicules que j’aie jamais entendues. » On sait ce qu’il en est : tous les spécialistes de l’intégration réorganisent leurs produits autour des standards, en particulier ceux des services Web (voir édition du 18 mars 2003).

Résultat : on est tenté d’en conclure que Linux prendra essentiellement des parts de marché aux Unix propriétaires, et non à Windows ; qu’il n’aura qu’une présence marginale dans les PC de bureau et qu’Office restera pour longtemps le standard de fait en matière de bureautique. En outre, tout cela ne règle pas un des principaux soucis d’Oracle : l’effritement de son coeur de métier, les bases de données, où il est de plus en plus durement concurrencé par… Microsoft (voir édition du 11 mars 2003).