Le monde selon Jobs…

Mobilité

Incroyable sens prédictif du fondateur et de l’actuel dirigeant d’Apple ! La preuve, une interview donnée en 1996 à nos confrères de Wired. Selon Jobs, ce qui est bon pour le commerce est bon pour le Web. Et de décrire sommairement une organisation où l’Internet court-circuite les intermédiaires et un monde où le design… ne prévaut pas.

En 1996, Steve Jobs a quarante ans. Difficile à l’époque d’avoir une idée de la façon dont un producteur quelconque va rencontrer ses clients plus facilement grâce au Web. Tout est à construire. Souvenez-vous qu’à l’époque, 99 % des sites de l’Internet ne sont que des pages de documentation et proposent rarement plus de services. Jobs est alors encore le patron de NeXT et pas encore l’iCEO d’Apple. Pour lui, l’ordinateur a sombré dans une léthargie qui durera au moins 10 ans, ou tout au moins jusqu’à la fin du siècle. L’ordinateur ne l’intéresse alors pas plus que cela ! L’ordinateur, pour Jobs est passé d’un objet solitaire, sur lequel les ressources devaient être ménagées, à un ordinateur interconnecté, où la question du stockage n’a plus de signification : il y a le Web à tout faire.

Mais la vision du gourou des fans d’Apple est bien plus pénétrante en ce qui concerne ce qui va secouer l’économie, grâce au réseau mondial. Deux idées fortes se dégagent de l’interview de Wired : la vélocité de la relation directe au client, et le design des produits. La question de la relation client y est prégnante : « (?) la meilleure façon de penser au Web, c’est dans le sens du canal de distribution directe vers le consommateur. Cela court-circuite les intermédiaires. Et il se trouve qu’il y a des tas d’intermédiaires dans cette société. Et ils ont plutôt tendance à ralentir les choses, à semer la pagaille et à renchérir les prix. Leur élimination va s’opérer en profondeur ». Voilà qui annonce l’Apple Store… et les problèmes actuels de relations entre Apple et ses distributeurs (voir édition du 13 septembre 2000).

Mais Jobs fait aussi des commentaires très orientés quant à ses idées du design ou de la conception des objets. Il prend pour cela l’exemple du choix d’une nouvelle machine à laver pour sa famille. « Le monde du design est bizarre. Beaucoup de gens pensent que le design c’est l’apparence. Mais bien sûr, si vous creusez un peu plus, c’est en fait, comment cela marche. Le design du Mac ne reposait pas sur son apparence, bien que ce fut une partie de la machine. Au premier chef, il s’agit de la façon dont il fonctionne. La plupart des gens ne prennent pas le temps de faire cela. (?) Le design n’est pas limité à des gadgets fantaisistes. Notre famille vient juste d’acheter une nouvelle machine à laver et un sèche-linge. […] Ce sont les Européens qui fabriquent les meilleures – même si elles mettent deux fois plus de temps (que les machines américaines) pour laver les vêtements ! […] Elles ne les abîment pas. Elles utilisent moins de lessive, beaucoup moins d’eau, mais le lavage est bien meilleur, plus doux et les vêtements durent plus longtemps ».

[…] « On a fini par parler beaucoup de design, mais également des valeurs de notre famille », poursuit Steve Jobs. « Etait-il important que le linge soit lavé en une heure plutôt qu’une heure et demi ? Ou nous était-il plus important que les vêtements soient beaucoup plus doux et qu’ils durent plus longtemps ? Utiliser un quart de moins d’eau ? […] Nous avons finalement acheté des machines Miele, fabriquées en Allemagne. Elles sont trop chères. Mais c’est parce que personne ne les achète dans ce pays. Elles sont vraiment très bien fabriquées et il s’agit d’un des seuls produits que nous ayons achetés ces dernières années dont nous soyons vraiment contents. Ses concepteurs ont vraiment pensé à tout. Ils ont fait du très bon boulot de conception sur ces machines. J’ai été plus enthousiasmé par ces machines que par n’importe quel objet high-tech depuis des années ».

Steve Jobs en vendeur de machine à laver ! Qui l’eût cru ? Et voilà les quatre dernières années de l’informatique Apple expliquées au travers de l’exemple des réseaux de revendeurs de voitures et des valeurs de consommateurs de la famille Jobs ! Il ne manque d’ailleurs qu’une arrivée d’eau au G4 Cube pour qu’il se transforme en une fantastique machine lavante-séchante ! Plaisanterie mise à part, on s’aperçoit à quel point le personnage est un visionnaire et un grand pédagogue. Car, on le sait, design et logistique sont les clés du succès d’Apple.

Pour en savoir plus :

L’interview de Steve Jobs par Wired (en anglais)