L’ART fixe les règles de l’Internet gratuit

Régulations

Afin de trancher un conflit qui opposait France Télécom et Cegetel, l’Autorité de régulation des télécoms a fixé le montant de reversement des communications Internet perçu par les opérateurs alternatifs à 3,8 centimes par minute. Dénoncée par Cegetel, qui réclamait 6 centimes, la décision est pourtant accueillie plutôt favorablement par les acteurs de l’Internet gratuit.

L’Autorité de régulation des télécoms vient de rendre publique sa décision concernant un point crucial de l’Internet gratuit : le reversement d’une partie de l’argent lié aux communications des internautes dans les poches des opérateurs télécoms alternatifs. L’ART a fixé son montant : 3,8 centimes par minute.

Le reversement représente avec les rentrées publicitaires et d’éventuels prélèvements sur les achats en ligne une des principales sources de revenus pour les opérateurs et les fournisseurs d’accès gratuit à Internet.

Il tire son origine du quasi-monopole de France Télécom sur la boucle locale. L’opérateur possède en effet partout en France les derniers mètres de fils téléphoniques qui aboutissent dans nos foyers et les opérateurs alternatifs sont obligés de s’y connecter. En échange du trafic supplémentaire qu’ils apportent à France Télécom (en communications locales), ils perçoivent un reversement qui varient en fonction de la nature de la communication (vocale, longue distance, Internet?).

En fixant le reversement à 3,8 centimes la minute pour les communications Internet, l’ART ne manque pas de mécontenter Cegetel, qui demandait 6,6 centimes et qui considère que la décision « risque de fragiliser l’économie de l’Internet gratuit ». L’Autorité, de son côté, se défend en expliquant que son arbitrage reste favorable au développement d’Internet car il remet en selle le forfait France Télécom de 100 francs pour 20 heures de connexion. En effet, l’ART avait donné son feu vert pour ce forfait à condition que France Télécom ne pratique pas de discrimination tarifaire auprès des concurrents devant passer par la boucle locale (voir édition du 31 mai 1999).

Qu’en pensent de leur côté les fournisseurs d’accès Internet gratuit ? Les premières réactions sont plutôt positives. « En ce qui nous concerne, c’est une bonne nouvelle. La décision de l’ART a le mérite de clarifier les choses et donne de la visibilité aux opérateurs jusqu’à la fin 2000 », explique Xavier Niel, directeur du service Free détenu par le groupe Iliad. Selon lui, chaque opérateur appréciera avec plus ou moins d’enthousiasme la décision de l’ART, selon le reversement négocié avec son opérateur alternatif. D’après lui, un opérateur alternatif perçoit actuellement environ 1,20 franc de l’heure en heure creuse (soit deux centimes par minute) et 2 francs en heure pleine (3,33 centimes par minute) de la part de France Télécom.

« World Online se réjouit de l’arbitrage que vient de rendre l’ART », explique Jean-Michel Soulier, directeur général de World Online France. « Même s’il s’agit pour l’instant d’un arbitrage et non d’une réglementation, nous avons le sentiment qu’il s’agit d’un premier pas vers une clarification indispensable. Le reversement de 3,8 centimes pour la prise en charge de l’appel local est certes limité mais va néanmoins encourager les opérateurs à investir dans la boucle locale ».

Reste que les opérateurs et les fournisseurs de services qui ont bâti un modèle économique en misant sur un reversement plus élevé pourraient être pénalisés. Michael Maloney, le directeur du marketing de Gateway Europe interrogé par l’AFP à l’occasion du lancement d’une offre gratuite d’abonnement à Internet pour les acheteurs de ses micro-ordinateurs (voir article suivant) considère que la décision de l’ART ne facilitera pas la tâche des fournisseurs d’accès gratuit.

D’autant que France Télécom n’est pas décidé à lâcher un marché qu’il place au coeur de sa stratégie. Pour riposter à l’Internet gratuit, Wanadoo, le fournisseur d’accès de l’opérateur public, vient de baisser à 45 centimes -au lieu de 85- la minute de communication de son offre d’accès sans abonnement baptisée Illico. Une réduction de prix qui vise à concurrencer directement l’Internet gratuit dont les communications sont facturées 28 centimes la minute en tarif normal et 14 centimes en heure creuse.

* http://www.art-telecom.fr/.