Le juge ordonne la scission de Microsoft

Mobilité

Le couperet est finalement tombé, Microsoft doit être scindé en deux sociétés distinctes. La décision finale du juge Jackson détaille très précisément la marche à suivre, mais, bien sûr, l’éditeur de Redmond a déjà indiqué qu’il ferait appel.

Ca y est, le juge Jackson a tranché, Microsoft doit être scindé en deux entités distinctes. Le plan de scission annoncé en détail pendant la nuit (heure française), reprend l’idée générale avancée par le ministère de la Justice américain (voir édition du 2 mai 2000). A savoir, d’un côté une société s’occupant exclusivement du développement et de la distribution des systèmes d’exploitation et, de l’autre, une société chargée des applications (Office, butineurs Internet, etc.). « Seul un remède aussi radical peut combattre de manière efficace l’emprise monopolistique exercée par la société sur l’industrie ‘high-tech' », a déclaré le juge. Et le texte du mémorandum signé par le Juge n’y va pas par quatre chemins. En voici quelques extraits :

– Il existe des preuves tangibles dans les archives pour penser que Microsoft, convaincu de son innocence, continue d’agir comme il l’a fait par le passé et infligera à d’autres marchés ce qu’il a déjà fait aux marchés des systèmes d’exploitation et de butineurs Internet.

– Microsoft n’a montré aucune disposition pour modifier volontairement son comportement de façon significative.

– Microsoft s’est déjà plusieurs fois montré non digne de confiance par le passé.

La décision finale indique une marche à suivre très précise. Quatre mois au plus tard après ce jugement, Microsoft devra proposer à la Cour et aux plaignants (c’est-à-dire le ministère de la justice et les 17 états américains à avoir poursuivi l’éditeur de Redmond) un plan de dépossession (le terme anglais « divestiture » signifie également « déshabillage » et « désinvestissement, a été préféré au terme plus rude de « breakup », ndlr). Les plaignants auront ensuite 60 jours, après réception du plan de Microsoft, pour présenter leurs objections. Dernière étape, Microsoft disposera d’encore 30 jours pour répondre à ces objections. Le plan finalement accepté par la Cour, qui implique le partage des hommes, des produits et des différents aspects de la propriété intellectuelle qui y sont associés, doit faire en sorte que la scission dure au moins dix ans.

Avant la scission proprement dite, qui prendra tout de même un certain temps, le juge a chercher à imposer quelques restrictions au comportement de la société :

– Interdire à la société d’utiliser des menaces ou des punitions envers les fabricants de PC ou les développeurs de logiciels en jouant sur les prix du système d’exploitation ou en retentant certaines informations essentielles.

– Obliger la société à publier des informations techniques sur ses produits

– Interdire à la société de modifier son système d’exploitation de telle façon qu’il modifie le comportement ou altère les performances de logiciels non Microsoft.

– Bannir les contrats d’exclusivité ou les ventes liées, ce qui signifie qu’un développeur ne doit pas être obligé d’accepter une offre Microsoft pour obtenir le produit dont il a réellement besoin.

– Prohiber la liaison obligatoire de logiciels, tel le butineur Internet Explorer, avec le système d’exploitation à moins qu’une version du système dénuée de ce logiciel ne soit également disponible.

Le juge a demandé que ces restrictions prennent effet dans les 90 jours.

La réponse de Microsoft ne s’est pas fait attendre. Une demi-heure après l’annonce de la décision du juge, Bill Gates et Steve Ballmer ont tenu une conférence de presse indiquant que, comme prévu, ils feraient appel de la décision. « Nous avons un dossier d’appel très solide », a notamment déclaré Bill Gates, « et nous sommes impatients de régler ces problèmes lors du processus d’appel afin de laisser cette affaire derrière nous, une fois pour toute ». Mais il semble toutefois préparé à se battre encore longtemps. Son intervention à la conférence de presse a, en effet, commencé en ces termes : « Je me souviens d’un vieux dicton disant qu’aujourd’hui est le premier jour d’ici à la fin de sa vie. Je suis persuadé qu’aujourd’hui est le premier jour de la fin de ce procès ». Jouant moins sur les mots, Bill Neukom, le conseiller juridique principal de Microsoft, a indiqué que la société irait en Appel devant la Cour d’Appel du District de Columbia, plutôt que de demander à se présenter directement devant la Cour Suprême. On se souvient en effet que le juge Jackson avait émis cette idée afin d’accélérer la procédure. Ce qui n’est évidemment pas à l’avantage de Microsoft. Selon l’éditeur, « aucune contrainte ne pourrait être appliquée par Microsoft avant 2003 ».

Cette décision marque un véritable tournant dans le feuilleton « anti-trust » qui dure depuis le 19 octobre 98, date du début du procès. Mais de nombreux épisodes nous attendent encore. En pendant ce temps là, le nouvelles technologies continuent d’évoluer. Malgré le rythme soutenu voulu par le juge Jackson, on se demande tout de même si la Justice est adaptée.

Pour en savoir plus :

* Les documents officiels de la Cour (en anglais)

* Le point de vue de Microsoft (en français)

* Le point de vue de Microsoft (en anglais)

* Notre dossier « Microsoft dans la tourmente »Forums VNUnet :

Vous avez un avis sur le démantèlement de Microsoft ? Exprimez-vous sur notre Forum Actualité.