L’écrit numérique sous haute protection

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Face à l’essor du livre électronique, les idées font leur chemin en matière de protection des droits d’auteurs. Tandis que la Société des Gens de Lettres fige dans le numérique la paternité d’une oeuvre, des géants tels Xerox ou Adobe s’efforcent d’empêcher la copie illégale des titres vendus sur le Net.

Alors que l’industrie du disque encaisse durement la secousse MP3, les maisons d’édition du monde papier sont encore loin d’être ébranlées par l’arrivée timide du livre électronique. Toutefois, les risques de « pillage » des romans, journaux et autres documents électroniques ne sont pas loin. Outre la reproduction débridée, les auteurs peuvent craindre de voir leurs oeuvres détournées. D’où la naissance de différentes technologies, parfois originales à l’image de celle de la Société des Gens de Lettres (SGDL).

La SGDL vient en effet de créer un service d’empreinte numérique en ligne baptisé Cleo, susceptible de mettre fin aux débats futurs sur la paternité d’une oeuvre. Il fait appel à un logiciel de cryptage, Cyberclé, qui produit une fiche d’identification unique à partir du fichier texte. Pour la créer, il faut télécharger gratuitement Cyberclé sur son ordinateur (Mac ou PC). Le résultat est qu’à aucun moment, le texte ne circulera sur le Web, puisque tout se passe en local sur la machine.

En fonction de la longueur du texte et de sa composition, les algorithmes de chiffrement SHA 1 de Cyberclé génèrent un « moule » de l’oeuvre. A vrai dire, ce n’est qu’une suite de 52 signes (lettres et de chiffres). Mais elle contient suffisamment d’informations cryptées, dont la date, pour revendiquer le dépôt et la paternité du document. La conservation de la clé par la SGDL coûte 60 francs TTC par an. Evidemment, il faut conserver chez soi le texte original et sa clé, sur le support électronique de son choix.

Reste que le principal souci posé par le Net est l’extraordinaire facilité de diffusion (légale ou non) d’un titre. Adobe, dont le format de document PDF est devenu incontournable, commercialise depuis peu en Europe une parade avec le logiciel Merchant, pour contrôler l’exploitation d’un document. En fonction de sa politique commerciale, un libraire en ligne peut l’utiliser pour autoriser ou non l’impression des pages d’un roman ou la sélection du texte pour un copier-coller vers une autre application.

Comment protège-t-il de la copie ? En téléchargeant un fichier depuis un serveur exploitant PDF Merchant, l’internaute crée involontairement sur son ordinateur une fiche d’identification anonyme, qui servira de clé pour consulter l’oeuvre. « Le logiciel crypte le document PDF et lui associe un identifiant à partir du numéro de la carte-mère de votre PC, du disque dur ou de la cartouche Zip sur laquelle on stockera le fichier », explique Franck Gros, responsable de la division e-Paper chez Adobe. Cette clé unique empêchera de consulter le document PDF sur une autre machine, sauf si le libraire en ligne décide d’autoriser la copie. On peut prêter l’oeuvre stockée sur la cartouche Zip, puisque le code du support Zip et la clé sont réunis. Dans les autres cas, à moins de prêter son ordinateur, il devient impossible à une personne tierce d’ouvrir le document. « Le marchand en ligne peut accepter qu’une oeuvre soit lue sur d’autres machines (après une phase d’identification, ndr), tout dépendra des choix en matière de stratégie commerciale », poursuit Franck Gros.

De leur côté, Xerox et Microsoft se sont associés à travers une société commune dénommée ContentGuard. Sa technologie, développée dans le centre de R&D de Xerox à Palo Alto, fournit des services comparables à ceux d’Adobe. Une différence importante est qu’ils sont extensibles à des formats liés à la musique ou aux logiciels.

Microsoft explique qu’un utilisateur référencé peut distribuer son fichier à des amis mais que les destinataires ne pourront guère l’ouvrir. Il existe aussi des demi-mesures : on peut limiter la lecture d’un roman ou d’un film téléchargé à un seul chapitre, ou bloquer la consultation après un certain temps. Un principe loin d’être nouveau, presque calqué sur celui des logiciels gratuits à l’essai (shareware).Le logiciel Microsoft Reader, lancé cet été, sera le première application de la firme de Redmond à incorporer la technologie ContentGuard.

Pour en savoir plus :

* Cleo de la SGDL

* PDF Merchant

* ContentGuard