Les lacunes du hub numérique d’Apple

Mobilité

Préparé dans l’ombre depuis 1999, prôné depuis janvier 2001, efficace depuis janvier 2002, le hub numérique d’Apple réjouit les aficionados du Mac. Mais ne manque-t-il pas quelques briques à la vision de Steve Jobs pour que sa plate-forme soit réellement considérée comme le centre du nouveau mode de vie numérique ?

Grande philosophie informatique du moment, la fédération de périphériques numériques autour de l’ordinateur familial a été formalisée lors de la MacWorld Expo de San Francisco en janvier 2001. L’idée date en fait de près de deux ans, quand Apple a introduit iMovie, AirPort et les prises FireWire et USB. Hub numérique, mode de vie numérique, de quoi s’agit-il ? Tout simplement d’un transfert de fonctions autrefois réalisées par des appareils dits analogiques vers de nouveaux périphériques numériques, et de leur utilisation transparente dans la vie courante. Mobiles, appareils photo, caméscopes, PDA, baladeurs MP3…, la liste de ces petits produits qui envahissent la vie de tous les jours s’allonge à l’envi. Avant que Steve Jobs ne replace l’ordinateur au centre de ces matériels, l’idée prévalait que ce même ordinateur avait fait son temps, ringardisé, mis à la retraite par ces jouets qui lui dérobaient chacun une fonction. L’intégration logiciel/matériel chère à Apple depuis 1984 sert ici de moteur principal au mode de vie numérique. Si vous achetez un appareil photo numérique et que vous le branchez à un Mac à peine sorti de son carton d’emballage, celui-ci lance automatiquement le logiciel iPhoto – qui n’a pourtant pas encore été paramétré par l’utilisateur. Simple, automatique, instantané, rassurant? que demander de mieux ? Idem pour le sans-fil : branchez la borne Airport, ça marche ! Tant les fabricants d’ordinateurs que les fondeurs de puces se hâtent désormais d’adopter cette idée de convergence numérique exprimée par Jobs. Si Sony semble s’y prendre aussi bien qu’Apple, Intel n’a été en mesure de fournir une architecture cohérente de fonctionnement sans fil des portables PC que depuis quelques semaines. Et l’idée d’intégrer logiciels et matériels n’a effleuré les esprits des ingénieurs de Microsoft que depuis la dernière WinHec (voir édition du 12 mai 2003), même si la firme de Redmond a truffé son système d’exploitation Windows XP de wizards (des petits assistants à la configuration) censés rendre l’utilisation du PC aussi simple que celle d’un Mac ! Bref, deux ans après son lancement, tout le monde sait faire du hub numérique, mais certains mieux que d’autres…

Le jeu, parent pauvre du Mac ?

Toutefois, Apple ne semble pas s’être rendu compte qu’à l’instar de son retard initial dans les domaines de la musique et des graveurs de CD, plusieurs domaines du hub numérique sont passés totalement à côté de son champ de vision. Les jeux vidéo, par exemple, sont un de ces domaines plus ou moins négligés par Cupertino. De longue date diront certains. Un retour des jeux se fait sentir, argueront d’autres (voir édition du 9 mai 2001). Bien sûr, Unreal Tournament 2003, pour ne citer que lui, fonctionne sur Mac. Mais il a ainsi fallu attendre de longs mois avant que des extensions soient disponibles pour piloter les périphériques de jeu. C’est un éditeur tiers, CarvWare, qui a ainsi commercialisé le premier pilote de contrôleurs de jeux vidéo digne de ce nom sur Mac OS X, le Gamepad Companion, tarifé à 20 dollars. Dans la même veine, alors que les jeux en ligne font un tabac, presque aucun n’est disponible sur la plate-forme. « La version online du jeu Myst 4, pourtant développé initialement sur Mac, devrait être destinée uniquement aux PC, jusqu’à plus ample information », se plaint un joueur sur un site américain spécialisé… Heureusement, les modèles de développement de jeux semblent en voie de rationalisation, d’après Glenda Adams (voir édition du 20 mai 2003), une spécialiste du domaine qui a rejoint récemment Aspyr Media. Mais il faudra bien deux ans avant de voir les premiers jeux sortir simultanément sur PC et Mac !

Télé et vidéo : des progrès à faire

Et les lacunes du hub numérique d’Apple ne se limitent pas aux jeux : iSync, le logiciel de synchronisation de périphériques, laisse encore de côté un pan entier des téléphones mobiles ou des PDA. Il se dit bien qu’une prochaine version doit améliorer ce point, mais y trouvera-t-on les modèles non équipés de Bluetooth ou d’autres téléphones que ceux de Sony Ericsson ? Enfin, le hub d’Apple ne néglige-t-il pas aussi la vague de l’acquisition vidéo de chaînes de télévision et de leur visionnage sur la télévision ? Les ordinateurs, déjà utilisables comme des lecteurs de DVD, sont ainsi devenus de véritables magnétoscopes numériques, utilisant le time shifting, introduit par des boîtiers externes comme celui de TiVo. Ce dernier, qui vient d’adopter le format AAC utilisé par Apple dans sa dernière version d’iTunes, pourrait être en cours de rapprochement avec le constructeur de Mac. Et certains PC peuvent même relayer des programmes vers la télé ! Et sur Mac ? Il y a bien le boîtier EyeTV, actuellement en promotion sur l’AppleStore français, mais la solution – bien que particulièrement bien conçue et fonctionnelle – manque d’intégration avec le reste du hub d’Apple. Ainsi, la fonction de gravure de Mac OS X ne prend pas en charge les CD vidéo, ce qui oblige à acheter séparément le logiciel Toast 5 Titanium pour sauvegarder les programmes. Et ne parlons pas de la gravure de DVD ! Pour voir à quelle sauce la firme de Cupertino pourrait être mangée dans ce domaine, il suffit de jeter un coup d’oeil sur le logiciel français Sesam.Tv qui donne un bon exemple, quoique perfectible, de la poursuite de la convergence numérique… A la décharge de la Pomme, il faut dire que celle-ci a eu beaucoup à faire pour inventer un modèle de distribution de musique sur Internet, et elle ne peut certainement pas être au four et au moulin pour disposer aussi de sa solution dans le domaine !