Le virage légal de la musique en ligne

Mobilité

MP3.com ouvre à nouveau son service MyMP3, fermé pour cause d’illégalité, mais cette fois-ci il sera payant. Face à Napster / Bertelsmann qui a changé de camp, le sécuritaire Liquid Audio s’intéresse au système d’échanges Scour, après Listen.com et les Majors. Faut-il y voir un tournant dans la course à la musique en ligne ?

Tout a commencé par l’accord entre Napster et Bertelsmann, l’incarnation du piratage par le biais des fichiers MP3 et le géant allemand des médias (voir édition du 31 octobre 2000). Aujourd’hui Napster s’offre les services d’un expert, conseiller de la Commission des affaires juridiques du Sénat américain. Les serveurs du logiciel d’échange de fichiers sont contrôlés. La preuve : Emusic parvient à faire bloquer les comptes des utilisateurs de Napster qui s’échangent des fichiers MP3 appartenant à son catalogue (voir édition du 23 novembre 2000).

Comme ce fut le cas avec Metallica et Dr. Dre, voici que les personnes qui ont téléchargé des MP3 du groupe Rage against the Machine sur Napster se voient renvoyés vers une page leur indiquant qu’ils ont probablement violé les droits du groupe. Outre le contrôle de Napster, ce qui surprend ici c’est que le groupe lui-même n’était apparemment pas au courant de cette initiative : « La décision d’agir contre les fans de Rage a été prise de manière complètement unilatérale par notre nouveau management », s’excuse le guitariste Tom Morello . Rage against the Machine dépend du label Epic, qui appartient à Sony, une Major toujours en procès contre Napster.

Les artistes réagissent différemment à la distribution en ligne

Cette dispute souligne les nouveaux rapports que la distribution en ligne peut installer entre les artistes et leur label. On se souvient de l’exemple des Smashing Pumkins qui avaient choisi de distribuer leur dernier album à quelques fans avec comme mission de le disséminer (voir édition du 13 septembre 2000). Dernièrement, on a aussi vu Elton John et d’autres se rebeller contre Napster (voir édition du 28 novembre), chacun faisant à sa manière. David Bowie, de son côté a préféré négocier avec MyMP3, le service de stockage de CD sur le Net de MP3.com (voir édition du 13 janvier 2000), fermé suite aux poursuites engagées par les Majors.

Aux dernières nouvelles, MP3.com avait trouvé un accord avec Universal, la dernière des Majors à ne pas s’être entendue avec le site (voir édition du 15 novembre 2000). Universal recevra 53,4 millions de dollars de MP3.com, une belle somme, enviée par ses petits camarades, qui eux n’ont eu droit qu’à 20 millions chacun. Ce qui fait prédire à certains observateurs de nouvelles actions par les Majors s’estimant lésées. En attendant, MyMP3 vient de rouvrir. Mais alors que le service était gratuit, il devient payant : 50 dollars (environ 380 francs) pour un an et le droit de stocker jusqu’à 500 CD. Les utilisateurs peuvent tout de même obtenir un accès gratuit, mais devront subir des publicités. Pour l’instant, les droits des CD semblent gérés au cas par cas, tous les albums n’étant pas forcément enregistrables sur le site, mais l’utilisateur peut aussi enregistrer gratuitement le catalogue de 750 000 chansons et fichiers audio publiés par des artistes sur les sites.

Scour convoité par les Majors ?

Dans l’actualité chargée de la musique en ligne, il faut aussi noter l’engouement autour de Scour, le système d’échange de fichiers sans serveur (voir édition du 5 avril 2000) qui a récemment déposé son bilan et dont le site musical Listen.com cherche à racheter les actifs. Or toutes les Majors possèdent des parts de Listen.com et voici maintenant que Liquid Audio, société spécialisée dans les solutions de musique sécurisée, s’y intéresse. A l’image de son grand frère Napster, Scour peut en effet constituer une très bonne solution de distribution de musique. L’implication de Liquid Audio dans l’affaire ajouterait du sérieux à un nom associé au piratage. Scour reste d’ailleurs poursuivi notamment par la RIAA (Recording industry association of America, voir édition du 21 juillet 2000).

En observant Napster, MP3.com et Scour, on réalise que le paysage de la musique en ligne est en train de basculer vers les solutions légales et bien entendu payantes. Combien persisteront à télécharger des morceaux « pirates » quand il sera beaucoup plus simple de passer par une distribution légale ? C’est la grande inconnue qui demeure.