Le droit à la copie privée remis en question ?

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Un projet de loi français sur l’harmonisation du droit d’auteur en Europe risque de remettre en cause le droit à la copie privée. Pour se faire entendre et offrir au grand public une fenêtre d’expression, la Free Software Foundation France lance le projet EUCD.info. Il y a urgence. Les contre-propositions doivent être rendues avant la fin de l’année.

Le 22 décembre prochain, la directive européenne du 22 mai 2001, qui porte sur l’harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information en Europe, deviendra effective. Celle-ci porte notamment sur la protection du droit d’auteur et sur son harmonisation à l’échelle européenne afin d’en faciliter l’exploitation commerciale et, surtout, sur la légitimité des systèmes de protection, comme les procédés anticopie caractéristiques des DVD vidéo et que l’on trouve désormais sur certains CD audio. A priori, la directive européenne, dont s’inspire un projet de loi du gouvernement français, part d’une bonne intention, celle de réprimer la contrefaçon et le piratage d’oeuvres artistiques notamment. Mais au final, elle remet en cause le droit à la copie privée, qui autorise la duplication d’une oeuvre originale à des fins strictement personnelles.

Selon la Free Software Foundation France (Fondation pour le logiciel libre), le principe du droit à la copie privée – qui autorise la création de compilations sur son disque dur à partir de ses CD ou la gravure des disques sur CD-Rom pour en disposer à partir de différents lieux géographiques-  risque d’être remis en cause. « L’avant-projet de loi relatif à ‘l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information‘, débattu pour la première fois le 5 décembre 2002 par le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA), fait peser une menace d’une ampleur encore indéterminée sur ces pratiques », écrivent les responsables de l’association.

Le temps de la réflexion

Surtout, la FSF France souligne que les propositions de correction doivent être arrêtées avant la fin de l’année en vue d’une adoption éventuelle de la loi début 2003. « Pourquoi une telle précipitation à légiférer sur un sujet aussi délicat ? La France sait prendre le temps de la réflexion dans l’application des directives européennes lorsque cela s’avère nécessaire », s’interroge la FSF France. D’autant que le mouvement du logiciel libre n’est ni représenté, ni invité aux débats menés par le CSLPA rattaché au ministère de la Culture.

Plus grave, selon l’APRIL (Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre), le projet de loi irait bien au-delà des propositions de la directive européenne en autorisant des organisations privées comme la BSA (Business Software Alliance) à se substituer purement et simplement aux auteurs, sans forcément les consulter. « La BSA, écrit l’APRIL, pourrait aussi perquisitionner dans les entreprises. » Rappelons que la BSA, dont Microsoft est l’un des membres les plus représentatifs, a pour objet de lutter contre l’usage illicite de logiciels. « Si le projet de loi est approuvé, n’importe quel procédé baptisé ‘contrôle d’utilisation’ (article 14 de l’avant-projet) décidera de ce que vous avez le droit de faire ou non, à la discrétion de l’auteur », lit-on dans un communiqué de l’APRIL.

Appel à la mobilisation des utilisateurs

Bref, sous couvert de lutte contre le piratage et d’harmonisation des droits d’utilisation, les liberté individuelles risquent d’en prendre un coup si la loi est adoptée. Fort de ce constat, la FSF France a lancé un appel de fonds. Baptisé Eucd.info, les dons recueillis serviront principalement à « rédiger et promouvoir des propositions législatives destinées à préserver les intérêts du grand public ». « Les modifications envisagées dans la loi peuvent menacer les libertés associées au logiciel », déclare Frédéric Couchet, président de la FSF France, « mais nous espérons faire prendre conscience au grand public que cette menace s’étend à bien d’autres domaines. » Hélas, la période des fêtes n’est peut-être pas propice à la mobilisation…