Les échanges de fichiers MP3 en nette diminution

Mobilité

Une étude met en évidence la corrélation entre les pressions de la RIAA sur les particuliers et la diminution des échanges de fichiers musicaux en ligne. Au prix d’une dégradation de l’image de l’industrie du disque dans l’esprit des consommateurs.

Les efforts de la RIAA (Recording Industry Association of America) pour inciter les internautes à ne pas pirater de musique ? au besoin en les poursuivant en justice (voir notamment édition du 20 octobre 2003) ? ont-ils porté leurs fruits ? Oui, selon le cabinet américain NPD qui, en s’appuyant sur un panel de 40 000 utilisateurs, a évalué à 1,4 million le nombre de foyers qui ont supprimé les fichiers MP3 des disque durs de leurs ordinateurs pour le seul mois d’août 2003, soit avant le début des poursuites judiciaires de l’association. Un chiffre à comparer à celui au mois de mai 2003 où 606 000 résidents décidaient de faire le ménage sur leur ordinateur.

Certes, entre faire de la place sur ses disques durs et graver une bonne fois pour toute les titres téléchargés, les raisons de la suppression des fichiers MP3 ne manquent pas et n’ont pas forcément de lien direct avec les pressions de la RIAA. Mais NPD souligne que 80 % des utilisateurs qui ont effacé les traces de piratage avaient moins de 50 fichiers illégaux sur leur disque et seuls 10 % des « nettoyeurs » comptaient plus de 200 fichiers MP3 stockés. « Bien que les litiges avec la RIAA concernent les plus gros partageurs de fichiers en ligne », soulignent les auteurs de l’étude, « il apparaît que les poursuites affectent ceux qui ne partagent que quelques fichiers, révélant ainsi que l’idée que le partage de fichiers musicaux est illégal passe dans l’esprit du grand public. » Pour enfoncer le clou, NPD annonce que le nombre d’utilisateurs des services de peer-to-peer a chuté de 11 % entre août et septembre 2003, entraînant une baisse de 9 % des échanges en ligne.

Déficit d’image

Une victoire pour la RIAA ? Pas si sûr. Son action à l’encontre des particuliers est jugée agressive et est perçue négativement. Si deux tiers des utilisateurs de Kazaa et autres Morpheus ont une opinion défavorable de l’industrie du disque depuis la mise en route des poursuites de la RIAA, ils sont 40 % parmi ceux qui ne téléchargent rien, selon NPD. La tendance est donc à la brouille entre les consommateurs et les majors du disque, ce qui a notamment entraîné des opérations de boycott aux Etats-Unis (voir édition du 20 octobre 2003). D’autant que, selon l’Idate, il s’échange chaque jour entre 130 et 150 millions de fichiers musicaux sur Internet. On estime à 12 milliards le nombre de chansons circulant sur les réseaux P2P rien qu’en 2003. La musique n’est d’ailleurs pas la seule touchée : le cinéma, la littérature et, bien entendu, l’informatique aussi. Pas moins de 87 millions de fichiers de films auraient été échangés en 2003.

Et le plus inquiétant pour l’industrie des loisirs culturels reste peut-être à venir. Les menaces de la RIAA (et d’autres associations équivalentes à travers le monde) poussent les internautes à radicaliser leurs échanges. Ils se tournent notamment vers des services chiffrés ou anonymes qui rendent plus difficile, pour l’industrie musicale, la récupération de preuves des activités illégales. Des applications comme Blubster, Waste (officiellement indisponible mais circulant toujours sur le Net) ou Locutus séduisent de plus en plus de particuliers et d’entreprises intéressées par les outils de sécurisation des échanges en ligne. Ce qui tend à améliorer le développement de ces logiciels qui deviennent plus performants et simples à utiliser… La boucle est bouclée. Cela ne concerne pour le moment qu’un nombre relativement limité d’internautes à l’échelle du réseau mondial, mais on connaît la puissance du Net pour propager les nouveaux usages.