L’arsenal anti-pirate fait des progrès

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Thomson-CSF et MPO, spécialiste du pressage de CD, lancent une nouvelle technologie qui devrait freiner la copie de logiciels. Mais la question du piratage sera-t-elle résolue pour autant ?

A l’occasion du Milia à Cannes, le marché des jeux vidéo a été secoué par plusieurs annonces toutes liées à un sujet brûlant : le piratage. Tandis que les éditeurs faisaient connaître leur point de vue, à l’exemple de Bruno Bonnell, patron d’Infogrammes, qui a exhorté ses concurrents à baisser les prix de leurs jeux, les sociétés Thomson-CSF et MPO ont présenté une nouvelle parade à la copie.

Présentée sous le nom de Tagès, du nom d’un dieu étrusque, cette technologie est présentée comme une parade française très prometteuse face au piratage. Développée par la filiale Propriété Intellectuelle de Thomson-CSF, avec l’aide de l’industriel du pressage de CD MPO, le système Tagès emploie des familles de fonctions anti-copie. « D’autres systèmes fonctionnent comme un interrupteur pour bloquer ou débloquer la copie du CD. Avec Tagès, le hacker est contraint d’ouvrir des tiroirs qui limitent l’accès à une partie du CD », explique Greg Nelson, directeur commercial pour l’Europe chez MPO. Le système permettrait à des développeurs de jeu inventifs de créer des verrous personnalisés, pour ne laisser au pirate que l’accès à un écran figé ou une portion limitée du jeu. « Le développeur peut créer des portes sans issues », complète Pierre Fagard, chef de projet chez Thomson-CSF PI.

A en croire ses promoteurs, Tagès, dont le lancement est prévu pour le début de l’été prochain, se révèlera de meilleur niveau que les systèmes de protection actuels. « Si le hacker ouvre un tiroir, il se concentre dessus et s’arrête » sans aller plus loin en cas d’échec, poursuit Pierre Fagard. « En gros, on attache un gros boulet au pied du hacker ».

Mais face au piratage, le combat n’est pas que technologique. Cette énième solution ne manquera pas de stimuler la curiosité des hackers, et l’on peut leur faire confiance pour trouver un jour une parade. Du côté de l’industrie du jeu, on planche aussi sur d’autres idées. « La réponse au piratage se résume à trois sortes d’actions. Il faut une législation pour empêcher la copie. Il faut aussi éduquer les gens, en expliquant l’impact du piratage. Enfin, il y a les protections anti-copies, plus ou moins techniques », résume Greg Nelson de MPO.

Sur le plan juridique, la copie du logiciel est prohibée en accord avec la loi de 1957 sur la propriété intellectuelle. Selon Hervé Pasgrimaud, délégué général du syndicat des éditeurs de logiciels de loisir (SELL), le logiciel informatique ne suit pas la législation de l’audiovisuel, qui autorise une copie personnelle pour son confort, par exemple pour écouter son album CD à la maison ou sur l’autoradio de sa voiture. « Il existe un droit de sauvegarde du logiciel, mais dans un contexte très précis », explique Hervé Pasgrimaud. Ce droit est limité aux applications importantes stockées sur des supports fragiles, comme la disquette ou la bande magnétique. Signalons qu’il y a environ un an à Valence, un magasin avait jeté de l’huile sur le feu en lançant un service de copie de CD en libre-service. Les éditeurs de logiciels ont intenté une action en justice, qui s’est soldée par la fermeture du magasin et une jurisprudence défavorable à la copie privée.

Bref, il est interdit de graver le moindre jeu, ce qui montre d’ailleurs une certaine hypocrisie de la part des constructeurs de PC et autres fabricants de graveurs, qui incitent à la copie.

Comment réduire le piratage ? En baissant le prix des jeux, comme l’attendent bon nombre de joueurs. C’est aussi ce que revendique Bruno Bonell, Pdg d’Infogrammes. Selon lui, les éditeurs doivent faire des efforts pour que le prix d’un jeu puisse passer de 350 francs en moyenne à 130 francs (l’équivalent d’un CD audio). Ce point de vue est loin d’être partagé par les confrères, qui doutent qu’une explosion des ventes viendrait compenser la baisse du prix. Il est vrai qu’avec des coûts de développement atteignant15 millions de francs pour certains jeux, le pari économique est risqué…

Au sein du SELL, on préfère miser sur d’autres initiatives. « Pour freiner le piratage, il faut réduire l’écart de prix entre le logiciel et le support vierge », clame Hervé Pasgrimaud du syndicat des éditeurs. L’organisme milite pour faire baisser la TVA à 5,5 %, contre 20,6 % actuellement. Le prix du CD enregistrable est aussi dans la ligne de mire. « Lorsqu’un logiciel de loisir à 350 francs est copié, cela représente une perte pour l’ayant-droit d’environ 100 francs. Nous réclamons en compensation une redevance de 50 francs par support vierge ». Autrement dit, le CD-R devrait passer de 7 à 10 francs à… environ 60 francs !

La redevance sur les supports vierges du type CD-R a déjà donné lieu à quelques volées de bois vert entre l’industrie du stockage et celle de l’édition musicale (voir édition du 6 décembre 1999). Les joueurs seront-ils gagnants ? S’ils apprécieraient de débourser moins pour acheter des titres de qualité, ils pourraient perdre au change en stockant leurs données personnelles.