L’équipe Mac de Microsoft, des aficionados déchaînés

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Des corsaires d’Apple se cachent à Redmond, siège de Microsoft, en plein fief Windows. Ils ont des correspondants dans les filiales de l’éditeur à travers le monde. L’équipe de la Mac Business Unit, en place depuis près de quatre années, semble vouloir donner du fil à retordre à ses propres collègues, spécialisés sur la plate-forme pour PC. Dernier exploit en date ? Le portage des 30 millions de lignes de code d’Office sous Mac OS X. Radiographie d’une équipe de passionnés.

Depuis 1997, plus personne ne croit à l’indépendance d’Apple : les 150 millions de dollars injectés par Microsoft dans la compagnie ont fait penser à chacun que le Goliath de Redmond n’avait fait qu’une bouchée du David de Cupertino. Grave erreur ! L’investissement en question n’a jamais représenté plus de 5 à 6 % du capital de la Pomme et n’a donné droit qu’à des actions prioritaires sans droit de vote, dont l’exercice n’était possible que trois années après l’accord d’échange de brevets et de technologies signé en août 1997 entre les deux firmes ! En revanche, le marché conclu imposait à Microsoft d’investir dans des logiciels pour le Mac. Ce qui fut fait. Et plutôt bien fait, puisqu’une unité de production de logiciels indépendante dédiée à la plate-forme fut montée d’emblée à Redmond par Ben Waldman, 29 ans à l’époque, un « junior » entré chez Microsoft en 1989 et qui avait surtout travaillé sur la suite Office 97. Le travail de Ben Waldman n’a pas été négligeable puisque sous son autorité, l’équipe de la Mac BU (pour Business Unit) est passée à 150 membres et a sorti des logiciels de plus en plus orientés Mac : Office 98, Internet Explorer 4.5 et Outlook Express. En même temps, cette présence n’a pas toujours été bien vue par les autres collaborateurs de Microsoft, même si (ou peut-être parce que ?) Bill Gates est le plus grand supporter des activités de la Mac BU.

L’ami Ben s’en est allé vers d’autres horizons depuis (voir édition du 12 janvier 2000) et a laissé les commandes à un directeur sportif volontaire et dynamique : Kevin Browne. En place dès le début de 2000, il s’est surtout illustré par son célèbre slogan « Seulement sur le Mac », lancé à la cantonade durant MacWorld 2000 (voir édition du 21 juillet 2000). Et à y regarder de près, il ne s’agit pas seulement de propagande. Les produits de la Mac BU ont une apparence et une facilité d’utilisation qu’on ne trouve pas vraiment sur Windows. Sous la férule de Browne, l’équipe des développeurs Mac installée en plein coeur de l’empire Windows a engagé le chantier du passage à Max OS X (voir édition du 26 juillet 2000). Ils ne se sont pas attelés seuls à la tâche : Apple a abondamment oeuvré pour aider l’équipe tandis que la firme à la Pomme apprenait également beaucoup des spécialistes recrutés par Redmond. Car il ne faut pas s’y tromper : les développeurs installés au siège de Microsoft et dans son laboratoire Mac ne sont pas des convertis de dernière minute ! Il s’agit de passionnés, issus pour la plupart du monde Apple. De là leur esprit indépendant et leur autonomie, en plein coeur des ateliers numériques de produits pour PC. Hormis le patron, on retrouve quelques grands accros de la Pomme, comme Kenny Wolf, le chef du développement. Ce dernier est un fanatique de la première heure, selon MacCentral. Il a commencé à travailler sur des Apple II en 1981. Mais on trouve aussi Michael Connolly, responsable de l’interface, du design et de la coordination des projets. Lui aussi s’occupe d’applications pour le Mac depuis Excel 5.0. Ajoutez à cela Ed Ferris, le patron du laboratoire Mac de Redmond, le plus vaste labo équipé en Mac derrière celui d’Apple à Cupertino ! Ed ne rigole pas avec l’informatique et arbore volontiers un tee-shirt avec un énorme « Désolé, je ne fais pas dans le Windows » signé d’une Pomme arc-en-ciel. Derrière ses 18 années d’expérience sur des Mac se cache une collaboration sur PageMaker quand l’application appartenait encore à la société Aldus et non à Adobe, ou encore un passage chez Apple à l’époque de John Sculley.

De la complémentarité à la concurrence

Les relations de l’équipe de la Mac BU avec les développeurs d’Apple sont excellentes. Un esprit de quasi-transfert de technologies semble en place. L’effort combiné des 160 aficionados du Mac cachés dans les entrailles du quartier général de Windows pourrait bien donner du fil à retordre à leurs petits collègues des bureaux d’à côté, qui travaillent sur PC ! Leur travail acharné apparaît de plus en plus dépasser la complémentarité entre plates-formes Mac et PC pour s’apparenter à de la concurrence…